La F.C.L. entre dans la merde !

mis en ligne le 1 janvier 1956
« Nous l'avions annoncé : la F.C.L. sera présente ! » proclame le journal de M. Fontenis qui publie la liste complète des « héros » décidés à subir le martyre sur la paille humide du Palais-Bourbon ! On nous rendra cette justice : nous aussi l'avions annoncé !… Nous avons même annoncé mieux et nous n'avons pas grand mérite à cela, car, et nous sommes bien obligés de le constater avec mélancolie, nous avons au moins un goût commun avec les communistes : chez nous comme chez eux les renégats finissent mal !
Mais bornons-nous pour l'instant à notre tâche d'informateur. La F.C.L. présente dans le premier secteur une liste qui ne manquera pas de couleurs – jaune, bien entendu. M. Fontenis y représente la loyauté et le respect de la parole donnée ; Joulin, l'intelligence ! Il manque certes, pour affirmer la constance idéologique de l'équipe, un certain Lustre qui a aujourd'hui rejoint le parti communiste, filiale-mère de cet édifiant assemblage où le jeune premier des débuts disparut avec une partie de la caisse. Il y manque surtout ces groupes de sympathiques imbéciles qui ont été les éléments dont on s'est servi pour essayer de désagréger notre Fédération anarchiste et qui, le mauvais coup accompli et loupé, ont été à leur tour – et sans aucun chagrin de notre part - atomisé par les « gros durs » du quai de Valmy.
Comme toute liste qui se respecte, celle de la F.C.L. est accompagnée d'un programme dans lequel on peut relever ces formules vraiment neuves jamais employées par les démagogues, frappées au coin par le génie où patauge le chef, et qui éclaboussent la glorieuse phalange ! Qu'on en juge !
« Votez pour le candidat ouvrier le plus capable dans chaque conscription de barrer la route à la réaction ! » ou encore : « Nos élus (quand je vous dis que ces types ont des visions) n'iront pas au Parlement pour s'exprimer devant des centaines de bavards, mais pour faire de l'Assemblée une tribune du haut de laquelle seront dénoncés tous les scandales… », etc.
Bien sûr, certains esprits chagrins confronteront cette profession de foi avec celle de Briand en 1902, de Laval, de Millerand à la même époque ou avec celle de cette crapule de Marty, leur patron, lorsque, en 1924, pour mieux tromper les travailleurs, il se présentait au Parlement en chemise kaki, sans cravate et avec une barbe de deux jours. D'autres, des logiciens ceux-là, proclameront que dans le domaine du blablabla les anciens ont incontestablement fait mieux et qu'en tout état de cause les travailleurs n'ont plus grand chose à apprendre dans ce domaine. Il n'est pas moins vrai que cette liste édifiante obtiendra des voix, et cela en vertu du principe de la continuité de l'histoire que ces gens-là ont redécouvert en abandonnant Proudhon, Bakounine et Kropotkine au profit de Marx, et qui veut que depuis les débuts de l'humanité toute canaille ait découvert un lot de crétins susceptibles de garnir l'auge où il apaiseront leur voracité.
Dans sa proclamation, la F.C.L. s'élève avec indignation contre la loi électorale et nous ne pouvons que joindre notre voix à celle de la vertu. Paris vit sous un régime d'exception, qui interdit l'apparentement et empêchera des listes de progrès comme celle du Christ de Montfavet (qui lui aussi a des visions) et celle de M. Ferdinand Lop, la glorieuse vedette du bal des Quat'zarts, de s'associer à celle de M. Fontenis, de manière à ce que ne se perde aucun des suffrages, qui témoigne de la pérennité des traditions qui veulent que depuis des siècles les étudiants du quartier des écoles ont su rire de toutes les pitreries de leurs pions !
« Votez pour la liste F.C.L ». Rien n'empêchera les commando de choc de s'installer autour de la desserte, ni les principes, ni le mépris, ni les scrupules. Le paletot qu'ils sont en train de se faire confectionner sera trop ample pour leurs flancs maigres. Ils vont d'abord vous paraître ridicules. Faites-leur confiance, pour le remplir ils iront loin !