Drogues : la valse des procès
La première citation provient d'un tract d'Act Up intitulé «J'aime l'ecstasy» distribué lors d'une manifestation contre la fermeture de plusieurs établissements, comme le Queen, le Cox. Les 25 et 26 février derniers, Philippe Maugeot (Act Up-Paris) et Michel Sitbon (Editions du Lézard) comparaissaient devant les tribunaux au titre de l'article L.630 (présentation sous un jour favorable de produits stupéfiants).
À travers ce procès et au-delà des divergences qui existent dans le mouvement anti-prohibitionniste sur la forme de légalisation souhaitée, Act Up lance une mobilisation contre la «loi de 70» avec entre autre l'appel des 111 qui a déjà fait beaucoup de bruit.
Dans un premier temps 111 personnes, mais aujourd'hui le millier est largement dépassé, ont signé un appel avec une démarche tactique similaire à la lutte pour le droit à l'avortement : «Nous ne pouvons accepter que le seul discours autorisé soit celui de la loi, ni que des opinions, parce qu'elles contredisent le dogme prohibitionniste, soient traitées en délit... Ce qui se joue dans ce procès, c'est donc bien autre chose que l'innocence des accusés et bien plus que le droit à la libre expression... à un moment ou à un autre de ma vie, j'ai consommé des produits stupéfiants. Je sais qu'en admettant publiquement être un usager de drogues, je peux être inculpé. "
La deuxième citation provient du livre Lettre ouverte aux législateurs que le CIRC (Collectif d'information et de recherche cannabique), le 9 décembre dernier, a distribué à la moitié des députés. Le tout a été adressé par courrier avec un pétard. Des plaintes ont été déposées par quelques députés choqués par de telles provocations. Ne doutons pas que la procédure judiciaire suit son cours, et notons au détour que Jean-Pierre Galland (CIRC) passera en procès le mois prochain (les 25 et 26 mars) pour organisation de manifestation illicite (appel du 18 juin).
La valse des procès n'enlève pas la détermination des anti-prohibitionnistes. À l'appel des 111, les réactions furent multiples. Beaucoup de journalistes ont signalé qu'ils ne pouvaient pas signer pour des questions morales, et pour les risques inhérents d'une éventuelle légalisation. Dans la brochure Drogues, le Débat censuré (Éditions du Monde libertaire), la conclusion soulevait ces risques que l'on rencontre aujourd'hui de toute façon avec l'alcoolisme, les médicaments... Mais au lieu de finir par être complice de l'enfermement de milliers de personnes, de criminaliser les usagers, de permettre sous prétexte de santé publique l'existence d'une loi sécuritaire, «d'infantiliser» l'individu, nous devons nous affronter au risque d'une légalisation. Car les raisons d'une fuite absolue et permanente sont à chercher du côté d'une société inégalitaire, d'exclusion, d'une société où le principal mode de communication est le mode du spectacle, où l'individu pour être soumis à une société capitaliste est atomisé et aliéné dans son quotidien (travail, loisirs, télévision, espace de vie...). En ce sens le combat anti-prohibitionniste dépasse le cadre strict d'une lutte sur une conception de la morale...