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par Stéphane Polsky • le 15 juin 2020
« D’une balle, mais jamais d’autre chose » ?
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article extrait du Monde libertaire n° 1817 de mai 2020
Ou s’ils le savent, les non-conscients, ils le dénient. Ils écoutent ce qu’on leur répète : que les Gilets jaunes c’est fini, que la CGT est vilaine, que la victoire contre le Covid-19 est LA bataille du quinquennat présidentiel, l’horizon indépassable à l’aune duquel l’exécutif sera jugé – et réélu, ou non. Ils ont ruminé : « Marre des grèves et des blocages ! », pour conclure d’un ton d’oracle : « Ça va se calmer ! », et ils ont vu juste, cela s’est calmé ! Un peu, puis – pour l’instant, du moins – complètement. N’empêche : toujours, malgré le virus et les morts, à chaque jour son scandale d’État. Or, comme le lendemain les non-conscients ont oublié celui de la veille, en dépit du bon sens, ils continuent d’acclamer la République. Pour eux, c’est ce qu’ils ont appris et ce qui les rassure (ce qui occulte leur déni), entre elle et la bête il n’y a rien.
Or, ce qu’ils ne savent pas non plus, les non-conscients, ou plutôt qu’ils ne veulent pas savoir, c’est que l’homme qu’hier les borgnes ont cru et qu’aujourd’hui encore les aveugles croient « de la situation » (au point que sa cote de confiance « bondi[rait] de 13 points et franchi[rait] pour la première fois la barre des 50% depuis près de deux ans » « pour sa gestion de la crise sanitaire » – s’extasient les journaux de pouvoir, interdit de rire), est désormais l’homme à abattre – politiquement (sa gestion managériale et clientéliste, calamiteuse en un mot, de la crise du Covid-19, qui a conduit le pays au confinement global, en représente, si besoin est vraiment, une nouvelle puissantissime preuve).
Bien sûr, ce n’est qu’un mercenaire ; révolutionné il serait remplacé, aussitôt – ne serait-ce que par un autre président, une autre pointe – fine – au service de la base – grossière. Et l’on dit qu’alors une contre-révolution, terrible, ensanglanterait la France, qui sanguinole déjà de tant de violences policières, sociales, économiques…
Parmi les « cent mille façons de tuer un homme », Félix Leclerc dénombre le coup de fusil, le coup de canon, la noyade, le bon vieux poison et le gaz, le rasoir, la hache, le couteau, la scie, la collision, la soif, l’amour et le rire, même, la chaise électrique, le saut dans le vide, l’étranglement, l’égorgement… et depuis quelque temps toutes ressortiraient à la légitime défense. Car la plus sûre, la plus infaillible des « façons de tuer un homme, c’est de le payer à ne rien faire », et notre homme, ce spadassin, est payé à défaire. Il supprime. Il raye. Il révolutionne (sic). C’est pourquoi la question se pose de le révolutionner à son tour. On est puni par où l’on a péché.
Mais comment ?
Par les urnes ? Haha, non. Monsieur grandit depuis Louis. Et puis une consultation (sic) populaire n’accouche jamais que de la volonté privée de celles et ceux qu’elle intéresse. Les scrutins sont des tours d’illusionnistes : tous ont toujours la même attrape, qu’ils présentent différemment, voilà tout, qui du profil droit, qui du profil gauche, et ensuite bien en face : macache, ils n’en font jamais qu’à leur tête. C’est pourquoi il faut étêter.
