Le journalisme policier

mis en ligne le 22 avril 2010
Un reportage télévisé sur l’utilisation du Net par des pédophiles réels ou présumés a permis à des journalistes de livrer à la police un certain nombre de ces personnages. Traduisant le malaise qu’a entraîné cette vocation flicarde revendiquée du journalisme d’investigation, Yves Bordenave regrette et semble condamner, dans Le Monde, ce qu’il prétend être une nouveauté : le journalisme auxiliaire de police.
On ne saurait demander aux Bordenave et autres plumitifs haut de gamme de rappeler, pour l’occasion, le nombre d’ignominies directement inspirées du ministère de l’Intérieur et déversées complaisamment à longueur de colonnes par ses confrères au garde-à-vous, depuis que la profession existe.
Soyons indulgents et, sans remonter à l’épopée de la bande à Bonnot, souvenons-nous de la belle et touchante unanimité du monde journalistique lors de la récente affaire dite de Tarnac.
De « la petite épicerie tapie dans l’ombre » (France 2) tenue par le « groupuscule préterroriste » de Corrèze (Le Point) jusqu’aux « nihilistes clandestins » de l’ineffable Cornevin (Le Figaro), en passant par « les caténaires de la peur » du Figaro Magazine et « l’ultra-gauche déraille » de Libération, les gentils toutous de l’info tenus en laisse par Mme Alliot-Marie aboyèrent alors simultanément et en cadence avant de retourner piteusement à la niche. Même le journalisme occasionnel s’en mêla, qui dénonça au quart de tour les « crétins », les « demeurés », les « ados attardés » de Tarnac, « des rigolos qui servent surtout le dogme sécuritaire », sous la plume réfléchie du Rouletabille nietzschéen-de-gauche de Siné Hebdo.
Défendre l’ordre existant par tous les moyens, c’est un métier. On peut pour cela revêtir un uniforme. Une carte de presse peut aussi faire l’affaire, et ce n’est pas nouveau…