En piqué sur le Grand Ouest : photo du mouvement

mis en ligne le 22 mai 2013
1707NDDLDu côté du pouvoir… Le piège de la commission de dialogue, initiée par le gouvernement pour intégrer les contestataires les plus légalistes, n’a heureusement pas fonctionné… dans la mesure où le principe même de l’aéroport n’était pas sur la table ! Ayant des représentants dans ce gouvernement, seul Europe écologie-Les Verts s’était félicité de cette prétendue ouverture. Niant l’évidence, même s’il compte des militants impliqués dans l’opposition à l’aéroport, ce parti est de fait complice de la répression.
Ainsi, l’apparence de concertation n’a guère freiné l’occupation policière et militaire, ni les arrestations ni les procès. Une personne a passé cinq mois en prison !
Si cette commission a conclu à la justification d’un nouvel aéroport, en revanche elle a émis de grandes réserves concernant ses conséquences écologiques et les mesures compensatoires censées y remédier. Elle préconise une nouvelle étude qui prendrait deux ans, repoussant d’autant la construction. Simple avis, le gouvernement n’est pas tenu de le suivre.
La présence quotidienne policière a été levée le 20 avril. Mais les raisons en sont
obscures. Certains y ont vu une conséquence des réserves émises par la commission de dialogue. D’autres évoquent le redéploiement des forces de police pour les manifestations « sociales » annoncées en mai et juin.
Parti socialiste, UMP, une bonne partie des fédérations PCF, etc. défendent toujours le développement qu’impliquerait, selon eux, le projet d’aéroport.
Passons maintenant du côté des opposants et des diverses tactiques utilisées.

Les « institutionnels »
Même si le qualificatif est artificiel, par « institutionnels » nous entendons la coordination des opposants qui réunit les associations dont la principale est l’Acipa, les organisations non gouvernementales, les partis politiques, les élus et les syndicats opposés à cet aéroport. En réponse aux promoteurs de l’aéroport Grand Ouest, ces « institutionnels » ont effectué un boulot immense, notamment le contre-argumentaire juridique, social, écologique. Ils ont aussi organisé de grands événements durant l’été, avec fresque humaine, élargissant les contributions à la lutte contre tous les grands projets inutiles et à leur nécessaire convergence. Cette perspective a permis de donner au combat à NDDL, limité d’abord à une dimension régionale, une audience nationale et même internationale. Pour autant, ce n’est pas la dynamique capitaliste ni celle de l’État qui est dénoncée.
Grand rassemblement de solidarité et d’affirmation du refus de l’aéroport (40 000 participants), la chaîne humaine du 11 mai n’a pas échappé à la politique du spectacle et donc ne tranche pas avec la société qui a conçu cet aéroport, notamment par la location d’un hélicoptère pour donner des images aux grands médias. Les processus de décision et le budget pour élaborer cette chaîne peuvent aussi être soumis à critique. Avant l’invasion policière, ces « institutionnels » se démarquaient profondément des zadistes et n’hésitaient pas à les critiquer, le squat, les actions directes illégales comportant parfois de la violence… Pour la coordination de la lutte, les zadistes n’étaient pas toujours pris au sérieux, et les décisions prises en commun pas toujours respectées. La répression a effacé ces dissensions mais elles réapparaissent dans certains communiqués. Les élections municipales de 2014 préoccupent les partis politiques… De fait, les grands médias relaient à nouveau prioritairement la parole de ces partis.

