Le printemps qui vient…
mis en ligne le 18 février 2015
Depuis quelques semaines, la CGT a un nouveau secrétaire général, le précédent, Thierry Lepaon, ayant été poussé à prendre la porte, suite aux révélations dans la presse des différentes magouilles financières dans lesquelles il baignait. Remplacé par Philippe Martinez, n° 1 de la Fédération de la métallurgie, proche du Parti communiste (sans en être un militant, à ce qu’on dit), son départ devait annoncer un changement de stratégie de la part de la direction de la centrale de Montreuil et l’adoption d’une ligne présentée par les médias comme plus radicale, plus dure, plus « lutte de classe ».Une journée d’action, comme d’hab
Qu’en est-il pour l’instant ? Eh bien, pas grand-chose. Car en guise de radicalité, voilà que le nouveau grand manitou nous propose une énième… journée d’action ! Elle aurait lieu au début du printemps prochain et son principal mot d’ordre serait la lutte contre l’austérité. Comme l’austérité, c’est vague, et qu’à force d’en parler tout le monde s’en branle, la CGT a choisi – et, pour le coup, c’est judicieux – d’axer cette journée d’action autour de deux revendications bien précises : la revalorisation des salaires et la diminution du temps de travail. Pour le coup, c’est intéressant, car ces deux revendications donnent un côté offensif à une mobilisation nationale, en rupture avec les traditionnelles journées de défense des acquis. Comme le disait récemment mon groupe dans un texte collectif, « la meilleure défense sociale, c’est l’attaque organisée ». Pas sûr que les bureaucrates de Montreuil l’aient eu en main, mais on peut déjà se féliciter de ce petit changement.
L’autre évolution notable, c’est l’insistance affichée par les organisateurs sur la nécessité de faire grève. Avant, on se contentait d’appeler à sortir ses pantoufles dans la rue, là on demande aux syndiqués de se mettre en grève, quel que soit le secteur professionnel. Cela dit, au-delà de cet appel – certes louable –, la CGT gagnerait surtout à faire reposer cette journée d’action sur les différents foyers de grève et de contestation qui sont apparus ces dernières semaines : les routiers, les gaziers et les électriciens, les professeurs des écoles, les ouvriers du Livre de la Chapelle-Darblay (Rouen), etc. Or, pour l’heure, c’est un peu le silence radio à leur propos du côté de Montreuil.
Unité syndicale
Qui sera de la partie ? À en croire l’homme à la belle moustache, la CGT voudrait créer « les conditions d’une unité syndicale la plus large possible afin de redonner espoir aux salariés ». L’unité syndicale, c’est un peu le serpent de mer de ce genre de mobilisations. Et si l’expression sonne plutôt bien aux oreilles de ceux qui rêvent d’en finir avec les guerres de chapelles, elle peut aussi annoncer le pire. Car on ne fait pas l’unité avec n’importe qui ni autour de n’importe quoi. Pour l’heure, Philippe Martinez a surtout vanté l’action et les positions de son homologue de FO, Jean-Claude Mailly, tout récemment réélu à la tête de son organisation (ce n’est jamais qu’un quatrième mandat). Lors du dernier congrès de FO, il s’exprimait ainsi : « Quand on n’est pas entendu, il faut passer une vitesse supérieure, […] une journée de grève [pour] faire bouger le gouvernement et le patronat. » Pas mal. Désormais, il appelle les autres centrales syndicales à être aussi de la fête. Et pas que les plus fréquentables, car si Solidaires et la FSU sont conviés, il demande aussi que la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC – qui adorent les signatures au bas des accords crapuleux – rejoignent cette journée d’action contre l’austérité.
Pour l’instant, seuls la CGT, FO, Solidaires et la FSU semblent vouloir vraiment organiser cette mobilisation. Heureusement pour nous, la CFDT a décliné l’invitation, son n° 2, Véronique Descacq, arguant que cette journée ne porte pas « le message que nous voulons donner aux salariés ». Idem du côté de la CFE-CGC, où on prétend qu’« être dans la rue ne réglera rien » et qu’il vaut mieux « consacrer [son] énergie pour peser dans le débat parlementaire » (où ils ne pèsent que dalle). Les brebis chrétiennes n’iront pas non plus, et leur berger, Philippe Louis, l’explique sans langue de bois (c’est déjà ça) : « Nous sommes pour le pacte de responsabilité et ce n’est pas le moment de donner un signal contraire. » Voilà qui est dit et qui ne nous fera pas regretter l’absence des drapeaux bleus à colombe dans nos manifestations de rue et sur nos piquets de grève.
On attend(ait) davantage…
Malgré quelques petits changements intéressants quant à la forme de l’appel à cette journée d’action, il est tout de même assez affligeant de constater qu’une fois de plus il n’y a rien de bien nouveau sous le soleil (d’hiver, celui-ci). À croire que les directions confédérales (CGT et FO) ont davantage d’imagination quand il s’agit de refaire les appartements de leurs huiles que pour impulser un mouvement social. Un manque d’imagination et une frilosité qui nous obligent à penser que les discours plus offensifs de ces derniers jours n’étaient, une fois encore, qu’une façade affichée pour tempérer l’exaspération d’une base qui, à ce niveau-là, attend beaucoup plus que des postures médiatiques.
Win Chester
Le Syndicat invisible