Extraits du dernier communiqué du SCI Marcos

mis en ligne le 5 juin 2014
1743zapatistesLe Dimanche 25 mai, vers 2 heures du matin, plus de trois milles miliciens et insurgés zapatistes et environ mille adhérents de la Sexta ont écouté les dernières paroles publiques du sous-commandant insurgé Marcos, de l’Armée zapatiste de libération nationale. Sur l’estrade étaient présents les 6 commandantes et commandants du Comité clandestin révolutionnaire indigène, le sous-commandant insurgé Moisés et le sous-commandant Marcos. Voici quelques extraits de son discours :
« Cette guerre était et est la nôtre, comme celle de beaucoup de personne d’en bas ; une guerre pour l’humanité et contre le néolibéralisme. Contre la mort, nous demandons la vie, contre le silence nous exigeons la parole et le respect, contre l’oubli, la mémoire et contre l’humiliation et le mépris, la dignité, Contre l’oppression, la rébellion. Contre l’esclavage, la liberté. Contre ce qui est imposé, la démocratie. Contre le crime, la justice. »
« La guerre que nous avons menée nous a donné le privilège d’arriver aux oreilles et aux cœurs attentifs et généreux et à des contrées proches ou lointaines, il a manqué ce qu’il a manqué, et il manque ce qu’il manque mais nous avons trouvé le regard de l’autre, son écoute et son cœur. »
« Nous devions reconstruire le chemin de la vie, qui était celui qu’ils avaient détruit et continuent de briser depuis en haut. Le chemin non seulement des peuples originaires mais aussi des travailleurs, étudiants, professeurs, jeunes, paysans. Nous devions tracer de notre sang le chemin que d’autres détournaient vers le pouvoir, ou nous devions renier ce que nous sommes, et ceux qui sont comme nous, c’est-à-dire les peuples originaires, gardiens de la terre et de la mémoire. »
« Notre dilemme n’était pas de choisir entre négocier et combattre, mais entre mourir ou vivre »
« Nous avons choisi de construire la vie, et cela, au milieu d’une guerre. Une guerre qui bien que silencieuse n’en était pas moins mortelle. »
« Peut-être que certains ont pensé que nous nous trompions en faisant ce choix, qu’une armée ne peut ni ne doit œuvrer pour la paix. »
« Nous avons su et nous savons qu’il y aura la mort pour qu’il y ait la vie, nous avons su et nous savons que pour vivre nous mourrons. »
« Au petit matin de la première journée du mois de janvier de l’année 1994, une armée de géants, c’est-à-dire d’indigènes rebelles, est descendue dans les villes, pour avec leur marche secouer le monde. À peine quelques jours plus tard, avec le sang de nos morts toujours frais dans les rues, nous nous sommes rendu compte que ceux de l’extérieur ne nous voyaient pas. »
« Habitués à regarder de haut les indigènes, ils ne levaient pas leur regard pour nous regarder, habitués de nous voir humiliés, leur cœur ne comprenait pas notre digne rébellion. Leur regard était resté sur l’unique métisse qu’ils voyaient avec un passe-montagne, c’est-à-dire qu’ils ne nous regardaient pas. Nos chefs nous ont dit alors : “Ils ne voient que le petit que vous êtes, nous avons fait quelqu’un de tellement petit comme eux, que lui, ils le voient et que par lui ils nous voient !” C’est ainsi qu’a commencé une complexe manœuvre de diversion, un truc de magie terrible et merveilleux, un coup malicieux du cœur indigène que nous sommes, la sagesse indigène défiait la modernité dans l’un de ses bastions, les moyens de communication. C’est alors qu’a commencé la construction d’un personnage appelé Marcos. »
« Nous avions besoin de temps pour exister et pour trouver qui pourrait nous voir comme nous sommes. Nous avions besoin de temps pour trouver qui nous verrait non pas à partir d’en haut, non pas d’en bas, mais qu’on nous voit face à face, qu’on nous voit avec un regard de camarade. »
« Nous lancions une initiative puis une autre, en essayant de trouver le regard et l’écoute dont nous avions besoin et que nous méritions. Parfois, nous avons échoué. Ce fut ainsi jusqu’à la Sixième Déclaration de la forêt Lacandon, la plus audacieuse, la plus zapatiste des initiatives que nous ayons lancées jusqu’à maintenant. Enfin nous avons trouvé des personnes pour nous regarder en face, nous saluer, et nous enlacer ! »
« À l’intérieur l’avancée des peuples avait été impressionnante ; […] nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une génération qui pouvait nous voir de face, qui pouvait nous écouter et nous parler sans attendre un guide ou un leader, sans prétendre à la soumission ou au suivisme. Marcos, le personnage, n’était donc plus nécessaire. La nouvelle étape dans la lutte zapatiste était prête. »
« C’est notre conviction et notre pratique que pour lutter et se dévoiler les leaders ou chefs ne sont pas nécessaires, ni messie ni sauveurs, pour lutter il faut juste un peu d’amour-propre, un soupçon de dignité et beaucoup d’organisation, le reste, soit il sert au collectif, soit il ne sert pas. »
Le sous-commandant Marcos a ensuite énuméré une longue liste de morts, disparus et prisonniers politiques et sociaux du Mexique, d’Italie, de Grèce, de Palestine, de migrants, des États-Unis ou Mapuches. « L’injustice a tellement de noms et les cris qu’elle provoque sont si nombreux. Et n’oublions pas que quand quelqu’un murmure un autre crie. L’écoute doit trouver la route qui la rend fertile. Fini de baisser le regard, et haut les cœurs. »
« Nous voulons la justice, par la recherche obstinée et constante de la vérité. »
« Nous pensons nécessaire que l’un d’entre nous meure pour que Galeano vive. Ainsi nous avons décidé que Marcos devait mourir aujourd’hui. Et dans ces pierres que vous avez laissées sur sa tombe vous apprendrez à ne pas vous vendre, à ne pas vous rendre à ne pas faiblir. […] je déclare qu’arrête d’exister le sous-commandant insurgé Marcos auto-nommé le sous- commandant d’Acier inoxydable »
A 2 h 10, l’ex sous-commandant insurgé Marcos est descendu pour toujours de l’estrade, les lumières se sont éteintes, et on a entendu une vague d’applaudissements des adhérentes et adhérents de la Sexta suivie par une vague encore plus grande d’applaudissements des miliciens et insurgés des deux sexes.


Extraits du dernier communiqué du SCI Marcos