Garde à vue pédagogique

mis en ligne le 18 février 2010
Franchement, qui n’a jamais rêvé, étant adolescent et sain d’esprit, d’échapper quelque temps aux parents et à l’école pour vivre une expérience unique ? Aussi n’a-t-on pas assez mis l’accent sur l’aspect positif de l’aventure vécue par cette collégienne retenue pendant neuf heures dans un commissariat parisien et délivrée ainsi – trop brièvement, hélas – de l’assommante routine familiale et scolaire.
Nous avions ici même salué en son temps l’heureuse initiative * républicaine consistant à inviter, une fois l’an, 577 élèves du secondaire à former un Parlement des enfants dans l’enceinte du Palais-Bourbon. En regrettant, toutefois, que cette utile formation citoyenne ne soit point complétée par une visite aux ANPE, bureaux d’aide sociale, soupes populaires et autres centres de détention où pullulent les victimes des décisions prises par les locataires permanents de l’Assemblée nationale.
Dans notre hâte à honorer positivement cette démarche novatrice, nous avions omis d’encourager le passage, dans ce parcours hautement instructif, par le commissariat de police, cette noble institution où les droits de l’homme ont toujours trouvé refuge. Réjouissons-nous donc qu’il soit désormais acquis qu’on puisse faire découvrir à des gamins de 14 ans les joies d’une détention passagère, heureux complément vivant, « sur le terrain », de ces cours d’instruction civique trop souvent théoriques et soporifiques.
Certes, la question des violences parmi la jeunesse n’en sera pas réglée pour autant. Mais il ne sera pas dit que les libertaires demeureront encore une fois dans la critique stérile, sans jamais rien proposer. Un début de solution pourrait en effet voir le jour en installant les commissariats de demain dans l’enceinte même des établissements scolaires. Afin d’atténuer l’aspect apparemment brutal de cette mesure aux yeux de ceux qui s’émeuvent d’un rien, tout en mariant habilement l’éducatif et le répressif, il suffirait simplement de réfléchir à la dénomination future de ces établissements.
Vienne le temps où nos bambins sécurisés étudieront sagement au collège Charles-Pasqua et, à la première incartade, effectueront quelques heures d’une pédagogique garde à vue au commissariat Jacques-Prévert !

*. Voir Le Monde libertaire du 26 février 1998.