Une impression de répétition ou de déjà vu

mis en ligne le 16 juin 2010
Le 27 mai était plutôt un succès, avec ses 176 manifestations dans toute la France et son quasi-million de personnes dans les rues. Quantitativement, c’était mieux que le 23 mars et bien mieux que le foireux 1er mai. Et, pour une fois, les salariés du privé étaient majoritaires dans les cortèges. Les heures de grèves et de débrayage ont même été nombreuses. Faut dire que pour l’instant ce sont les salariés du privé qui risquent de morfler davantage.
Mais de ces démonstrations, le gouvernement s’en contrefiche. Il minimise les chiffres et sait que le rapport de force sera compliqué. Tout comme il ignore les exigences formulées. Ce que l’état veut, c’est passer en force cette réforme de la retraite, pour ensuite faire passer le reste. Et ils ont des idées pour faire payer les salariés, pour nous presser comme des citrons. Les mesures prises en Grèce ne sont que le début et vont s’appliquer dans toute l’Europe.
Dans les années d’après-guerre jusqu’à la fin des années soixante, les patrons ont accepté de céder du terrain en accordant quelques miettes, face à un mouvement social relativement bien placé. Maintenant ce n’est plus la même chose et le salariat s’est mondialisé. Les patrons ont des consommateurs partout dans le monde. Suffisamment pour écouler les marchandises, alors pourquoi donner plus quand des marchés émergent partout ?
Mais la course aux profits implique que les salariés y laissent leurs dernières plumes.
Le gouvernement veut donc nous faire travailler plus longtemps et baisser les pensions. Il veut faire rentrer petit à petit la capitalisation qui aura des effets désastreux chez ceux et celles qui touchent le moins. Après, il s’agira de rogner sur nos salaires encore davantage, notre temps de repos, les allocs, la sécu et de nous précariser à outrance. Il ne s’agit, ni plus ni moins, que de l’application des revendications du Medef.
Face à ses attaques frontales, les réponses ne sont pas à la hauteur. Se faire balader de journée d’action en journée d’action, on a déjà donné. Et sans résultat.
Bien sûr que c’est devenu compliqué et qu’il faut trouver un nouvel angle d’attaque. Les grosses industries sont dépecées, les salariés éparpillés et/ou précarisés, du coup une journée d’action, sans lendemain, ne bloque plus le pays comme au siècle dernier.
Face à cette situation, les grosses confédérations syndicales ont fait le choix de ne plus être que des syndicats d’accompag3nement et de négociation. Il ne s’agit plus de lutte mais de discussion dans les salons ministériels. Les journées d’action et le nombre de manifestants n’étant plus que des pions qu’on avance dans un jeu de stratégie. Juste pour montrer médiatiquement que la colère est présente mais qu’on sait bien l’éteindre pour montrer qu’on est responsable.
Pourtant, la colère est là. Plus forte que le découragement. Ce qu’a tout de même montré la journée du 27 mai. Personne n’a envie de bosser plus longtemps et de survivre en retraite dans la pauvreté. La CGT parle de « forte combativité » et Solidaires dit que « c’est à un affrontement déterminé avec le gouvernement qu’il faut se préparer ». Mais les représentants de cinq confédérations syndicales (CGT, CFDT, FSU, Unsa, Solidaires) n’ont pu se mettre d’accord que sur une énième journée d’action. La date a été proposée par la CFDT et on croirait une farce parce que le 24 juin c’est vraiment le bout du bout. Comme un baroud d’honneur avant de partir en vacances. Mais il est dit aussi qu’à la rentrée, j’vous dis pas : qu’est-ce qu’on va leur mettre !
Tant qu’à faire, pour paraître vraiment unitaires, les centrales auraient pu se greffer à la journée appelée par FO, mais même pas (il doit y avoir des enjeux qui nous dépassent).
Bon, on la fera cette journée, sans se faire d’illusion. Reste qu’il nous faut faire avancer l’idée, partout où on est, que la solution ne passera que par une grève générale expropriatrice et pas des petites journées d’action qui ponctuent l’année. C’est une question de vie ou de mort.