Un film qui reste à faire

mis en ligne le 28 janvier 2010
Ils ne sont pas nombreux, les films qui s’attaquent frontalement au patriarcat. On se réjouissait à l’avance qu’un cinéaste de l’envergure de Patric Jean s’empare du sujet. Il allait le traiter très certainement en profondeur, nous livrer un documentaire définitif ou presque sur l’ampleur des dégâts causés par le machisme, le sexisme, séculaire et contemporain. Las ! Au final, il enfile les perles en un catalogue de poncifs, pour tout dire : un film de mec. « Où sont les femmes ? » serait-on tenté de demander. Tant il est évident que ce genre de production, une fois débarrassée de la culpabilité d’un auteur s’en voulant d’être de sexe masculin, aurait gagné en qualité, en nuance et en force. Il filme quoi, Patric Jean ? Des séances de speed dating, ces rencontres express dans des bars entre une femme en mal de prince charmant et un type en quête de coup facile. Sinon – dans la salle ça fait beaucoup rire –, des hommes qui se font opérer pour agrandir leur sexe. Ça ne rit plus du tout lorsque sont montrées, en gros plan, les blessures assénées à quelques femmes battues. Devant ce déballage de chairs frappées, meurtries, le malaise est prégnant. Finalement, il ne s’agit jamais que d’un voyeurisme malsain, et on tâte les accoudoirs pour être certains qu’on est bien dans une salle de cinéma et non pas devant TF1. À un autre moment, l’auteur en fait des tonnes sur le sexisme afférant à l’industrie du jouet, mais sans jamais aller au-delà de l’interview d’un vendeur qu’on ne peut que trouver affligeant, lequel déclenche à coup sûr une nouvelle salve de rires. Nous avançons ainsi, dans le film, entre malaise et gag, jusqu’au générique final, où le sentiment général – exprimé notamment par quelques spectatrices – est de s’être fait avoir. Le véritable malaise est là : une heure trente de cinéma pour, au final, n’apprendre rien. Une heure trente de tournage autour du pot, de survols généraux sans que soient abordés vraiment les fondements de la domination masculine. On a qu’à s’en prendre à soi-même : on est tombé dans le piège, alors même que l’affiche aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. C’est bien fait pour nous, tiens ! La prochaine fois, on se méfiera. Et, certainement on attendra qu’une femme traite de ce sujet.