Du temps où on naissait plus jeunes

mis en ligne le 28 octobre 2010
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? En raison d’un mouvement de grève impliquant une certaine catégorie de volatiles dont l’autruche, cette rubrique sera consacrée en totalité à… la grève. (Nous prions nos lecteurs de bien vouloir éviter de nous en excuser.) Ah, la grève… Au Sénat règne en ce moment un suspense intenable car, tandis que s’écrivent ces lignes, est en train d’être votée la loi portant réforme du système des retraites. En même temps, on s’en tamponne, mais à fond. On s’en bat l’occiput, mais grave. Que nous chaut le vote de la chambre dite haute, en vérité gérontostère patenté, anté-mouroir aux relents de triques viagrées et de poudre à la naphtaline ? Qu’une poignée de sénilologues vantent le courage des croulants ne change rien à l’affaire : le vote du Sénat n’a, au sens strict du terme, aucune espèce d’importance. Pareillement, les propos d’un certain Vial, Olivier, président d’un certain collectif Stop La Grève, lequel se révèle être une ramification, je te le donne en mille Lucille, de l’Uni… « Nous voulons faire entendre la voix de la majorité silencieuse, des opprimés victimes d’une prise en otage par les grévistes », assure le garçon qui, dans le même temps, juge que les sondages donnant une majorité de Français favorables à la poursuite du mouvement, eh bien ces sondages « ne sont pas justes ». Si tu le dis… « Je peux vous promettre que quand on se rend, comme moi, sur le terrain, on voit bien que… » Bon ça suffit, ferme ta bouche, petit bourgeois : c’est quoi pour toi, le terrain ? Le marché des Sablons à Neuilly-sur-Seine, le dimanche ? Néanmoins et comme il se doit, c’est rien de dire que ce collectif bénéficie de soutiens de poids, notamment de la part des médias officiels. Ainsi Gérard Carreyrou, indécrottable brailleur et toujours dans le sens du vent, déclarait la semaine dernière : « On a le droit de faire grève, on a le droit de manifester, on a aussi le droit de circuler : c’est une liberté fondamentale. » Reste à inscrire le droit de faire la plein dans la Constitution. Pour Carreyrou, de toute façon, « c’est fini, c’est terminé, Nicolas Sarkozy a gagné la bataille ». En voilà, de la belle analyse journalistique, objective, non influencée ! Copé, pour sa part, jouait comme à son habitude sur le registre « la grève, c’est ringard ». « Je comprend que certains soient grognons », osait-il au plus fort des manifestations, au moment même où Hortefeux envoyait sa flicaille aux trousses de la jeunesse et des ouvriers de la pétrochimie, tous pareillement révoltés, « mais bloquer des dépôts, c’est d’un autre temps ! ». N’écoutant que son courage, front en sueur et micro tremblant, le journaleux osa tout de même lui demander à quelle époque petit Copé faisait référence. « Du temps où on bloquait les usines, c’est-à-dire il y a plusieurs siècles ! » Les personnels de Filtrauto, de Nutrea, de Jacob Delafon, j’en passe et des dizaines, apprécieront. Pendant ce temps, le seigneur du Château réfléchissait lui tranquillou à son futur remaniement, tout en croquant dans sa brioche. Le moins qu’on puisse dire est que Sarko n’a pas fait preuve, ces temps-ci, d’un exemplaire courage. Tout au plus a-t-il, en passant, « ordonné le déblocage de tous les dépôts de carburants », ce qui eut pour effet inverse de renforcer encore la détermination des camarades, sur les piquets. Il a prévenu, aussi, que « certaines limites ne doivent pas être franchies ». On n’en saura pas plus, mais comme en matière de franchissement c’est un connaisseur qui parle, on suppose que, lui, se comprend. Lâchant sa brioche pour une moule, Sarkozy s’est aussi offert une ballade à Deauville, en compagnie de Merkell – note de la rédaction : ce n’est pas le nom de son labrador, mais celui de l’actuelle chancelière allemande. Merkell la fidèle, à l’indéfectible soutien : « En Allemagne comme en France, la population ne pourra pas éviter de regarder la vérité en face, et la vérité c’est que les gens vivent plus vieux. » Merci, chère Angela, de cet éclairage précieux. Reste à savoir si « les gens » ne naîtraient pas plus jeunes.
À tout de suite dans la rue !