La Chasse aux «fauteurs de troubles» est ouverte !

mis en ligne le 22 juin 2007

Ukraine

Le travail des services de sécurité visant à éviter toute protestation contre la politique économique de la BERD en Ukraine de la part des activistes de Tigra Nigra et de Rainbow Keepers a commencé bien avant le sommet.

En février des organisations écologistes dont Rainbow Keepers ont adressé au directeur de la BERD une lettre, dans laquelle ils dénonçaient les machinations menées par le gouvernement et d’autres organisations officielles avec l’argent attribué par la BERD pour la fermeture de l’usine de Tchernobyl. Sur la base de cette lettre, la BERD, après un contrôle, a suspendu les crédits.

Cambriolage et perquisition illégale

Le 16 avril l’appartement d’une activiste des Rainbow Keepers a été cambriolée. L’ordinateur, l’appareil photo avec pellicule et le téléphone avec le répondeur et sa cassette ont été volés. Le choix des objets ont fait penser que les services de sécurité avaient joué un rôle.

Le 23 avril a eu lieu la première manifestation conjointe entre Rainbow Keepers et Tigra Nigra, pour exiger que la centrale de Tchernobyl soit fermée et que de nouveaux réacteurs ne soient pas construits dans les centrales de Rovno et de Khmelnitsky. Les pouvoirs publics ont autorisé la manif. Cependant, le lendemain, la police a effectué une perquisition illégale «pour découvrir de la drogue» chez un activiste de Tigra Nigra, Dimitri Mejouiev, où logeaient cette nuit là des participants venus d’autres villes. Tous se sont vus contrôler et forcés d'écrire une «explication» au poste de police.

Le 5 mai un officier du SBOu, services de sécurité, a convoqué officieusement un des activistes de Tigra Nigra, Maxime Boutkevitch, par l’intermédiaire de la fac de philosophie où celui-ci étudie. Au cours d’une «conversation» de deux heures on lui a demandé, puisqu’il était selon le SBOu un des initiateurs des actions possibles contre la BERD, de n’entreprendre aucune action pendant le sommet. L’officier a aussi tenté d’obtenir de l’information sur les membres de Rainbow Keepers, qui selon lui préparait l’action de protestation contre la BERD avec Tigra Nigra. De plus, la discussion s’est accompagnée de menaces directes ou voilées : risque d'être exclu de l’université, menace de diffusion de rumeurs le discréditant , en particulier sur son «travail d’indicateur» dans le milieu radical, et des allusions à la possibilité d’arrestation préventive des initiateurs d’actions possibles pendant le sommet. Le lendemain, 6 mai, l’officier a exigé d’avoir encore deux rencontres avec M. Boutkevitch : il lui a proposé non seulement de collaborer avec le SBOu, mais aussi d’effectuer une mission à l'étranger en utilisant les contacts dont il dispose.

La conversation a permis de comprendre que les téléphones étaient sur écoute. Afin d'éviter alors des arrestations préventives, certains d’entre eux ont quitté leur appartement. Le 8 mai, un des anarchistes a découvert que la police avait, pendant son absence, posé des scellés sur son appartement. Le même jour, dans l’appartement de Nadia Chevtchenko, une activiste des Rainbow Keepers, la police est venue contrôler les papiers des militants qui se trouvaient là et a essayé d’emmener, Sergueï Fomitchov (de nationalité russe). Le 8 mai encore, la police est venue inspecter l’appartement d’une anarchiste, ce devait être le lieu où, selon les informations des services de sécurité, les anarchistes se seraient réunis pour planifier l’action contre la BERD alors qu’il n’en a jamais rien été. Les policiers ont prétendu que près de sa maison une Mercedes aurait été volée, et qu’ils vérifiaient tous les appartements ; après vérification, aucun des voisins n’avait reçu la visite de la police. Le même jour, une des activistes de Rainbow Keepers, I. Korol, a été arrêtée dans le métro ; après contrôle des papiers et fouille, elle a été libérée. Enfin ce jour là, le père d’un des anarchistes, haut fonctionnaire, a reçu des informations sur une prétendue liste noire, à la disposition du Président et dans laquelle figurerait son fils. Peu de temps auparavant la même information avait été communiquée au père d’une fille qui sympathise avec les anarchistes de Tigra Nigra.

Arrestation et menaces

Dans la nuit du 8 au 9 mai, dans une rue centrale, M. Boutkevitch a été arrêté alors qu’il discutait avec une amie et ce juste après avoir fixé ce rendez-vous par téléphone. Bien que les papiers de M. Boutkevitch aient été en règles et qu’il n’ait rien commis d’illégal, il a été arrêté (alors que la jeune fille, sans papiers, s’est vue priée de rentrer chez elle). Les policiers ont d’abord tenté de l’accuser d' «infractions administratives» (scandale sur la voie publique), puis ont déclaré qu’il ressemblait a un criminel recherché. Libéré une heure après il a dû rentrer à pied. Pas loin du poste de police quatre civils l’ont arrêté de force et ont menacé de le battre, de le tuer ou même de le violer (puisqu’il avait une boucle d’oreille qu’ils lui ont d’ailleurs arrachée) s’il «faisait des bêtises» comme «par exemple se promener la nuit». Ensuite ils l’ont filé de manière ouverte jusqu'à ce qu’il rentre chez lui.

