Fury is palpable, radicalism is fashionable

mis en ligne le 18 novembre 2010
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? En provenance du pays où, à ce qu’on nous dit, nul ne manifeste jamais, chacun restant chez soi à gober les couleuvres néoconservatrices comme autant de fourchetées de panse de brebis farcie, monte cependant un cri tout à fait de saison : « Tous ensemble, tous ensemble, general strike ! », hurlaient, en français dans le texte, près de 50 000 étudiants dans les rues de Londres le 10 novembre, avant de s’affronter durement aux robocops locaux, puis de les déborder et de s’en aller ruiner le siège du parti au pouvoir. La raison de cette colère ? Rien, une broutille, le triplement des frais d’inscription à l’université, à hauteur de 10 000 euros. Pas de quoi s’énerver, n’est-ce pas, cependant ces soi-disant stoïques sujets britanniques semblent, cette fois et durablement, dégondés. « Le radicalisme est dans l’air, la rage est palpable », prévient ainsi Zoé Pilger dans The Indépendant. Ah, que Bakounine fasse que les outre-manchots prennent la relève de la colère, puisqu’en France elle se calme, s’assoupit, se renfrogne sous le bonnet de nuit. Au pied de l’incinérateur d’ordures ménagères en la ville de Saint-Ouen, nous avons par exemple, dans la matinée de samedi, plié gaules et calicots. Les cheminées réintoxiquent, et le vieux nazi faisant office d’agent de sécurité jubile sous son casque à la con, tout est rentré dans l’ordre patron, valsent les camions poubelles sous les quolibets des grévistes. Pour autant, tout n’est pas perdu : on a surtout beaucoup gagné en dix jours sous les tentes à bloquer ces ordures, certaines humaines. Gagné du temps, de l’échange et du sens, de l’énergie, du partage, de la solide solidarité, de la bien concrète, de celle qu’on touche du doigt et qu’on sent dans la bouche. Certes on est retourné au taf sans que l’avorton du palais n’ait consenti à abroger cette loi inique et promulguée – tout un symbole – lors d’une nuit sans lune, mais, au-delà du fait qu’on l’attend au prochain tournant, lui et son gang mafioso, nous voilà requinqués comme jamais, les batteries à bloc, tout à fait prêts à en découdre. Si les autorités s’en moquent, à l’abri de la plèbe pensent-ils, protégés par une forêt de centaures oblitérés Police, les bureaucraties syndicales, de leur côté, s’inquiètent à juste titre de cette hargne soudaine, qu’elles savent incontrôlable. Ça flippe dans les permanences car un mouvement tel celui que nous venons de vivre, agit comme un révélateur des farces et attrapes que nous bradent à longueur de temps ces rabougris marchands d’opium et autres professionnels du syndicalisme de salon. Lorsqu’au bout de dix jours de blocage, nuit et jour sous pluie et vent, le délégué local – celui-là, qui accourt quand se pointent les caméras, et qu’autrement on ne voit jamais –, quand il n’ose plus pointer son museau en AG, moi je dis que c’est plutôt bon signe. S’ils ne sont plus ici c’est qu’on avance, vous ne trouvez pas ?
Mais chut, tais-toi ô ma rancœur, l’essentiel est ailleurs. Il est, paraît-il, dans le projet du Parti socialiste. Non je déconne. N’empêche, ils ne sont pas tristes ces pitres, à l’instar de François Hollande qui, se positionnant en vue de 2012, se campe en fin stratège : « J’ai laissé passé le coup d’avant pour être maintenant dans le coup du jour. » Bien vu mister Flamby, laisse passer les coups, laisse… Concernant le projet lui-même, l’ex-premier secrétaire estime que « le risque, c’est l’indifférence ». Le problème est de taille, dans la mesure où même de cette indifférence, finalement on s’en tape. Pour le métrosexuel Manuel Valls, « l’exigence de vérité et de crédibilité s’impose » en cette année, manière de dire sans le dire que, depuis Jaurès au moins, mensonge et grand n’importe quoi sont les deux faces d’une même (fausse) monnaie qui a pour nom Parti socialiste. Valls tient cependant à mettre en garde ses camarades contre une « mélanchonisation des esprits ». La formule serait bien trouvée qu’elle resterait ardue à prononcer. Gageons que Ségolène Royal lui préférera quelque chose comme la mélanchonnitude.