Où le fric est roi les banksters sont les princes

mis en ligne le 12 novembre 2009
Quand les gouvernements des pays occidentaux et leurs thuriféraires se piquent de littérature, ça vaut son pesant de cacahuètes.
Songez que ces écrivaillons font pisser leurs stylos de luxe pour nous servir un pur conte à dormir debout. Lecture du chapitre principal. Grâce aux efforts conjugués des gouvernements du G20, des banques centrales, des banques d’affaires et/ou de crédit, et avec le concours des puissants instruments du maintien de l’ordre capitaliste que sont le FMI et la Banque mondiale, la crise serait en passe d’être terrassée. Faisons un sort à ces élucubrations. Loin d’être agonisante, la crise est amenée à rebondir comme disent les économistes. Les signes de ses ravages actuels et futurs sont les suivants :
- l’investissement des ménages, et pareillement celui des entreprises, est en constante diminution ;
- le marché du travail continue de se dégrader ;
- la pompe du crédit, en tout cas celle qui est censée servir aux petites entreprises, n’est pas vraiment réamorcée ;
- les plans de relance, tel celui de la prime à la casse pour soutenir le marché automobile, cesseront bientôt de produire leurs effets ;
- après avoir pris des libertés avec le montant de leurs déficits publics, les gouvernements européens resserreront brusquement le robinet budgétaire.
Comme eût dit la Comtesse de Ségur, après le Jean qui grogne, il y a Jean qui rit. Où, dit autrement, si le monde du travail et des petites gens est soumis à un rude traitement, et donc fait la gueule, inversement, celui des banquiers, des fonds spéculatifs de tout poil, des gros porteurs d’action, rit à s’en tordre les côtes. C’est que, voyez-vous, l’affaire se présente bien pour tous ces prédateurs en col blanc.
Exemple. La banque BNP Paribas annonce 3,2 milliards d’euros de bénéfices pour le seul premier semestre de l’année 2009. Du coup, son patron, Baudoin Prot, est ravi d’annoncer qu’il met 1 milliard de côté pour payer les bonus des traders, justifiant ainsi le provisionnement de ces modestes étrennes : « Nos traders ont de nouveau l’impression de bien faire leur métier. » Ne pouffons pas. Les banques françaises ont pris des engagements sous la forme de normes professionnelles pour encadrer les bonus. Cette régulation de pacotille se traduira par la répartition des bonus dans le temps et non par leur réduction comme l’avait préconisé Fanfaron 1er suite au dernier G20.
Les banquiers gloussent. Par contre ils se montrent moins diserts pour expliquer les moyens mis en œuvre pour se gaver et filer du cash à leurs actionnaires. C’est que les bank-sters du monde ont consacré prioritairement les liquidités mises à leur disposition par leurs gouvernements respectifs pour en remettre une couche dans leur course effrénée aux produits spéculatifs.
Cette stratégie courtermiste aggrave-t-elle la crise autant qu’elle crée les conditions de la survenue d’une nouvelle onde de choc sur les économies réelles ? Le banksters s’en fichent comme de leur première Jaguar. Notons aussi que - pour la seule Europe -, ces parasites dorés ont glissé sous le tapis 750 milliards d’actifs pourris (source FMI). Par ailleurs, derrière leurs vitrines rutilantes, 60 milliards d’euros labellisés « LBO » 1 forment une autre bulle susceptible d’éclater à tout moment.
Pour l’économiste keynésien Paul Krugman, le leçon de ces derniers mois est très claire : « Quand les banquiers paient avec l’argent des autres, face ils gagnent, pile nous perdons. » Pour autant, l’envolée des marchés d’actions qui prévaut sur les différentes Bourses mondiales (en France le CAC 40 a gagné plus de 50 % depuis le 9 mars 2009) est complètement déconnectée des données économiques fondamentales pour être en capacité de s’inscrire dans la durée. D’évidence, en l’absence d’une reprise du crédit, une partie des montagnes de fric mises à disposition du système bancaire a pris le chemin des marchés boursiers, d’autant plus que les placements monétaires, ou bien les titres de la dette publique offrent des rendements bien moindres (entre 3 % et 4 %). Les banques, cautionnées dans leur démarche par les pouvoirs publics, s’engagent à améliorer leurs ratios de fonds propres. N’empêche, en privilégiant les intérêts des plus fortunés de leurs clients, cela a pour conséquence – aux effets souvent dramatiques – de durcir les conditions de crédit et de réduire leurs encours de risques envers les quidams ordinaires et les petites entreprises.
Tant pis, enfonçons une porte ouverte. La « planète finance » (beurk !) contribue très largement à creuser l’écart entre riches et pauvres. Le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté n’a cessé d’augmenter au cours des deux dernières décennies. Cette évolution affecte les trois quarts des pays de l’OCDE. Cela trouble-t-il le sommeil des banksters ? pas celui de Lord Griffiths en tout cas puisque le vice-président de Goldman Sach a déclaré récemment que « l’opinion devrait apprendre à tolérer l’inégalité en tant que moyen d’atteindre à une plus grande prospérité pour tous ». Poussons jusqu’au bout le raisonnement de ce sinistre individu. Les 39 à 59 millions de chômeurs de plus dans le monde et les 200 millions de travailleurs supplémentaires qui devront s’habituer à vivre avec moins de 2 dollars (1,40 euro) par jour (source Organisation internationale du travail) tutoieront bientôt l’abondance.
Le cours des actions flambe fréquemment ? Pas assez en tout cas pour cramer les banksters qui, chaque jour un peu plus, nous font cuire à l’étouffée.


1. Un LBO ou Leveraged Buy Out est le rachat des actions d'une
entreprise financé par une très large part d'endettement. Concrètement,
un holding est constitué, qui s'endette pour racheter la cible. Le
holding paiera les intérêts de sa dette et remboursera celle-ci grâce
aux dividendes réguliers ou exceptionnels provenant de la société
rachetée.