Relents de xénophobie européenne
Mais là où le feuilleton médiatique devient intéressant, c'est la manière dont la décision va être prise et surtout pourquoi et par qui. Lors des récentes élections européennes, dont je me tartine aussi, nous eûmes droit à une campagne d'affichage des plus réactionnaires dénonçant et refusant l'entrée de la Turquie dans l'Europe, point final. Aucun argument, aucune explication. Rien. Le néant politique complet. Un slogan sur un mur ou un tract. Mais quelles idées préconçues, quels préjugés, les politiciens voulaient-ils nous faire admettre ? On sait depuis longtemps que le Chinois est fourbe, l'Algérien voleur, le Roumain mendiant, le Juif près de ses sous et le Belge un peu con. Mais le Turc ? Il est fort certes. Ne dis t'on pas fort comme un Turc, mais encore ? Il fait des bons kebabs et est régulièrement soumis à des tremblements de terre. Ça en fait pas un ennemi. Mais péché capital, il est musulman. Et qui dit musulman dit terroriste mal rasé et pas frais sous les aisselles. Rien ne va plus. Au fur et à mesure que la pertinence de l'adhésion fait son chemin, les cartes sont bien obligées de s'abattre et les masques de tomber. Il est intolérable pour notre occident chrétien d'accepter avec nous ce peuple qui nous a repris Constantinople, qui ne reconnaît pas, même quatre vingt dix ans après, le génocide arménien. Cette bonne vieille Pologne, catho jusqu'au trognon a quand même plus fière allure et surtout ethniquement beaucoup plus proche de nous. Tu vois pas qu'on nous refile un pape turc ? C'est quand même pas un pays avec des centaines de kilomètres de frontières avec l'Irak qui va venir habiter sur notre palier.
Bon c'est vrai que les musulmans ultra majoritaires sont pas toujours très affûtés. Na qu'à voir le sort qu'ils réservent à leurs femmes et à leurs kurdes (les kurdes, c'est ceux avec les portraits de Staline et Lénine sur les drapeaux en fin de manif avec les enfants qui chantent faux : très élégant, très frais). Dans le genre progressiste, on a mieux ailleurs. Il est vrai que l'omniprésence de l'armée qui est un des piliers du régime turc a de quoi faire froid dans le dos. Mais ce genre d'arguments je ne l'ai pas beaucoup entendu. Officiellement bien sûr.
Un état tampon entre le monde musulman et le monde occidental, ça arrangerait plutôt tout les équilibres géo-stratégiques. Il y a qu'à le dire, l'écrire, le dénoncer au besoin ! Le refus des dirigeants turcs de se servir de leur pays pour assurer les bases arrières des USA pour bombarder le nord de l'Irak il y a quelques années, ça avait plutôt de la gueule. Ce qu'ils font dérouiller aux Kurdes sans qu'officiellement personne ne réagisse, c'est plutôt bon signe sur l'hypocrisie des Européens officiels. Surtout laissons bien les États amis s'occuper de leurs affaires intérieures. Mais timidement les arguments commencent à se faire entendre. Bon, sur les femmes rien. Le contraire serait surprenant. Sur l'armée un peu, n'en faut bien une mais pas au pouvoir quand même, on peux toujours essayer de la réformer (bon courage !), sur l'influence des musulmans je sens qu'on va assister à une déferlante hystérique dans quelque temps. Et pourtant, les sociaux-démocrates-chrétiens peuvent-ils pleurer sur près de 190 millions de dollars de PIB (chiffres de 1999) et sur un marché de plus de plus de 70 millions de consommateurs ?
Jipé