Walter : retour en Résistance

mis en ligne le 19 novembre 2009
Savez-vous ce qu’est le Conseil national de la Résistance ? Vous n’êtes pas seul à ne pas le savoir, mais ce documentaire de Gilles Perret sur Walter Bassan, 82 ans, résistant et déporté, vous mettra sur la voie. Walter, Retour en Résistance est un documentaire qui dérange le président de la République et Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale.
En effet, à l’occasion de la commémoration des faits de résistance sur le plateau des Glières, en mars 2008, Sarkozy disait à deux républicains espagnols, venus à cette occasion : « Félicitations, l’Espagne c’est pas mal, mais l’Italie c’est pas mal non plus puisque j’ai épousé une italienne ! » Aux résistants choqués par ce commentaire pour le moins désobligeant, il ne restait plus qu’à attendre Stéphane Hessel, qui trouvera les mots justes pour panser un peu les cœurs blessés, toujours sur ce plateau des Glières, emblématique de la Résistance, mais aussi pour avoir été un lieu-dit et un moment crucial dans l’histoire de la guerre quand les hostilités entre FTP et FFI étaient déclarées, car Londres aurait parachuté en plein jour des armes, etc., renseignant ainsi les Allemands sur la présence de la Résistance à cet endroit et aurait ainsi provoqué une répression sans pareil...
Pourquoi ce documentaire déplaît-il à l’Élysée ?
Parce que le film dit clairement que les acquis sociaux, la retraite par répartition, la liberté de la presse ont été formulés pour la première fois en 1944 en tant que programme du Conseil national de la Résistance.
Alors qu’Accoyer rappelle que ces choses-là se sont faites avec et par de Gaulle et les gouvernements après, alors que les résistants disent non, c’est le Conseil national de la Résistance qui les ont décidées. Mais la dispute essentielle ne porte pas tellement sur la paternité de ces idées, mais sur la lente érosion de telles valeurs et les promesses non tenues du pouvoir en place.
C’est en effet la partie la plus intéressante du film: les politiques n’entendent pas du tout revenir sur leur appréciation de l’Histoire. Il n’y a plus de résistants, plus de déportés, plus de reconnaissance d’une lutte dans les régions où vous trouvez encore aujourd’hui des monuments aux morts dans chaque village, car les Allemands déportaient des villages entiers s’ils cachaient des résistants et alimentaient leurs réseaux. De là à accepter qu’un président de la République rigole en bas des monuments aux morts, il y a une marge. On pense à Guillaume II, pour qui les socialistes étaient des gens sans patrie (vaterlandslose Gesellen – parce qu’internationalistes) jusqu’à ce qu’ils acceptent finalement de voter l’effort de guerre alors qu’ils étaient pacifistes. (Voir Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg et le sort qu’on leur a réservé.)
Walter Bassan fait son travail de témoin et entretient le devoir de mémoire auprès des collégiens, lycéens, etc., qu’il accompagne même à Dachau, où il était interné. Aujourd’hui, c’est un camp ripoliné où les souffrances d’antan ne sont plus visibles, où les jeunes ont besoin d’être éclairés par son témoignage et son vécu pour comprendre. (L’histoire de la « cuillère de soupe » est excellente à ce titre.)
D’une certaine manière, Gilles Perret ne fait pas son travail de réalisateur à fond, il se fie à tout ce que dit Walter Bassan, alors qu’il aurait fallu au moins expliquer la différence entre un camp de travail (Dachau, Sachsenhausen, etc.) où les fours crématoires ont été ajoutés bien après (ce qui ne veut pas dire que c’étaient des camps humains !) et les camps d’extermination (Auschwitz, Birkenau, Chelmno, Sobibor, etc.), et dire peut-être aussi que Dachau accueillait dès 1933 les politiques et toutes les personnes dans l’opposition. Ossietzky était dans ce camp et n’a pas pu se rendre à Stockholm pour recevoir son prix Nobel de la paix, et cela n’a même pas interpellé les Alliés ! Mühsam y a été torturé à mort parce qu’il était anarchiste et dans l’opposition. On lui a fait creuser sa tombe je ne sais combien de fois. Et puis, pas un mot sur les Juifs. Ce n’est pas possible dans un film comme ça de ne pas évoquer les 6 millions de Juifs qu’on acheminait directement dans les camps de la mort à partir de 1942.
Sinon, prenez un bain de jouvence avec Walter Bassan, John Berger, Stéphane Hessel et les gens qui les entourent, tous très âgés, car « résister, c’est créer : créer, c‘est résister… ». Et pour Gilles Perret, réalisateur de ce documentaire, résister peut toujours se conjuguer au présent.