« La Bartambule » de Claire Auzias
Bien des années plus tard, voici la Bartambule, les éclairs pétrifiant le sable se sont faits ombres nocturnes, presque chansons. Ce qui hurlait, devenu plainte insidieuse « d'un temps noué au flanc de ses aspérités », scande en mineur les saisons de l'attente, qui n'en finira jamais de son défi à un monde minable. Monde entre vide et opacité, entre cons et profiteurs, d'où monte l'appel à la désertion. En finir avec le temps, passer les rideaux et les masques de la mort. De Gélina à la Bartambule, l'ironie convulse les faux-semblants.
S'en vient une autre géographie que celle qui nous oblige. Les continents s'y font émissaires de jeux de marelle, aux mots délicatement vitriolés « à cloche-pied ». Errances dans les nuits de Paris ou de Marseille, entre futile mélancolie et corps lancé aux étoiles, Villon palpite ici, là-bas c'est Gaston Couté dont nul ne devine la voix. Qui entend la charmille ? Toujours en partance, Claire Auzias en appelle à l'impalpable simplicité de ces instants où la tristesse, incrédule, s'écarte :
« Un poing, une brique, une page
Et des lisières ouvertes
À d'autres frémissements. »
Butte, cascades, courtille, cours Julien, Égypte et, plus loin, navire, goélands. La bêtise chavire. Déserter, te dis-je. On pressent dans quel creuset est né son projet d'un Guide du Paris révolutionnaire et comment elle pourrait fuser vers d'autres villes où palpite le feu de l'anarchie.
La Bartambule, mutine, se mutine. Le jeu, vent du défi, à la vie à la mort, nous tient debout. La gueuse nous a laissé quelques goualantes à gueuler sous cape, à jeter comme un gant à ce qui prétend nous soumettre, nous plomber. Bartambule n'a aucun foyer à garder.
Les dessins d'André Robèr, entre enfance et cri, laissent advenir les visiteurs des nuits sépulcres, d'où vient en ondoiement l'aube silhouette.
Marie-Dominique Massoni