Pitié pour les couleuvres
À la petite semaine
Répétons-le : en politique, art mineur, tout réside le plus souvent dans le vocabulaire. À résultats identiques, la différence notable entre bandes organisées se disputant le pouvoir provient essentiellement de la façon de présenter les choses.En matière d'immigration, par exemple, là où naguère une droite brutale et arrogante expulsait sauvagement «le bruit et l'odeur» venus d'ailleurs, affrétant pour cela d'immondes «charters», la gauche plurielle et «réaliste» opère, elle, une nécessaire et généreuse «maîtrise des flux», dans un scrupuleux respect de «notre tradition républicaine d'accueil», pour mieux «raccompagner dignement» chez eux des milliers d'individus présentement inexploitables ici, afin de mieux les «aider à forger leur destin».
Ce permanent recours au maquillage par les mots des méfaits les plus exécrables de la gestion des affaires de la nation ne doit évidemment rien à un penchant prononcé des décideurs pour la sémantique, mais a comme seul objectif de rendre l'odieux présentable, en poursuivant aujourd'hui, au nom de la morale et de l'humanisme, aimables vertus de gauche, ce qui se faisait hier au nom du profit et de la sécurité, détestable valeurs de droite.
Cet exercice de style assez indigne a trouvé parmi ceux pour qui l'antiracisme et l'aide aux sans-papiers se confondent avec un plan de carrière ses plus précieux adeptes, du type Sami Naïr, incontournable expert en langue de bois exotique, appelé à réussir tôt ou tard son intégration au comité directeur d'une grande formation de progrès où l'attend Harlem Désir.
Le grand peuple de gauche, gros consommateur de couleuvres, ne semble pas s'apercevoir que sa complicité avec cette mascarade va bientôt transformer ce digeste animal en espèce en voie de disparition. On peut d'ailleurs légitimement se demander par quel miracle il en reste encore.
Pitié pour les couleuvres.