Quand les marxistes contre-attaquent

mis en ligne le 26 juin 2014
Entre élections municipales, pacte de responsabilité, pacte de stabilité, élections européennes, la gauche a été fortement bousculée ce premier semestre 2014. Alors que François Hollande incarnait un retour inespéré du socialisme au pouvoir, ces deux ans de mandat ont fini par faire tomber le masque. Constat amer : la politique gouvernementale n’est pas celle promise, l’abstention se maintient et « l’électorat de la gauche commence à se joindre aux rangs de l’abstention ». Celle-ci pèse de plus en plus sur les résultats électoraux. Pire encore, la « montée » électorale du Front national dont l’électorat glisse progressivement d’un vote contestataire vers un vote de confiance, l’instauration du mépris des « politiciens » et, comme énième claque, l’apparition d’une multitude de collectifs locaux échappant au contrôle de tous les partis politiques et refusant toute étiquette. Cette incompréhension submerge une partie du PS créant ainsi une fracture.

Vers un nouveau front commun de la gauche
La fronde des 41 députés PS contre le pacte de stabilité a dépassé les frontières de l’Assemblée nationale et tente aujourd’hui de dépasser les frontières partisanes. Après la réunion semi-publique du 14 juin dernier, à l’initiative d’Un monde d’avance, un courant du PS, et la rencontre trois jours avant entre des cadres du PS et du PCF rue Solférino, avec l’accord de Harlem Désir, c’est une véritable recomposition du socialisme parlementariste qui pourrait s’opérer dans les mois ou années à venir.
Sur le thème « Comment rassembler la gauche ? », cette réunion semi-publique a réuni les grosses pointures des partis de gauche : des représentants des motions 3 et 4 du PS comme Henri Emmanuelli, Guillaume Balas, Marie-Noëlle Lienemann […], le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, et le secrétaire nationale adjoint d’EELV, David Cormand.
Lors de cette réunion, tous sont partis d’un même constat : un « décès de la gauche » est possible et il y a une « nécessité politique » de rassemblement afin d’éviter que la gauche ne vienne à disparaître. Pierre Laurent a d’ailleurs été très clair à ce sujet : « sa présence n’est pas fortuite » et il y a une volonté de la part du PCF à entrer dans une discussion dans laquelle le Front de gauche aurait son rôle à jouer.
Après quelques échanges d’analyses politiques, économiques et sociales, des lignes se sont précisées dans les discours : constitution d’un front antifasciste à travers un front social, reconquête du terrain perdu dans le milieu associatif et syndical, évocation d’un nouveau « programme commun », d’une « vie République parlementaire » ou d’une « alternative ». […] Bien que cela puisse paraître un peu flou pour le moment, des commissions thématiques entre partis politiques semblent être en voix de constitution.
Même si des complications politiques peuvent intervenir lors de ces négociations et que le paradoxe créé par « la logique institutionnelle entre rassemblement de la gauche et enjeux électoraux existe », l’impulsion initiée semble pour le moment porter ses fruits puisque le 16 juin les représentants des courants présents à ce rendez-vous manifestaient ensemble aux côtés des intermittents. Le lendemain, Pierre Laurent manifestait avec les cheminots. Notons que ce rapprochement rend enthousiaste les militants de gauche, il est donc à suivre de près.

À suivre de plus près…
Cette fracture du Parti socialiste pourrait avoir des conséquences sur le mouvement social et libertaire. Lors de réunions précédentes, Balas et Amirshahi, leaders de la tendance Un monde d’avance, avaient déclaré leur volonté de reconquérir les espaces sociaux et syndicaux perdus. Une véritable entreprise qui risque, dans un premier temps, de se concrétiser par une présence accrue de politiciens dans les manifestations et ensuite par une adaptation des partis politiques aux cadres des luttes autonomes, évidemment, pour mieux les contrôler.
D’autres perspectives, et non pas des moindres, ont également été évoquées comme la constitution d’une Ve Internationale ainsi qu’une rupture avec la Charte d’Amiens et son principe de séparation de la politique et du syndicalisme. Autrement dit, transformer ou former un syndicat ouvertement socialiste.
L’émergence de ce front social entraînerait un rapport de force asymétrique trop important entre parlementaristes et libertaires, avec pour conséquence l’écrasement du mouvement libertaire. Une chose est sûre, dans les mois qui suivent, nous devrons être très attentifs à l’évolution de notre environnement politique. Par ailleurs, cette perspective peu souhaitable repose clairement la question de l’unité, pratique ou organisationnelle, de l’autonomie des luttes et de la place de l’anarcho-syndicalisme dans le mouvement libertaire.

J.S.
CNT-AIT



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


douille

le 16 août 2014
Constat juste, mais après on fait quoi?