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par Juan Chica Ventura • le 9 août 2021
Il était une fois un village …
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Article extrait du Monde libertaire n°1829 de juin 2021
Dans le massif du Supramonte en Sardaigne, dans la région de " Barbagia di Ollolai", un petit village, "Orgosolo", situé dans la province de Nuoro (au Nord), près d’Oliena, au pied du mont Lisogorni, possède une particularité : ses murs parlent de la mémoire des luttes locales, de la vie quotidienne, des engagements des habitants et des combats internationaux.
Orgosolo est un village d’insoumis, habité par des bergers endurcis amoureux de libertés, qui refusent de se plier aux règles policières italiennes. Dans les années 60, le village est accusé d’actes de banditisme (vols de bétails, séquestrations contre rançon...). En 1969, un groupe d’anarchistes de Milan nommé le collectif Dioniso s’est formé pour lutter contre les injustices.
Les premières peintures murales apparaissent lorsque le gouvernement décide d’implanter un camp d’entraînement militaire de l’OTAN dans les verts pâturages près du village. Un mouvement de protestation non-violent va naître : la révolte de Pratobello, menée par Giancarlo Celli (1929-1979). Des artistes engagés locaux vont peindre des slogans politiques. Le gouvernement abandonne.
En 1975, un groupe d’architectes de Milan à Pinuccio Sciola, un enseignant en art et peintre originaire de Sienne, Francesco Del Casino, et ses élèves s’associent pour un projet de peinture murale dans le village, profitant de la date du 30ème anniversaire pour honorer la Résistance et la libération de l’Italie du joug fasciste en impliquant la mémoire collective. Puis, un autre peintre d’Orgosolo, Pasquale Buesca et ses élèves et plus tard, un groupe local "Les Api" (les abeilles) continueront la tradition muraliste avec un message politique universel.
Les styles sont variés allant de l’impressionnisme, du cubisme, à la peinture naïve et réaliste. Les techniques de réalisation sont basiques, de la peinture et des vernis à l’eau assez fragiles à l’extérieur. C’était un choix purement esthétique, si l’œuvre faisait l’unanimité et que la communauté en sentait l’exigence, alors elle était récupérée, autrement elle était amenée à disparaître. Des textes sont arborés pour signifier le combat révolutionnaire mené par les artistes. Petite parenthèse, certain. e. s ignorant. e. s qui s’ignorent, donneurs de leçon et de morale, se prennent pour des historiens de l’art, voire des critiques d’art ayant le culot de juger avec un mépris sans borne si une peinture murale est bonne ou pas, sous le prétexte fallacieux qu’une œuvre n’a pas besoin d’explication, donc pas de texte. J’invite ces néophytes à faire un tour d’horizon du côté de tous ces petits villages de Sardaigne, de San Sperate (125 peintures) à Serramanna, en passant par Villamar (45 peintures) et contrairement à ce qu’ils et elles croient, l’écriture et la peinture trouvent là une grande force expressive. Fin de la parenthèse.
La passion politique et sociale des années 60 et 70 est à l’origine des œuvres collectives qui racontent les us et coutumes de la culture des habitants de chaque village. Des sujets sur la Résistance, des scènes dramatiques de la vie des bergers et des paysans sont dépeintes, leurs conditions misérables, leurs luttes pour un lopin de terre, l’exode rural, le droit à l’enfance. Dans les années 70 et 80, les peintures murales décriront les transformations de la société italienne, (de Mai 68, de la guerre, de la bombe atomique...) À Carbonia, Iglesias, Ozieri et San Teodoro, les œuvres murales puisent dans la tradition de la peinture révolutionnaire mexicaine de Diego Rivera, David Alfaro Siqueiros (qui lutta auprès des Républicains espagnols), José Clemente Orozco et d’O’Gorman. Elles s’ouvrent maintenant aux expressions artistiques du Street art, accompagnées de noms célèbres d’artistes tels que Banksy (anglais), Shepard Fairey (étasunien), le duo italien Sten Lex, Inti (chilien), C215 (français) ainsi que Maye, Pantónio (portugais), D*Face (anglais), BToy (barcelonaise), et tant d’autres. Dans tous les villages de Sardaigne la tradition des peintures murales est maintenue en conservant leur caractère populaire et collectif, créant des liens entre les habitants et les visiteurs.
Aujourd’hui, près de 500 peintures murales sont visibles sur l’île pour le bonheur de nos yeux. Une belle révolte en peinture dont les messages peints sur les murs sont une forte identité attachée au peuple.
