Y aura-t-il une vie syndicale ?

mis en ligne le 17 septembre 2003

Cette journée où comme le disait dernièrement un camarade de la CNT sur Radio libertaire « il ne fallait pas laisser l'heure accordée par le patronat pour aller voter aux prud'homales ». Bien sûr chacun et chacune a pu aller se promener, bravant le bonhomme Hiver, boire un café, ou discuter avec les camarades de travail… ou mettre son bulletin dans l'urne! Le pour et le contre ont été exposés et discutés dans lLe Monde libertaire, à Radio libertaire (à Radio libertaria, aux Chroniques syndicales, etc.). Mais l'ex-quotidien de la rue de Lorraine a pu mettre en accroche sur la une du jeudi 12 : « Le bazar des prud'homales. » Il notait aussi qu'elles avaient « été marquées par un déroulement chaotique ». Bulletins manquants dans les boîtes à lettres, personnes non-inscrites sur les listes, des cartes électorales non arrivées, erreurs dans les bureaux… La liste est longue! Au gouvernement, au ministère duTravail on a beau jeu de montrer du doigt les coupables : « Beaucoup de problèmes viennent du fait que ce sont les employeurs qui ont la charge d'inscrire leurs salariés. » Pourtant le ministre des Affaires sociales avait déclaré que c'était « plutôt mieux organisé que les fois précédentes, même si c'est encore imparfait ».

Les syndicats, toutes boutiques confondues, ne sont pas de cet avis, bien que le « rapport de forces » soit resté le même, quasiment, par rapport à 1971. Des conditions « indignes de nos traditions démocratiques » pour la CGT, pour Blondel de FO (« Ce scrutin est entaché de suspicion et ne peut être sincère. ») et même Cazettes de la CGC qui a carrément évoqué « une volonté de saborder l'institution prud'homale » !

Le patronat ne serait donc pas le seul responsable, mais le cafouillage viendrait bougrement aussi du ministère du Travail…

Un coup d'œil sur le taux de participation aux prud'homales est intéressant : de 1997[[CGT 33,3 % (+ 0,2 %), CFDT 25,4 % (stable), FO 20 % (-0,55 %), CFTC 9,2 % (+ 0,55 %), la CGC progresse de 0,1 % à 6 %, la CFTC de 0,6 % à 9,2…]] à aujourd'hui (qu'on soit favorable à l'événement ou non) est tombé de 63,3 % à 34,8<%. Baisse de la combativité ouvrière, syndicale ? Éparpillement des entreprises, fin des citadelles ouvrières?

Dans la situation actuelle du recul pied à pied devant la politique gouvernementale, les organisations syndicales représentatives sauvent plus les meubles qu'elles n'organisent la riposte. Pour l'après-prud'homales, nous l'a-t-on assez annoncé, la « trêve sociale »[[Ce terme employé par divers médias nous semble mal à propos. Il était utilisé en parallèle avec « état de grâce ». Mais c'était dans le contexte d'un gouvernement de gauche, les syndicats représentatifs empêtrés dans leurs contradictions, lui laissant le temps de souffler… Le « vote républicain » en est la suite à assumer!]] serait dénoncée.

C'est-à-dire que l'ensemble du mouvement syndical se déclare prêt à déclencher l'offensive sur le problème des retraites, et cela dès le printemps. Vaste programme!

Bernard Thibaut de la CGT a déclaré « envisager une mobilisation nationale dès le début de l'année » et Francois Chérèque de la CFDT a annoncé dans une interview donnée à un quotidien, au sujet de son calendrier: « Dans un premier temps, nous proposerons aux autres syndicats un colloque à la mi-janvier à Paris sur les réformes des retraites en Europe. » Diable, s'il faut s'aligner sur les normes européennes, on a du mouron à se faire!

Négocier avec les syndicats et faire modifier les textes par le Parlement. Il semble aussi être la façon d'être de faire « en douceur » de Raffarin. Le Medef n'a plus qu'à aller à la tireuse, il est d'ailleurs, en ce moment, au moins au niveau des médias, un peu en retrait. Il laisse faire le ministère des Affaires sociales qui appelle les électeurs à aller voter aux prud'homales « parce que c'est important pour le règlement des conflits du travail et pour la société participative qu'on est en train de construire ».

Une chanson qu'on a trop souvent entendue. La société que nous voulons construire fera cesser l'exploitation de l'homme par l'homme. Nous n'entendons pas participer à notre propre exploitation.

Jean-Pierre Germain