Comme des poupées gonflables

mis en ligne le 27 mai 2010
Avec Gare au gorille !, la collection « Propos mécréants » des éditions libertaires s’enrichit d’un titre qui apporte une nouvelle pièce au scandale pédomaniaque planétaire qui frappe l’Église catholique.
« Les prêtres catholiques pédophiles ? Je connais. Je suis tombé dedans à l’âge de 11 ans. » La première phrase du livre de Narcisse Praz n’y va pas par quatre chemins. Nous sommes dans les années 1940. Le nom du cureton par qui le malheur arrive pourrait prêter à rire si nous n’étions pas dans une affaire aussi tragique. « Le père Sourire officiait alors en qualité de père directeur du juvénat de Bonlieu, près de l’Étang-du-Jura, en la ville (sainte ?) de Fribourg et s’était distingué devant l’Éternel comme grand recruteur de vocations précoces. Je dis bien : précoces, c’est-à-dire entre 10 et 15 ans. L’âge idéal… »
Le père Sourire était originaire du même village que Narcisse Praz. De ce fait, il n’ignorait rien de la situation douloureuse de sa famille. Membre de la « prestigieuse armée suisse », le père, mineur dans le civil, était pontonnier. Il avait pour mission de faire sauter les ponts sur les fleuves et les rivières pour éviter l’invasion de la Suisse par l’armée allemande. Victime d’un accident cérébral, devenu invalide, le pontonnier Praz fut démobilisé sans la moindre pension. Pour nourrir ses quatre enfants, Innocente, la mère, fut obligée de travailler dix heures chaque nuit à la mine de charbon de Chandoline. L’occasion était belle pour démontrer l’immense générosité de l’Église catholique. Narcisse fut invité à rejoindre le petit séminaire. Une bouche de moins à nourrir.
Dans son discours de bienvenue, le père Sourire ne manqua pas de mettre en garde les gamins vis-à-vis des « amitiés particulières entre séminaristes ». La mise en garde fut réitérée dans le dortoir. Comment prendre soin de son corps sans offenser Dieu ni le regard d’autrui ? Comment mettre sa chemise de nuit sans montrer ses « parties honteuses » ? Sans oublier, ultime recommandation, de bien garder les deux mains au-dessus des couvertures quand on se met au lit : « N’oubliez jamais que l’œil de Dieu est présent partout dans l’univers et jusque dans vos draps et sous vos couvertures. ». « En obéissant, dès le premier soir de mon entrée au juvénat des pères salésiens, à l’ordre intimé par le père surveillant, j’entrais tout de go dans le processus de négation qui devait faire de moi le jouet de tout futur prédateur. Les développements ultérieurs de ma métamorphose me confirmèrent que je ne représentais pas une exception parmi les appelés de Dieu mais bien la règle », explique l’auteur en précisant que les victimes avaient ensuite le choix entre suicide physique ou social. « J’ai opté, quant à moi, pour le suicide social. Toute ma vie en témoigne. »
Dans le chapitre « Une journée d’un garçon de onze ans chez les talibans de Saint-François de Sales », Narcisse Praz décortique les mécanismes qui conduisent à l’insoutenable. Comme dans toute secte, la mise en condition du sujet passe par une discipline militaire et un emploi du temps serré et contrôlé dès cinq heures du matin. Cours. Messes. Études. Silences. Prières. Confessions. Lectures. Méditations. Le règlement du petit séminaire ne laisse rien passer. Même l’humour ramène à l’obsession fondamentale. « Jeux de mains, jeux de vilains, jeux de pieds, jeux de curés. » Mais tout le monde n’a pas l’humeur à la plaisanterie. Surtout pas les jeunes séminaristes qui, après des mois de pressions, de répression et de dépression, souffrent d’incontinences urinaires nocturnes. En plus de la honte, ils ont droit à des douches écossaises à l’heure de la récréation. Double peine.
« Il était convenu que l’heure d’étude du soir était aussi celle des confessions et des visites aux pères directeurs de conscience. À qui savait avoir l’œil ouvert, le bon de préférence, il n’échappait point que certains parmi ces pénitents revenant en salle d’étude présentaient chaque fois un visage cramoisi et une chevelure trop fraîchement mouillée et plaquée au crâne pour n’avoir pas subi quelques épreuves ébouriffantes. » On comprend que le « confessionnal » des pères Kaesch, Moret, Rey, Monnard, Lathuile, Dubassat, etc., ne sentait pas l’encens. « Laissez venir à moi les petits enfants, car le royaume des Cieux leur appartient », disait un certain Jésus Machin. Suprême consolation pour les violeurs à la conscience tourmentée ? La formule ne fonctionna pas toujours. Narcisse Praz souligne le nombre inexplicable d’« accidents de montagne » et de « noyades » chez les prêtres. Ultime délicatesse pour masquer des suicides embarrassants ?
C’est après avoir volé quelques pommes (!) que Narcisse Praz va connaître l’enfer à 12 ans. À genoux devant le père Clerc, père surveillant, on devine quel genre de prière il va devoir exécuter pour recevoir absolution et même bénédiction. Ces dernières années, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Pologne, l’Amérique, la Suisse, l’Irlande, la France… ont eu leur lot de scandales. Des siècles durant, des millions d’enfants, garçons et filles, ont été la proie de curés, d’abbés, de moines et autres prédateurs pédomaniaques ensoutanés. Des millions de viols à jamais impunis. « Est-ce présomption de ma part que d’affirmer haut, clair et net : le scandale planétaire dit des prêtres pédophiles ne saurait être attribué uniquement à leur célibat forcé mais au fait que, des siècles durant, par peur panique des paternités ecclésiastiques scandaleuses, l’Église catholique a délibérément inculqué à ses séminaristes la peur et la haine de la femme pécheresse confirmée depuis les désastres du Paradis terrestre ? Serait-ce faire preuve d’esprit aventureux que d’affirmer haut, clair et net que ce serait dans les séminaires que les prêtres catholiques ont appris, des siècles durant, à s’utiliser mutuellement comme autant de poupées gonflables ? Depuis une trentaine d’années, les scandales répétés révélés par les médias du monde entier nous prouvent qu’ils sont passés maîtres dans l’art, si l’on peut dire, d’utiliser leurs enfants de chœur et écoliers à eux confiés comme autant de sex toys. Est-ce audacieux d’analyser ce choix comme un aléa offrant l’avantage, par comparaison avec une femme tentatrice, de n’encourir aucun risque de procréations choquantes pour l’opinion publique et dévastatrices pour le nom de la Sainte Mère l’Église catholique apostolique et romaine ? »
Après avoir demandé pardon à Georges Brassens pour l’emprunt dévoyé de sa célèbre chanson Gare au gorille !, Narcisse Praz lance une idée intéressante : « Au nom des millions d’enfants violés, détruits, anéantis, ne serait-il pas opportun de déclarer l’Église catholique au ban de l’humanité ? Elle a donné, en Irlande notamment, la preuve qu’elle s’est d’elle-même mise hors-la-loi à l’instar de n’importe quelle mafia napolitaine, calabraise ou de Chicago. »



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


T

le 3 février 2015
Merci Paco,
C'est poignant d'autant que l'on connaît d'autres enfants placés comme servant d'autel (enfant de cœur) avec le père Gaël Cornefert, condamné pour pédophilie, cf. journaux parisiens et http://1dex.ch/2014/05/vaticancans-2.

Sauriez vous nous orienter vers des Libertaires parisiens qui combattent la pédophilie ?
Merci de votre travail et de votre aide