Le 9 mai a eu lieu une action de protestation contre le financement par la BERD des usines nucléaires de Rovno-4 et Khmelnitsky-2, organisée par Rainbow Keepers soutenu par Tigra Nigra. Cinq participants ont été arrêtés. Le lendemain, lors d’un procès à huis clos, quatre ont été condamnés à trois jours de prison et I. Korol à quatre jours, «pour refus d’obéissance à la police» : ils se seraient accrochés aux uniformes des policiers… alors qu’ils ont été arrêtés par des civils. Trois d’entre eux se sont mis en grève de la faim, et Irina Korol, a même refusé de boire. L’arrestation des activistes a choqué même les membres du sommet de la BERD : son représentant, Ch. Franck, a annoncé qu’il avait demandé que les personnes arrêtées soient libérées, mais qu’on lui avait répondu que «toutes les personnes arrêtées étaient déjà libérées». Néanmoins, ils ont été détenus jusqu’au bout. D’autres participants de cette manifestation ont été filés après la fin de l’action.

Les 10 et 11 mai, des Rainbow Keepers ont distribué dans le centre-ville des tracts contre le financement par la BERD des réacteurs de Rovno et Khmelmitsky, et ont été les deux fois arrêtés par la police. Le 11, la distribution a été accompagnée d’actions théâtrales et N. Chevtchenko, accréditée comme journaliste auprès du sommet, a été arrêtée par la police qui a tenté de lui arracher une pellicule sur laquelle avait été fixée à la fois l’action et les arrestations.

Ce jour là, le SBOu a rempli ses menaces d’arrestations préventives. Les membres de Tigra Nigra, Dimitri Mejouiev et Anna Dovbakh, ont été arrêtés un soir dans un parc, où ils préparaient des matériaux pour une action. Entourés par la police qui leur a confisqué leur papiers, ils ont été emmenés au poste, où, sans qu’une accusation leur soit présentée, ils sont restés jusqu’au procès, le lendemain matin. Leurs camarades ont appris où ils étaient détenus une heure avant le procès. Lors d’un procès à huis clos ils ont été reconnus coupable de «petit vandalisme» et condamnés à cinq jours de prison. Il faut noter que selon le code civil, les procès concernant des infractions «administratives» doivent être publics. Le «vandalisme», selon les policiers, consistait en des jurons proférés (ce qui est ridicule et tout à fait invraisemblable quand on connaît les personnes arrêtées).

Action contre le sommet de la BERD

Malgré les arrestations préventives et l’absence de matériel, une action a quand même été menée le 12 mai. Les membres de Tigra Nigra et de Rainbow Keepers ont distribué dans le centre ville de la petite monnaie symbolisant les investissements de la BERD dans l'économie ukrainienne, avec le texte des «Accords» sur les conditions d’investissement. Ces «Accords» sous une forme sarcastique montrent que la BERD représente un instrument de globalisation de la politique néo-libérale.

Tous ces événements se sont accompagnés du silence des médias. Seul le dernier jour du sommet, sur une des chaînes télé a été montrée l’arrestation du 9 mai et l’action du 12 mai. Le lendemain une autre chaîne locale a consacré un court sujet à la sortie de prison de I. Korol. Le 14 mai seulement un des journaux les plus importants a publié un article sur certains des événements, avec un commentaire officiel du SBOu : une partie des faits était niée et il était affirmé également que «les services secrets avaient agi dans le cadre de la loi».

Ce qui s’est passé à montré le vrai visage de la «démocratie» ukrainienne, la vénalité de la presse, la toute puissance des services secrets et l’absence totale de droits des simples citoyens. Il est évident que le but de ces persécutions était de ne laisser filtrer aucun avis négatif concernant la politique de la BERD. Cependant, il n’y a aucune certitude qu’avec la fin du sommet les répressions s’arrêtent. Nos camarades sont toujours en prison. C’est pourquoi nous, activistes de Tigra Nigra et des Rainbow Keepers nous demandons à tous ceux qui peuvent être intéressés, de nous offrir leur soutien.

Pour leur apporter votre soutien vous pouvez diffuser cette information et surtout envoyer une lettre de protestation à l’Ambassade d’Ukraine de votre pays.

Initiative anarchiste Tigra Nigra, Mouvement écologiste radical (Rainbow Keepers)