SNCF : mi-figue, mi raisin

mis en ligne le 29 avril 2010
Alors que le mouvement entamait sa troisième semaine, la grève des cheminots vient de se terminer sur un constat plus que mitigé. Retour encore à chaud sur une lutte qui marquera profondément l’histoire sociale à la SNCF.
Cette grève qui a débuté le 6 avril au soir se voulait l’épilogue d’une montée en puissance revendicative débutée en fin d’année dernière. Après une première journée de grève le 12 décembre, le 3 février fut présenté comme un ultimatum à la direction pour répondre aux revendications portées par l’interfédérale CGT-Sud-Unsa-CFDT. La date du 23 mars devait marquer le début d’une grève reconductible tous services des cheminots. C’est alors que le front syndical unitaire se fissura, Sud Rail qui appelait à un mouvement reconductible fut exclu des réunions, la CFDT-FGAAC entama des négociations bilatérales avec la Direction qui déboucha naturellement sur des miettes de pain. L’Unsa se retira également prétendant réserver ses forces pour la question des retraites.
Dans ce contexte, alors que Sud Rail tenta de prolonger la grève le 24 mars, la CGT annonça seule la veille un préavis reconductible pour début avril : la confusion s’installa et la reconduction pour le lendemain avorta.
Depuis plusieurs mois, les équipes syndicales à la CGT bataillaient contre leur Fédération sur la stratégie des journées de grèves carrées tandis que la casse du service public ferroviaire et les menaces de filialisation s’accéléraient brutalement. La menace de partir sur un préavis reconductible Sud Rail tout comme le risque de voir partir des militants contraignit la Fédération des cheminots CGT à céder sur la question d’un préavis reconductible le 7 avril chez les roulants qui en interne étaient à la pointe de la contestation, les autres catégories de cheminots étant appelé à 24 heures de grève le lendemain.
Mais il est apparu rapidement que ce mouvement a été très mal préparé par la CGT, l’improvisation semble avoir été la règle tandis que la mobilisation des militants et adhérents s’avéra faible et inégale selon les régions et les métiers. L’information aux cheminots les jours précédents le conflit fut également réduite au strict minimum.
La Fédération Sud Rail bien qu’échaudée par l’attitude de la CGT qui l’avait exclu de l’interfédérale et qui lui avait saboté son appel reconductible du 23 mars déposa à son tour un préavis reconductible pour le 6 avril au soir, celui-ci concernant les cheminots de tous les services.
La grève débuta le 7 avril avec des taux de grévistes moyens et inégaux, la journée du 8 marqua une hausse du nombre des grévistes mais sans atteindre les espérances fixées. La CGT s’attendait visiblement à ce que la direction concède des négociations au troisième jour de grève, mais la porte de sortie qu’espérait la CGT refusait même de s’entrouvrir malgré les appels pressants et insistants de sa Fédération. La tentative d’obtenir des négociations avec la direction aux niveaux régionaux échoua également, la CGT se trouva dans une position aussi inédite qu’inconfortable : le patron ne lui offrait aucune issue convenable et honorable, l’alternative se résuma donc rapidement soit à capituler et appeler à la reprise du travail soit à tenter d’élargir et de renforcer le rapport de force pour contraindre la direction à céder au moins sur quelques points symboliques.
La Fédération Sud Rail se borna au service minimum la première semaine de grève, la moitié de ses syndicats régionaux s’étant totalement investis dans la grève aux côtés de la CGT tandis que l’autre moitié semblait considérer que ce mouvement n’était pas le leur. Les mauvais esprits penseront que ce fut un retour de bâton revanchard vis-à-vis de l’attitude sectaire de la Fédération CGT et du sabotage de la reconduction du 23 mars tout comme la tentation de laisser la CGT assumer seule sa stratégie hasardeuse.
Seulement, dans les régions où le mouvement était fort, les assemblées générales de grévistes ont été marquées par une détermination à aller jusqu’au bout des revendications. Dans la grande majorité des situations, une solide unité syndicale s’est construite dans les établissements et régions en grève entre la CGT et Sud Rail, les tracts et communiqués des intersyndicales unitaires locales et régionales ont souvent été diffusés du premier jusqu’au dernier jour de la mobilisation.
Au début de la deuxième semaine de grève, Sud Rail compris que ce mouvement était plus qu’une grève de la CGT, mais un mouvement que les cheminots s’étaient approprié et qui manifestement était appelé à durer. Sud Rail appela donc à renforcer et à élargir la grève aux autres services tandis que la CGT tentait également de remobiliser ses militants et adhérents, appelant ici et là à rejoindre la grève sur le préavis reconductible de Sud Rail, situation jusqu’alors difficilement imaginable !
Malgré un sursaut dans les taux de grévistes, les journées de grèves s’additionnaient sans que la mobilisation se renforce suffisamment, les inégalités entre les régions et les métiers étaient encore bien trop fortes pour que la lutte se renforce. Le patron le percevant très bien, celui-ci misa sur un essoufflement du mouvement qui commença à montrer ses premiers signes de faiblesse à l’issue de la deuxième semaine de grève.
Dès lors, persévérer dans la grève alors que le rapport de force se déconstruisait de jour en jour n’était plus porteur de sens et la grève se maintint jusqu’à la date du 21 avril, journée où la table ronde prévue depuis deux semaines se transforma en réunions bilatérales entre la direction et les quatre syndicats représentatifs pour finalement et sans surprise déboucher sur rien, sinon un agenda social, en guise d’enterrement (provisoire) des revendications.
Pour autant, tout n’est pas noir, si cette grève fait mal au portefeuille, elle n’a pas affecté la volonté de résistance des travailleurs du rail, les assemblées générales ont témoigné d’une détermination impressionnante des cheminots à préserver l’unité du service public ferroviaire SNCF, tandis que dans de nombreuses régions Sud Rail et la CGT ont su nouer des liens profonds et présenter une réelle unité dans la lutte.
Un avenir, très proche, nous dira, quels seront les conséquences négatives ou positives de ce conflit à la SNCF, une seule chose est sûre, une lutte n’est jamais perdue, les cheminots ont eu raison de battre, si cette grève laisse un goût amer chez certains, elle montre aussi pour terminer sur une note d’espoir que l’esprit de solidarité et de résistance reste bien présent chez les cheminots.