Désenchantement : lettre aux syndicats

mis en ligne le 8 octobre 2009
Chers collègues,
Cette année scolaire s’est terminée sur un constat amer : le corps enseignant, après avoir su se révolter, sombre dans l’individualisme et la résignation. Bien sûr, il y a ceux qui désobéissent, ceux qui résistent, ceux qui détournent les programmes, les directives, ceux qui s’isolent dans leur classe, ceux qui attendent que ça passe, ceux qui appliquent les réformes pour ne pas être inquiétés…
Mais ce corps enseignant a perdu ses convictions, ses engagements, ses idéaux. Comment peut-il les retrouver dans des projets politiques réactionnaires ou dans des actions syndicales trop molles, trop en retard sur l’action de collectifs qui agissent en amont des mots d’ordre ?
Le désenchantement s’est installé pour une grande partie des enseignants, chacun essayant de « fonctionner » au mieux avec sa conscience professionnelle.
Les nouveaux programmes rétrogrades, la diminution du temps d’enseignement, la semaine de quatre jours, le leurre de l’aide personnalisée, l’appauvrissement de la formation des maîtres, le mépris du travail accompli dans les écoles, les évaluations CE1 et CM2, les injonctions autoritaires des inspecteurs, la surveillance informatique de l’opinion des personnels, la charge de travail supplémentaire des directeurs d’école, etc. Toutes ces nouveautés se sont installées sans beaucoup de mobilisations syndicales. Les réactions étaient trop symptomatiques. Si la journée d’action d’octobre 2008 était prometteuse, les suites n’ont pas été à la hauteur des espérances qu’elle portait.
Ceux d’entre nous qui ont une vision ambitieuse de l’éducation dans la formation du citoyen et dans la transformation d’une société plus juste, ceux-là n’ont pu se résigner à appliquer ces mesures régressives. Ils ont désobéi en contournant les nouvelles mesures, en modifiant ou en conservant leurs pratiques pédagogiques. Certains discrètement, d’autres en faisant le choix de déclarer ouvertement leurs désaccords, pensant ainsi provoquer la réflexion des enseignants, des débats institutionnels et entraîner une mobilisation syndicale.
Ils n’ont reçu que pressions, menaces, sanctions, retraits de salaire, commissions disciplinaires, injonctions au silence… Le discours fataliste de certains syndicats, du type « Nous n’avons pas le choix. Il faut bien obéir même si ces réformes ne vont pas dans le bon sens », a certainement fait beaucoup de mal à la mobilisation.
Si la désobéissance ne pouvait pas être cautionnée directement par les syndicats, les pratiques pédagogiques alternatives des « désobéisseurs » auraient dû être valorisées et servir de base de réflexion et de discussion avec les instances ministérielles. Le manque de positionnement clair et unitaire face aux « désobéisseurs » a choqué dans le champ et hors champ scolaire, et a certainement réduit la crédibilité de l’ensemble des syndicats.
Vous auriez dû réagir collectivement contre la disproportion des sanctions prises en ce moment et rappeler qu’en leur temps d’autres « désobéisseurs » de la loi d’orientation de 1989, avec la mise en place des cycles, des programmes de 2002, des TPE, de certaines méthodes de lecture recommandées n’ont jamais été sanctionnés. Certains même ont été récompensés par M. Darcos en ayant droit aux honneurs de la République.
Il n’est pas trop tard pour agir. Les syndicats ont besoin d’un corps enseignant motivé, réflexif, capable de se projeter dans l’avenir. Valorisez les pratiques pédagogiques alternatives et innovantes et condamnez fermement les outrances ministérielles.
C’est au nom d’un mouvement pédagogique engagé depuis toujours au côté des syndicats, dans le désir de transformation d’une société plus juste, plus ouverte au monde, dans la défense d’une école populaire au sens le plus noble du terme, que nous vous adressons cette supplique : Faites-nous encore rêver !… et la mobilisation se fera.

Le CA de l’Icem aux syndicats majoritaires