Centre de formation anarchiste : les nouvelles pratiques alimentaires

mis en ligne le 17 décembre 2009
Les 28 et 29 novembre 2009, une rencontre d’anarchistes avait lieu dans un village provençal.
Ce Centre de formation anarchiste (CFA), organisé par le groupe Gard-Vaucluse de la Fédération anarchiste, se proposait de réunir des personnes (producteurs, consommateurs) qui étaient impliquées dans des structures alternatives de consommation de denrées alimentaires.
Nous sommes partis du constat que les Amap, notamment, relevaient d’un fait de société, mais masquaient d’autres pratiques ayant le même objet, mais moins visibles et parfois plus anciennes. Mais aussi que les anarchistes étaient impliqués à des degrés divers dans ces structures qui relèvent tout à la fois de l’économique, de l’alimentaire, du militantisme, du lien, de l’autogestion, etc., bref, du social et du politique. Mais qu’ils n’en parlent pas, ou si peu. À partir de là, une rencontre paraissait nécessaire pour nous permettre de mutualiser connaissances théoriques et pratiques, mais aussi de mettre en perspective les vécus avec le projet libertaire.
C’est donc ce que nous fîmes, à partir de nos différences d’approches, de vie, et de condition (consommateur/maraîcher, monde rural/urbain, etc.).
Durant deux demi-journées, nous pûmes prendre connaissance de la diversité des groupements de consommateurs, en écoutant les témoignages des camarades présent-es : Amap, groupements plus ou moins informels, coops bios, collectif de café du Chiapas, magasin associatif, etc.
Parmi les constats que l’on peut tenter de dresser, il y a celui du rôle très impliqué des anarchistes présents, quand ils ne sont pas initiateurs. Fréquemment orientés vers la production de proximité et biologiques, ces groupements de consommateurs peuvent regrouper une quinzaine de foyers par exemple, ou associer des centaines de sociétaires dans une coop bio bien installée dans une petite ville alpine. Entre les deux, une large palette existe, mais le souci de limiter le nombre d’associés est fréquent : une croissance forte et désordonnée risque souvent de mettre à mal le projet initial et d’imposer des contraintes problématiques. L’encouragement à essaimer est alors mis en avant.
Autre questionnement partagé, celui de la difficulté d’organiser le fonctionnement non lucratif et autogéré avec des personnes dont le seul soucis est consumériste. L’élaboration de chartes est alors nécessaire, mais n’est pas encore généralisé.
Le dimanche matin était consacré à la relation entre ces pratiques et le projet libertaire. Comme la veille, l’écoute et le débat argumenté sont restés de rigueur, et bien des points de vue ont pu s’exprimer. En partant des relations exposées le samedi, la recherche de caractéristiques communes servirent de base à notre réflexion politique. Pour certains, toutes ces démarches, quoique différentes, sont drainées par l’autogestion, le refus du mercantilisme, la libre association, la fédération des autonomies… Pour d’autres encore, ces pratiques relèvent tout autant du «commerce équitable et solidaire», et il conviendrait d’en extraire le sens anarchisant. Autre point de vue issu de notre débat, l’accès égalitaire à ces ressources précieuses que sont des légumes et des fruits biologiques. Les populations les plus touchées par la crise économique n’ont pas les moyens d’investir dans ces Amap qui demandent souvent des avances d’argent ou pratiquent des prix dissuasifs. Comment résoudre cela sans amputer les revenus des producteurs ?
Ces quelques reflets de notre travail commun ne suffisent évidemment pas à donner un panorama complet des contributions apportées lors de cette rencontre. D’ores et déjà, il est prévu de se revoir pour approfondir le caractère politique des pratiques alternatives ; le groupe La Rue Pâle est candidat pour organiser ce rendez-vous. Il s’agira alors, à partir de ce que nous avons déjà examiné ensemble, de continuer à échanger des points de vue et des témoignages, afin de préciser en quoi et comment nos pratiques, notre culture et notre éthique libertaires gagnent à se confronter à ces groupements de consommateurs et de producteurs. Mais aussi comment favoriser la politisation – au sens libertaire – de ces foyers d’auto-organisation.
Au final, la réelle convivialité aidant, il s’est agi là d’un effort supplémentaire pour ancrer l’anarchisme dans les réalités, et pour donner aux anarchistes que nous sommes des perspectives de luttes et de constructions sociales.

Un compagnon du groupe Gard-Vaucluse de la Fédération anarchiste