Rien de plus humiliant

mis en ligne le 7 octobre 2010
Tirant tête hors du trou, qu’entends-je ? Un matin comme ça on est bien, on se lève un peu tard, le café infuse tranquille, mais : on allume la radio. Geste fatal, brisant net toute velléité de tartine, puisqu’à l’autre bout des ondes cause l’indicible Finkielkraut, Alain. Philosophe, écrivain, courtisan à bretelles du sarkozystan-pour-mille-ans, ce gars a des idées sur tout, et surtout des… Il vient là vendre son bouquin, mais il prévient d’emblée avoir « hésité à le publier : j’avais peur d’ajouter du bruit au bruit ». Il hésita, donc, juste ce qu’il faut : son opuscule est en vente libre, dans toutes les mauvaises librairies. Le sujet de la chose ? « En France, il y a un sentiment qui monte. » Bigre. « En France, il y a un sentiment qui monte, qui est une francophobie très présente. Il faut faire face à cela. » Nous voilà renseignés. Charles Maurras est dans la place, qui agite ses mains en tous sens, semble parcouru de frissons, tremble des pieds à la crinière à la manière d’un pantin tout à fait déglingué. Quand, passage obligé, il se met à parler des Roms, on peut le voir qui bave, un peu : « Tracer une analogie entre le renvoi chez eux, avec indemnité, d’un certain nombre de citoyens et la déportation dans les camps de la mort, c’est abolir l’existence même des camps de la mort. » Putain d’envoi n’est-ce pas, uno ladite indemnité changerait la donne et rachèterait, c’est le mot, l’acte odieux qu’est toute expulsion, pour ainsi dire, l’humaniserait ? Or, si l’argent n’a pas d’odeur, c’est rien de dire qu’il y contribue. Deusio, le fait de s’insurger contre les rafles anti-roms ferait de nous autant de pourritures négationnistes ? L’argument est usé jusqu’à la corde et raboté tel une poutre ayant soutenu des générations de pendus. Une rafle est une rafle, quelle qu’en soient les victimes, et ce qui fut nommé épuration ethnique par exemple lors des guerres de Yougoslavie, s’applique à la France de 2010. L’Europe, par la voix de Viviane Reding, n’a pu que le rappeler. Cependant, pour Finkiel’, « il n’y a rien de plus humiliant pour la France aujourd’hui que de comparaître devant cette maîtresse d’école allumée ». Rien de plus humiliant, vraiment ?
Le café est passé, il est désormais dans la tasse, mais sur les ondes l’ultra ne se calme pas pour autant. Le voici endossant le costume du petit juge : « Je pense qu’il n’est pas moins grave d’assassiner un policier, un gendarme, que de commettre un acte terroriste. » D’un côté des dizaines de victimes innocentes, de l’autre un personnage ayant, lorsqu’il endossa l’uniforme, accepté les risques inhérents à ce métier bizarre : poulet. Pour le philosophe, cependant, aucune différence notable. En guise de conclusion ce courtisan à la petite semaine estime devoir préciser que « le problème aujourd’hui en France, ce n’est pas Nicolas Sarkozy, le problème c’est cette violence-là, qui ne cesse de monter, ces agressions quasi quotidiennes contre les détenteurs de l’autorité publique ». Nul doute qu’avec une langue à talonnette si bien pendue, Finkielkraut a toutes les chances de finir sous-préfet du canton de Sigmaringen.
Dans le pré carré nazillardon des ultimes impénitents nourris de sarkopétainisme, Finkiel’côtoiera certainement Hortefeux-à-volonté, lequel, la semaine dernière, s’est illustré en soutenant le flic tueur de gitan, celui de Saint-Aignan. « Je tiens à manifester publiquement mon soutien moral et matériel à ce militaire aujourd’hui dans l’épreuve », susurra le bougnat une larme à l’œil et main sur le cœur, comme si c’était le gendarme qui s’était fait descendre et non pas le contraire. Puis le ministre précisait que « l’agent bénéficiera de la protection juridique de l’État ». Ce qui est tout dire, et tout avouer, en matière de justice. Il y a deux semaines, un de ces cow-boys sortait comme ça libre de son procès, après avoir tiré à sept reprises, sept !, sur un de ces gitans, lui pourtant menotté et entravé à la cheville. En ce moment, les « gens du voyage », comme disent les préfets, les flics et les gadjés, ont tout intérêt à voyager rapidement, à se déplacer vite, à courir entre les arbustes, histoire d’éviter les balles.