La pauvreté ? C’est le vice du pauvre !

mis en ligne le 4 novembre 2010
D’après le baromètre 2010 de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES), le nombre de fumeurs quotidiens a augmenté de 1,8 point depuis 2005 (de 26,9 % à 28,7 %) 1. La ministre de la Santé Roselyne Bachelot y voit deux explications : la hausse du nombre de fumeuses et la crise. « Près de 50 % des chômeurs sont fumeurs. À l’évidence, la crise, l’augmentation du chômage, ont eu un effet sur l’augmentation de la consommation du tabac. » Emmanuelle Béguinot, directrice du Comité national contre le tabagisme (CNCT) confirme : « Fumer est un marqueur social qui frappe tout particulièrement les classes populaires, premières victimes du chômage. De fait, il est difficile d’entreprendre un sevrage lorsque l’on cumule difficultés financières et inquiétudes sociales. » Le professeur Dautzenberg, de l’Office français de prévention du tabagisme, n’a pas plus de doutes : « Le tabac, c’est une maladie et comme toutes les maladies, elles touchent plus les pauvres que les riches. » Touchées par la précarité, les femmes fument de plus en plus. Le tabagisme quotidien a gagné sept points depuis 2005 chez les femmes de 45 à 64 ans.
Mais alors me direz-vous, si l’on tire les conclusions du diagnostic, la lutte contre le tabagisme va dès demain engager le gouvernement et ses affidés dans une action forte et déterminée contre la pauvreté et pour l’accès aux soins sans condition des classes populaires.
Eh bien non ! La logique doit être aussi une maladie qui touche majoritairement les classes populaires mais dont arrivent à se préserver les gens de pouvoir, car tous les acteurs antitabac, nous dit-on, préfèrent condamner l’absence de stratégie fiscale de l’État 2. « Il faut une hausse brutale des prix », s’époumone la même madame Béguinot. Et la ministre de la Santé de plaider, sans tousser, pour « l’augmentation massive du prix du tabac ». Quant à l’accès aux soins des classes populaires, on sait ce qu’il en est avec la casse systématique de la Sécurité sociale et des hôpitaux publics.
La pauvreté ? Mais c’est le vice du pauvre, ma bonne dame ! Et il s’agit de le lui faire payer.
Qu’il me soit alors permis, dans ces colonnes, de faire une proposition « innovante » de compromis « gagnant-gagnant » (j’utilise ces mots pour être entendue aussi des gens qui ont développé la terrible addiction au vocabulaire du pouvoir). Que le gouvernement fasse tout pour éradiquer la pauvreté – pour tout dire, qu’il nous laisse construire une révolution sociale et libertaire – et nous promettons tous d’arrêter de fumer (des cigarettes !). C’est réglo, non ?

Léa Gallopavo, groupe Louise-Michel de la Fédération anarchiste


1. Toutes les données et citations sont reprises du Direct Matin n° 755 du 19 octobre 2010
2. Je ne suis pas sûre qu’ait été demandé l’avis du Circ (Centre de recherche et d’information canabique), qui tient une émission quinzomadaire sur Radio libertaire le dimanche de 18 heures à 20 heures, et qui propose, lui, une action originale : fumer sans tabac !