Secteur public : massacre à la tronçonneuse

mis en ligne le 11 mars 2010
Nous n’avons pas pour habitude dans Le Monde libertaire de commencer un papier dédié à la casse sociale par un sondage, mais une fois n’est pas coutume : celui-là vaut le coup. Selon Obea/Infraforces, 72 % des Français interrogés ont une bonne image des fonctionnaires. Ils sont même 73 % à en être fiers et demeurent assez défavorables à la baisse des effectifs dans certains secteurs de la fonction publique. Bon, 73 % « assez favorables », c’est bien ! Dans les 73 %, on doit aussi compter un certain Sarkozy qui a déclaré cette semaine dans la presse : « Soyez fiers d’être fonctionnaires. On ne parle pas assez de vous, on ne respecte pas assez vos compétences. On ignore les difficultés qui sont les vôtres. » C’est sûr que pour les 33 754 fonctionnaires dont les postes vont être supprimés en 2010, dont 16 000 dans l’Éducation nationale, les vraies difficultés vont commencer ! À commencer par retrouver à se caser, car qu’on ne nous fasse pas croire que les postes supprimés sont ceux des fonctionnaires partant à la retraite qui ne seront pas remplacés. Non, non, non. La vérité, c’est que pour ce gouvernement il y a trop de fonctionnaires et donc trop de service public. Donc, une seule solution : supprimer des postes dans tous les secteurs. La Poste, les hôpitaux, les écoles, rien ne sera épargné et tout, à terme, privatisé, au service des plus riches et au détriment des populations les plus pauvres.

« Postiers feignants » !

Commençons par La Poste, transformée en société anonyme cette semaine. Le gouvernement faisant ainsi fi du référendum citoyen organisé cet automne et qui avait remporté un nombre impressionnant de « Non », tout comme des mouvements de grèves qui se multiplient chez les postiers, sous l’égide du Comité national contre la privatisation de La Poste, qui regroupe les syndicats de La Poste et une soixantaine d’associations.
En effet, les postiers n’ont pas attendu la privatisation pour voir le poids de leurs sacoches augmenter au fil des suppressions massives d’emplois, et les conflits locaux qui se multiplient contre ces « réorganisations », parties intégrantes de ladite privatisation. D’après des données Sud PTT sur le droit syndical, l’effectif total de La Poste a déjà baissé de 4,2 % en 2009, ce qui correspond à 11 000 suppressions de postes. Aux guichets, ce n’est pas mieux : « Des bureaux annexes seront fermés certains jours sous prétexte que l’agent sera appelé pour un remplacement au bureau principal. Au courrier, la direction prétexte la baisse du volume du courrier pour tailler dans les effectifs. Résultat, les facteurs doivent se remplacer entre eux en cas d’absence, les tournées s’allongent et le travail devient infaisable dans le temps imparti, d’où des heures supplémentaires évidemment non payées ! » Travailler plus pour ne gagner rien en plus. Et, futées, les directions argumentent que les heures supplémentaires sont censées être compensées par les jours où le facteur termine avant l’horaire. Mais dans les faits, selon un militant Sud PTT, ils ne partent jamais plus tôt, ils croulent sous le travail. Des tournées sont supprimées certains jours. Selon les syndicats, ce n’est que le début de la casse…

« Infirmiers feignants » !

En quelques semaines, une pétition lancée par le Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) a recueilli plus de 240 000 signatures. Premiers visés par la privatisation rampante instaurée par la loi Bachelot, comme par le grand chambardement engagé à l’AP-HP, les professionnels de santé appellent à présent les usagers à la mobilisation. Le MDHP explique : « Il faut réagir contre la privatisation, car, aujourd’hui, l’hôpital public assure des soins de qualité pour tous quels que soient les moyens de chacun. Parce que c’est là que se font les grandes recherches d’aujourd’hui qui permettront les progrès de demain. Parce que c’est lui qui prend en charge les cas les plus graves ou les plus complexes à tous les âges de la vie. »
Course contre la montre tandis que la loi Bachelot a commencé par supprimer l’appellation de « service public hospitalier » pour le remplacer par « établissements de santé ». La voie est montrée : il s’agit bien de transformer l’hôpital public en entreprise. Et pour être rentable, l’hôpital devra sélectionner les pathologies et les patients, et diminuer le nombre de personnels. Ces suppressions d’emplois non justifiées altéreront bien évidemment la qualité des soins.
La loi HPST, votée le 19 mars 2009, commence à se faire sentir. Les associations comme Act-Up Paris sont inquiètes : les mouvements de restructuration qui agitent les services VIH partout en France ne semblent pas être organisés et inquiètent par leur absence totale de clarté. Les malades, les médecins, les associations ne sont pas concertés, tout se joue « au-dessus » et dans une relative urgence. Act-Up craint que la qualité des soins et les acquis obtenus ne soient balayés sous prétexte de restrictions budgétaires. Le risque c’est aussi le démantèlement d’équipes médicales et paramédicales qui fonctionnent.

« Instits : feignants » !

Les événements de Vitry-sur-Seine ont bien arrangé la presse qui n’aborde le sujet de la colère des enseignants que sous l’angle sécuritaire, alors que le mouvement de grève qui s’étend dans les banlieues populaires de la région parisienne n’a pour cause que le simple ras-le-bol général des enseignants sur leurs conditions de travail – évidemment d’autant aggravées par la montée des tensions sociales dans les quartiers les plus défavorisés. Dans ce secteur encore, les revendications portent sur le refus des suppressions de postes (et une inversion de cette tendance face à la hausse démographique qui touche aujourd’hui les collèges), sur le refus de la casse du statut, de la réforme de la formation des maîtres (stagiaires à plein temps dans le premier et le second degré), de la disparition progressive des TZR et d’un système de remplacements qui veut faire feu de tout bois : contractuels, recalés au concours… Les attaques répétées menées par le gouvernement contre le service public d’éducation et le service public en général, à un rythme effréné, sont d’une violence sans précédent (évaluations en primaire, socle commun, abolition de la carte scolaire, réforme Chatel, décret sur la mobilité du fonctionnaire, etc.).
Pour conclure, la CGT annonce une journée de grèves et de manifestations le 23 mars ! Mais, ce n’est pas une journée de grève et une énième manif République-Nation qui fera reculer le gouvernement. Ce dernier a bien prévenu que « l’expression des gens dans la rue » ne comptait pas et qu’il s’en tape. Non, il faut un retour à nos vraies valeurs : la grève générale, seule alternative valable pour casser la « tronçonneuse » et arrêter le massacre social !