La pendaison ? Notre homme n’y aurait pas pensé. Le « peuple » (celui de la Constitution française), qu’il méprise et dont il aggrave chaque jour un peu plus la peine, il le croit le tenant en joue comme il le tient, lui, à distance de ses propres affaires. Il est comme le capitalisme, il a peur. Il a peur de bénéficier, sans autre forme de procès, d’un huis-clos semblable à ces audiences privées qu’il réunit en son palais pour canarder le bien public ; il craint de mimer au matin, muettement, les paroles de cette ritournelle interprétée par Édith Piaf : Ah ! ça ira…
On s’extasie devant la Révolution française (avec une lettrine, s’il vous plaît), qui n’eut pour ainsi dire pas lieu ; on enseigne le roi Louis XVI (à peine son bourreau, Charles-Henri Sanson) comme s’il n’avait plus toute sa tête ; les collégiens doivent apprendre La Marseillaise, mais « qu’un sang impur abreuve nos sillons », pas trop quand même. La révolution, c’était hier. Ou bien ce sera pour demain. Mais doucement, de grâce, en silence, spectacle en cours. Il ne faut jamais répondre à la violence par la violence. Et Gandhi patati, ahimsa patata. La révolution, cette procrastination. Du moment que la Nuit du 4 août a fait suite au 14 juillet (il y aura deux siècles et demi, quand même !), c’est que le sang bleu a vécu, que les gueux ont l’égalité. Or, il va bien falloir finir par les couper, ces faces de rois contemporains, ces têtes fardées d’intérêt général, ces couronnes d’aryens libéraux !
Non, notre homme n’est pas le seul acteur en France, et encore moins dans le monde, de la folie capitaliste qui précipite au précipice ; non, notre homme ne décide pas seul d’ensanglanter les petits peuples pauvres des grands pays riches en affaires ; oui, la Terre s’effondre, mais notre homme en est le Champion ; et d’ailleurs notre homme est déclaré constitutionnellement « irresponsable » devant le Parlement – comme devant un expert psychiatre. Mais, pour citer le procureur des pendus d’Haymarket Square, à Chicago, en 1887, « Il n’y a qu’un pas de la République à l’anarchie. Cet homme a été choisi parce qu’il fait partie des meneurs. Il n’est pas plus coupable que les milliers de personnes qui le suivent. Condamnez cet homme, faites de lui un exemple, faites-le pendre".
« Ils me tueront peut-être d’une balle, mais jamais d’autre chose », déclarait notre homme fin 2018, quelque temps seulement après avoir défié quiconque de « venir le chercher » (il fallait oser, Audiard) ! D’une balle… « De deux ! » repartiront les scrupuleux. Horreur ! s’indigneront les non-conscients, qui n’ont toujours pas vu Marie-Antoinette en Brigitte. Notre homme a été élu, il est légitime ! Légitime ou légal ?
Il fut un temps pas si lointain où il y eut eu la ronde boule noire rehaussée de sa petite mèche qui crépite, mais reléguons-la entre les mains de l’anarchiste bolchevique, celui du fantasme historique. Auguste Vaillant fut tué.
Et la grogne populacière ? Les immenses marches disant non ? Les billets doux photocopiés ? La France est une démocratie, oui ou non ? Les pouvoirs y sont séparés, le bien public n’y est pas vendu au privé, les contestations de volume ne sont pas durement réprimées (ou bien « c’est le jeu, ça a toujours été comme ça »), il n’y a pas de violences policières, pas de prisonniers politiques, l’État n’y est pas régalien, il ne s’y réduit pas à la police et à l’armée, la presse y est libre, les doléances de leurs sujets, les représentants les transfigurent en un programme de volonté sociale commune appliqué à la lettre, comme promis, les résultats des élections sont publiés en transparence (pour arranger le gouvernement, certes, mais le gouvernement représentatif, rappelons-le) : yadonckafokon lui dire non, à notre homme, si l’on n’est pas contents ? Lui dépêcher en son château un liaisondangereux pli cacheté ? Mon œil, Merteuil ! Ma main (Firmin) ! Mon corps cassé par ton assassin de service – Patrice.
Il y aurait le croc de boucher, celui de son prédécesseur…
Et le Covid-19 ?
Comment cela va-t-il finir ? Comment notre homme va-t-il finir ? Quand refera-t-il sa vie, et laquelle ? Qu’importe. Cela ne nous appartient pas. Ce qui compte, c’est de ne jamais le remplacer. Un jour l’idée de hiérarchie disparaîtra comme la terre plate. Alors le monde tournera rond. Vive l’anarchie !
PAR : Stéphane Polsky
Liaison William Morris
Liaison William Morris
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