Jasmin de Reykjavik

mis en ligne le 27 janvier 2011
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Quelle marrade la MAM, autrement appelée « mouche à merde » – elle est pas de moi celle-là, merci au Régis du comptoir –, poilade que de la voir se débattre tel le nuisible pris dans la toile, « mes propos ont été mal compris » qu’elle dit, avant de s’avouer « scandalisée par le fait que certains aient tenté de les déformer ». Il suffit, Mouche, t’es pas drôle : nous t’avons, toutes et tous, entendu proposer à l’encore ami Ben Ali une aide gendarmesque, à chaussures à clou et bâtons, et tes propos plus que publics, puisque tenus à l’Assemblée, nul ne les méconnaît – c’est à un clic de souris. Dans le registre cynique-sa-mère il fallait, l’autre soir, entendre la Pécresse défendre ô combien naïvement sa copine de classe sociale, affirmer que MAM voulait juste qu’« on cesse de tirer sur les manifestants » (propos que l’intéressée n’a jamais prononcés), et puis qu’elle était, MAM, « bouleversée par les événements », pfff… fadaises, billevesées, propos mal compris dis-tu ? Tu parles, toi, nous : on écoute. Et on regarde aussi la tellement bouleversée ministre foutre le camp, en ce révolutionnaire week-end, dans son Saint-Jean-de-Luz chéri, culotte de cheval offerte aux vents et aux embruns, c’est dire à quel point elle se sentait concernée par ce qui se passait à Tunis. En un mot comme en mille, je me risque à penser ceci : dans une démocratie, même bourgeoise, même pourrie mais se respectant un tantinet soit peu, une bourde de ce calibre ferait passer illico la ministre à la trappe. Qu’elle dégage, la Mouche ! Pas en Sarkozerie, non, puisqu’il est entendu qu’au royaume du déni et de l’invention permanente, de la réalité ourdie, il ne saurait être question d’envisager quelque chose comme une révolution des rues.
Pourtant, et tandis qu’en France on en finit plus de mentir, la Tunisie poursuit son petit bonhomme de chemin tout à fait révolutionnaire en virant, par exemple, et sans ménagements et sans émoluments aucuns, les patrons des entreprises liées au clan Ben Ali/Trabelsi, d’autres patrons, aussi, directeurs de presse aux ordres et/ou commissaires de quartier. Là-bas on dégage les pourris, sans cesser de gueuler contre un gouvernement qui, bien qu’étant de transition, pense s’autoriser à reconduire les mêmes, ne serait-ce qu’en partie. « Qu’ils dégagent », s’entête la rue, laquelle, pour l’heure, ne lâche rien. Ce qu’on nous vend, de par nos contrées, comme « révolution du jasmin » (ça sent bon pis c’est doux, le jasmin, ça mange pas de pain, le jasmin) risque à terme de se révéler comme une des ruptures les plus radicales qui puissent être entre le peuple et un pouvoir qui pensait le tenir sous bride. Comme, en somme, un exemple à suivre.
Revenons cependant à nos moutons de Panurge, à ce populo bêlant en attente de 2012, « les socialistes sont prêts, le changement est proche » beugle Martine Aubry en direction de la bergerie. Nonobstant les millions de ruminants à corne prêts à, une nouvelle fois, accorder du crédit à cette loufoquerie appelée « élections », il y aurait de quoi rire en gras. Mais Ségolène Royal-au-bar n’a-t-elle pas annoncé, en visite dans le Nord, « l’espérance d’une société différente » ? Alléluia, sœurs, frères, nous v’là comme qui dirait sauvés ! Et l’Islande, Ségo ? Quoi l’Islande, répondit l’écho. En Islande, il se trouve qu’après avoir viré la droite ils ont jetés par la fenêtre le gouvernement de gauche lui ayant succédé et qui avait l’intention de mener la même politique, qu’ensuite le peuple a voté, à 93 %, le non-remboursement des banques ayant conduit le pays à la faillite, qu’en conséquence les Islandais ont purement et simplement nationalisés lesdites banques, sans pour autant cesser d’assiéger, très pacifiquement, le palais présidentiel : c’est qu’ils attendent désormais que l’Assemblée constituante, assemblée élue par leur soin, rende ses travaux, lesquels sont censés doter le pays de lois fondamentales qui, selon les Islandais, doivent rien moins qu’être « l’expression de la colère du peuple ». C’est encore loin, chérie, l’Islande ? Tais-toi et brame.