14-18 en Australie

mis en ligne le 5 juin 2014
Tout commence bien loin de ce continent des antipodes. La bataille qui met aux prises les forces australiennes et néo-zélandaises (ANZAC), appelées à la rescousse par la Grande-Bretagne, à l’armée turque alliée de l’Allemagne a débuté le 25 avril 1915. Sept mois plus tard, Australiens et Néo-Zélandais plient bagage laissant derrière eux plus de 100 000 morts, alliés et turcs. Parmi eux 8 709 Australiens et 2 721 Néo-zélandais. C’est ainsi que de l’avis général l’Australie est entrée dans le concert des nations !

ANZAC Day
Depuis cette défaite, l’Australie célèbre année après année, le 25 avril, ce souvenir. Dans chaque ville il y a un défilé. Ce sont de vraies fêtes populaires. Il n’y a pas de troupes militaires dans ces défilés, seulement des anciens combattants, leurs enfants, leurs petits-enfants, leurs familles et leurs médailles. Les clubs d’amateurs de voitures anciennes sont mobilisés. Ils vont chercher les anciens qui ne peuvent plus marcher longtemps et les amènent dans le défilé, jusqu’au monument aux morts. C’est l’occasion de voir de vieilles Rolls Royce, Cadillac et autres jeeps, l’une derrière l’autre, avec des mains à la portière saluant la foule. Les établissements scolaires sont présents à travers leurs orchestres. Je n’avais jamais vu autant de joueurs de cornemuse. Parmi les défilants nombre de jeunes gens, parfois très jeunes, arborent les médailles du grand-père disparu. Chaque corps d’armée est représenté par une banderole et quelques survivants. Viennent aussi ceux de la Seconde Guerre mondiale et de celles qui ont suivi dans cette partie du monde, Corée, Philippines, Vietnam et aussi les plus récentes comme l’Irak et l’Afghanistan. On voit ainsi que les forces militaristes n’ont pas besoin d’une victoire pour célébrer leur puissance, chaque occasion est bonne.

Les biscuits de l’ANZAC Day
Depuis plus d’une dizaine d’années on trouve partout de ces biscuits fabriqués en mémoire de ceux que mangeaient les soldats australiens sur leur champ de bataille. Ils sont fabriqués à base de flocons d’avoine, sans aucun goût et durs sous la dent. La question que se pose le touriste est de savoir au profit de qui cette vente est faite. Pour célébrer et adoucir le retour des soldats de la guerre, des associations d’anciens combattants se formèrent dès les années vingt. Elles prirent pour identité le nom suivant Returned and Services League. Ces RSL quadrillent le pays, très en profondeur. Elles ont mis en place des bars pour les anciens, des maisons de retraite, etc. Au cours du temps, vers les années soixante-dix, ces bars se sont ouverts vers l’extérieur comme les autres centres d’accueil, rentabilité oblige. Le sigle ANZAC est devenu une marque protégée. En être propriétaire est synonyme de bonnes affaires. Il est question de jeux d’argent et de vente d’alcool. Quand on demande à l’Australien moyen s’il veut bien acheter un poppy, ce badge en forme de coquelicot qui rappelle le sang versé, il répond qu’il préfère le pokie, c’est-à-dire jouer à la machine à sous des RSL. Ce qui amène le président de la Fédération des RSL de la Nouvelle-Galles-du-Sud, M. Rowe, « à dénoncer le fait que les RSL locales sont plus intéressées à faire du fric avec leurs machines à sous et en vendant de l’alcool à bon marché qu’à servir les intérêts des anciens combattants ».
Il faut dire que les anciens combattants actuels, du Vietnam, Afghanistan, Irak, sont très mal vus dans la population australienne qui pense que, puisqu’ils étaient volontaires pour y aller, ils n’ont qu’à en supporter les conséquences. Pendant ce temps-là dans bien des RSL le fric coule à flots. Plus de 50 millions de dollars ont été générés par les jeux de hasard dans un de ces clubs au sud de Sydney. En 2011 les machines du Merrylands RSL ont fait un chiffre d’affaires de 23 millions de dollars. Rowe avance que moins de 5% des anciens combattants bénéficient de cette manne financière. Ce qui est évidemment contesté par les tenants de ces clubs. Pourtant on peut trouver d’autres chiffres en ligne avançant un revenu de 71 millions de dollars pour la seule année de 2012.
Revenons aux biscuits. C’est une compagnie privée de boulangerie qui a eu l’autorisation de faire ces biscuits. Elle reverse 4% de ses bénéfices aux RSL australiennes et néo-zélandaises. Depuis le début elle a fait 3 millions de dollars de profit. Ces RSL ont mis la main sur toutes les activités autour de la célébration de l’ANZAC Day. Même la minute de silence dépend d’eux !

Et la guerre ?
Dans un pays avec une économie libérale comme l’Australie la guerre est devenue un business comme un autre, en France elle reste un événement sacré. Il suffit de lire les commentaires à propos d’une éventuelle prise en considération des fusillés pour l’exemple. Personne n’ose dire que la guerre de 14-18 était un crime contre l’humanité et qu’en conséquence il faut poursuivre ses auteurs.