Colère
article extrait du Monde libertaire n°1804 de mars 2019
Ils crient, ils ont crié, ils ne cessent de hurler depuis ces gestes, depuis ces lacérations qui ne se refermeront jamais. Et personne ne dit rien. Personne ne les écoute. Personne ne les entend. Personne ne veut voir. Les familles se taisent. Même après les mots, même après la révélation, même après cet immense acte de courage qu’il leur faut à elles et à eux pour parler, personne ne dit rien. On minimise, on oublie, on efface, on demande de pardonner. Parce que ces violences se produisent dans le giron de la famille, dans cette sacro-sainte famille, dans le cercle des proches. Il faut sauver les apparences. Comprendre, atténuer, concilier.
Il n’y a rien à concilier, rien à comprendre, rien à sauver. L’entourage n’en est pas un, lorsqu’il détruit des individus, lorsqu’il refuse de les accompagner, lorsqu’il bafoue leur parole et leur intégrité.
Ces viols et ces agressions sont le fait d’hommes et de femmes responsables mais aussi de familles qui se taisent ou qui nient. Votre silence détruit leurs vies autant que les gestes immondes de leurs agresseurs. Votre silence fait de vous des complices.
Une agression sexuelle, commise sur un adulte ou sur un enfant, n’est JAMAIS anodine. Elle porte profondément atteinte à l’individu, l’agresse dans sa chaire, meurtrit son esprit, atteint son estime, le prive souvent de force pour aller de l’avant.
Violences envers soi-même, troubles psychiques, agressivité, comportements à risque (notamment sexuels), auto-mutilation, addictions, crises d’angoisse, troubles du sommeil, isolement.
Les violences sociales se chargent bien souvent de redoubler ces violences physiques, psychologiques et familiales. Abusé.e.s sexuellement, ils et elles seront d’autant plus vulnérables, marginalisé.e.s. Emplois précaires, relations instables, maltraitance, happé.e.s inexorablement par toutes les violences. Après la famille, ce sera au capital de venir les broyer. Les monstres profitent les uns les autres de leurs rebus.
Rien, pas même la famille, ne peut légitimer de passer de telles violences sous silence.
Anarchistes, nous vomissons toutes les structures de domination : l’État, les mysticismes, le capital et la famille.
Odile – Graine d’Anar, Lyon
groupe "graine d’anar" Lyon
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le 17 avril 2019 19:04:59 par une indomptable rebelle |
Merci à Odile pour ce texte. Rien à sauver , pas même la famille, ni les foyers de la DDASS qui tout comme mes géniteurs, leur voisin m’ont aussi volé des années de ma vie. Ces institutions qui demandent aux enfants abusé.e.s, violenté.e.s d’avancer et de faire taire les coups au corps, à son intimité..
Et que dire d’une certaine psychiatrie qui accuse ces enfants de ne pas pouvoir s’en sortir. Enfant je pensais que j’étais coupable alors qu’un. enfant n’est et ne sera jamais coupable de l’inceste, du viol , seul l’agresseur est le monstre qui choisi en toute connaissance de cause d’être dans un rapport de domination violent et plus qu’abjecte qu’est l’inceste, le viol. Un.e enfant ne peut et ne sera jamais consentant.e . Sans consentement, il y a viol.
Ado je pensais que je n’étais rien, je me détruisais pour fuir mes blessures intérieures, pour fuir mon corps. Adulte j’ai pu rencontrer de la bienveillance autour de moi par le biais d’une personne qui a beaucoup compté dans ma vie , et cela m’a permis d’écarter peu à peu les barreaux de la prison de ma propre vie qui m’oppressaient. Elle me disait toujours d’être des amant.e.s de la liberté émancipatrice à tous rapports de domination.
J’ai commencé à lire des auteurs qui parlaient de justice sociale, qui parlaient de la nécessité d’identifier à ses racines ce que sont les rapports de domination, d’exploitation, ce qu’est le patriarcat et le sexisme si profondément ancrés dans la sacro sainte famille, la religion , l’état, le capitalisme . On ne peut pas combattre l’un sans combattre tous les autres , car ces piliers de domination s’articulent les uns aux autres.
Il m’a été difficile de sortir du silence , de l’endoctrinement religieux qui a été le mien, des normes sociales institutionnelles , de ce que les coups au corps, les violences sexuelles ont voulu faire de moi.
Aujourd’hui je vais mieux, mais il m’arrive encore d’avoir des flashs backs, et au travers d’eux de devoir faire face aux monstres froids de mon enfance. Je sais aujourd’hui qui je suis , je n’ai jamais été consentante de quoi que ce soit dans mon enfance. le silence de la famille, la ddass, une certaine psychiatrie ont voulu faire de ma vie une marionnette désarticulée entre leurs mains. Mais je leur ai repris ma vie . Je suis en vie . Ils ne m’ont pas tué. Des enfants qui ont été violenté.e.s, abusé.e.s aujourd’hui ne sont plus là , certain.e.s sont dans la survie . Nous n’avons pas à juger ces enfants, ces adultes qu’elles -ils deviennent , mais à nous asseoir avec elles.eux pour écouter ce qu’elles-ils ont à nous dire et accepter de faire un bout de route ensemble à leur côté, à leur propre rythme .
Aujourd’hui l’oiseau aux ailes blessées prend de jour en jour son envol pour aller là où mes envies d’émancipation à tous rapports de domination me portent. Je continue à me construire , il n’y a rien à reconstruire sur des ruines, tout est à construire en dehors de tous rapports de domination, d’exploitation, tout en étant moi, pas ce que certain.e.s attendent de moi.
J’ai besoin de temps en temps de me poser lorsque mon corps, mon cerveau ont du mal à répondre ou que ce monde de domination m’étouffe.
On ne sort pas indemne d’une enfance abusée , de la violence psychique et physique. Cela n’est pas toujours compris chez certain.e.s militant.e.s. On a comme l’impression que par moment notre vécu dérange , "agresse"... C’est tou.t.e.s ensemble que nous devons abattre tous les rapports de domination et ne pas les reproduire.
Absolument rien ne doit passer sous silence l’inceste, le viol, la violence physique, psychique. Briser le silence, prendre la parole de tout enfant, adulte abusé.e, violé.e. au sérieux, l’accompagner sans aucun jugement pour que demain elle-il puisse à nouveau sentir les rayons du soleil, pour continuer de rêver et cela même dans un monde de domination, ce monde de domination qui dresse des barreaux autour de nos vies dans les prisons du dehors et du dedans.
Continuer à rêver sans cesser d’être ce que je suis, ce que nous sommes contre toutes dominations.