La Peche à la mouche...
Une des grandes préoccupations de l'hôte de la place Vendôme nous révèle la qualité première de cet homme d'État : la régularisation du statut de l'indic. Bientôt, celui-ci exercera une activité reconnue, avec bulletin de salaire, affiliation à la Sécurité sociale et considération obligée.
Dans une société démocratique autoritaire, l'indic n'est que la face visible d'une grave dérive que le pouvoir tend à institutionnaliser : la délation. Voilà un gros mot qu'il faut bien se garder d'utiliser car on nous explique déjà qu'il s'agit d'un comportement hautement civique.
Faut-il rappeler que, durant les années noires de l'Occupation, environ cinq millions de lettres de dénonciation devaient arriver dans les kommandanturs et les commissariats de police français ? Encore faut-il noter que si les hommes de la Gestapo utilisaient souvent leurs corbeilles pour les dénonciations approximatives, les policiers français, eux, ne jetaient rien. C'est ainsi que l'on pouvait se retrouver au trou parce qu'un petit salaud lorgnait sur un appartement ou vous dénonçait comme juif ou communiste.
Bien sûr, nous dira-t-on, il s'agit là d'un passé révolu. Nous sommes en démocratie, et la morale citoyenne a été réhabilitée dans le même temps que la police républicaine était ressuscitée. Bien entendu, il est indispensable de désespérer les gros naïfs qui croient à cette fable. Tout d'abord, le Français moyen n'a jamais renoncé à ses vieux démons : envier l'autre et lui souhaiter mille morts. Ensuite, il y a beau temps que les mauvaises manières ont à nouveau droit de cité. Particulièrement depuis les lois Pasqua, aggravées par Debré et Chevènement, contre les immigrés sans papiers.
Depuis 1986, les lettres de délation tendent à se multiplier, et les commissariats de police les entassent, quand ce ne sont pas, directement, les services du ministère de l'Intérieur ou même, bien souvent, du ministère des Finances. Témoigne de cette tendance à dénoncer l'autre une récente enquête publiée par Le Monde (17 décembre 2003), intitulée : « Le Temps des corbeaux ».
Lorsque la guerre a éclaté, en septembre 1939, les murs des villes se sont couverts d'affiches sur le thème : « Méfiez-vous, les oreilles ennemies vous écoutent ! » Les temps mauvais seraient-ils revenus ? Toujours est-il que votre voisin, le commerçant qui vous sourit mielleusement, le guichetier d'une administration quelconque, peut bien être l'une de ces balances désormais choyées par le pouvoir CRS (Chirac, Raffarin, Sarkozy).
Rappelons-nous que l'on n'attrape pas les « mouches » avec du vinaigre. Seule la lutte sociale peut permettre de renvoyer ces bons « cousins » de la police dans les bennes à ordures dont on n'aurait jamais dû les laisser sortir...