Juan Chica Ventura - Groupe anarchiste Salvador-Seguí
Orgosolo est un village d’insoumis, habité par des bergers endurcis amoureux de libertés, qui refusent de se plier aux règles policières italiennes. Dans les années 60, le village est accusé d’actes de banditisme (vols de bétails, séquestrations contre rançon...). En 1969, un groupe d’anarchistes de Milan nommé le collectif Dioniso s’est formé pour lutter contre les injustices.
Les premières peintures murales apparaissent lorsque le gouvernement décide d’implanter un camp d’entraînement militaire de l’OTAN dans les verts pâturages près du village. Un mouvement de protestation non-violent va naître : la révolte de Pratobello, menée par Giancarlo Celli (1929-1979). Des artistes engagés locaux vont peindre des slogans politiques. Le gouvernement abandonne.
En 1975, un groupe d’architectes de Milan à Pinuccio Sciola, un enseignant en art et peintre originaire de Sienne, Francesco Del Casino, et ses élèves s’associent pour un projet de peinture murale dans le village, profitant de la date du 30ème anniversaire pour honorer la Résistance et la libération de l’Italie du joug fasciste en impliquant la mémoire collective. Puis, un autre peintre d’Orgosolo, Pasquale Buesca et ses élèves et plus tard, un groupe local "Les Api" (les abeilles) continueront la tradition muraliste avec un message politique universel.
Les styles sont variés allant de l’impressionnisme, du cubisme, à la peinture naïve et réaliste. Les techniques de réalisation sont basiques, de la peinture et des vernis à l’eau assez fragiles à l’extérieur. C’était un choix purement esthétique, si l’œuvre faisait l’unanimité et que la communauté en sentait l’exigence, alors elle était récupérée, autrement elle était amenée à disparaître. Des textes sont arborés pour signifier le combat révolutionnaire mené par les artistes. Petite parenthèse, certain. e. s ignorant. e. s qui s’ignorent, donneurs de leçon et de morale, se prennent pour des historiens de l’art, voire des critiques d’art ayant le culot de juger avec un mépris sans borne si une peinture murale est bonne ou pas, sous le prétexte fallacieux qu’une œuvre n’a pas besoin d’explication, donc pas de texte. J’invite ces néophytes à faire un tour d’horizon du côté de tous ces petits villages de Sardaigne, de San Sperate (125 peintures) à Serramanna, en passant par Villamar (45 peintures) et contrairement à ce qu’ils et elles croient, l’écriture et la peinture trouvent là une grande force expressive. Fin de la parenthèse.
La passion politique et sociale des années 60 et 70 est à l’origine des œuvres collectives qui racontent les us et coutumes de la culture des habitants de chaque village. Des sujets sur la Résistance, des scènes dramatiques de la vie des bergers et des paysans sont dépeintes, leurs conditions misérables, leurs luttes pour un lopin de terre, l’exode rural, le droit à l’enfance. Dans les années 70 et 80, les peintures murales décriront les transformations de la société italienne, (de Mai 68, de la guerre, de la bombe atomique...) À Carbonia, Iglesias, Ozieri et San Teodoro, les œuvres murales puisent dans la tradition de la peinture révolutionnaire mexicaine de Diego Rivera, David Alfaro Siqueiros (qui lutta auprès des Républicains espagnols), José Clemente Orozco et d’O’Gorman. Elles s’ouvrent maintenant aux expressions artistiques du Street art, accompagnées de noms célèbres d’artistes tels que Banksy (anglais), Shepard Fairey (étasunien), le duo italien Sten Lex, Inti (chilien), C215 (français) ainsi que Maye, Pantónio (portugais), D*Face (anglais), BToy (barcelonaise), et tant d’autres. Dans tous les villages de Sardaigne la tradition des peintures murales est maintenue en conservant leur caractère populaire et collectif, créant des liens entre les habitants et les visiteurs.
Aujourd’hui, près de 500 peintures murales sont visibles sur l’île pour le bonheur de nos yeux. Une belle révolte en peinture dont les messages peints sur les murs sont une forte identité attachée au peuple.
Juan Chica Ventura - Groupe anarchiste Salvador-Seguí
PAR : Juan Chica Ventura
Groupe anarchiste Salvador-Seguí
Groupe anarchiste Salvador-Seguí
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1 |
le 9 août 2021 13:58:39 par Luisa |
MAGNIFIQUE !!
Merci beaucoup pour cet article plein de lumière !