La ZAD
Composée de groupes et individus très divers, lieu de vie et d’expérimentations sociales pratiquant le plus possible l’autogestion, c’est le changement de société qu’elle propose qui a généré le plus grand courant de sympathie. Avec la répression, elle a vu affluer un grand nombre de personnes sur la zone. Il n’y a jamais eu autant de monde ! Et donc parfois avec les problèmes que cela génère, d’autant que compte tenu du contexte d’occupation, il n’a pas toujours été simple de transmettre l’historique du lieu, comment on y vit, ce qui y est recherché…
Durant l’occupation policière et militaire, au nez et à la moustache des bleus, de nombreux lieux ont été construits collectivement. Une coordination des différents groupes de la ZAD est même apparue nécessaire, chacun préservant son autonomie. Maintenant que la pression policière est levée, beaucoup aspirent à vivre leur vie, à réaliser leurs cultures pour s’installer dans la durée… tout en continuant la lutte, mais en se préservant un peu du « tourisme militant ». De fait, il n’y a plus de lieu central d’accueil pour les gens de passages ou les nouveaux arrivants. Cet aspect est en réflexion car c’est à partir des liens tissés que s’est constitué un réseau de résistance.

Les « Copains »
Les Copains 1 sont des collectifs de paysans (souvent affiliés à la Confédération paysanne), organisés par département, qui tentent de réfléchir à ce que pourrait être l’occupation des terres libres quand le projet d’aéroport sera abandonné et notamment pour accompagner et pérenniser l’installation de nouveaux paysans sur des fermes à échelle humaine, respectueuses de « l’homme » et de l’environnement. La ferme de Bellevue est la première à avoir reçu son soutien. L’opération « Sème ta ZAD » de mise en culture de la zone, à compter du 13 avril, s’est faite en coordination avec les Copains.

Les comités locaux
Depuis l’arrivée des forces de l’ordre le 16 octobre, des collectifs se sont constitués dans toute la France, et même au-delà. On en dénombre 200 environ aujourd’hui. Ces comités prennent de manière autonome des initiatives, aussi bien pour populariser la lutte contre l’aéroport, récolter des fonds, mettre la pression sur le groupe Vinci (opération péage gratuit) et le Parti socialiste. La lutte, très créative, a remis au goût du jour les pratiques d’action directe, transgressant au besoin la légalité.
Le lieu construit collectivement le 17 novembre, La Châtaigne, est maintenant géré, chaque semaine, par un nouveau comité qui élabore son propre programme.
Un slogan mobilisateur est « La ZAD est partout ». Il peut être compris de deux manières : outre relayer le combat anti-aéroport il sert aussi de références à des luttes locales contre des projets capitalistes et étatiques mortifères.
Au-delà de la pétition, de l’interpellation des élus, et du rassemblement de protestation, les terrains convoités par les pouvoirs sont désormais occupés. Ainsi, vient de s’ouvrir une zone à défendre, dans le bois de Troncay (dans le Morvan) contre un projet industriel d’incinérateur-scierie ne correspondant pas aux besoins locaux et générateur de pollution. D’autres occupent depuis décembre 2012 la ferme des Bouillons à Mont-Saint-Aignan (près de Rouen), achetée par le promoteur immobilier Immochan, et y développent une agriculture alternative. Près d’Avignon également, des terrains sont occupés collectivement à l’issue d’une manifestation pour maintenir une agriculture face à un projet d’autoroutes.

Et maintenant ?
Le gouvernement cherche à l’évidence l’enlisement. Pourtant, la lutte semble réussir à s’inscrire dans la durée et à essaimer. Cette lutte a aussi conduit nombre de personnes à manifester devant le tribunal de Saint-Nazaire en solidarité avec les personnes poursuivies, mais également à écrire aux prisonniers de la lutte.
Le soutien aux emprisonnés n’est pas le plus mince des acquis de cette lutte, sortant le combat anticarcéral de son confinement. Elle montre combien la taule s’inscrit comme outil de contrôle par l’État de la contestation sociale et non comme une prétendue protection de la société.
Pour terminer, savourons ce mot du président PS du conseil général de Loire-Atlantique, Jacques Auxiette : « Chercher à faire en sorte que le gouvernement réussisse sur ce projet, qu’il n’y ait pas de dérapage. Ce n’est pas plus compliqué qu’au Mali ! » « Assumer quand on expulsera. C’est ça l’État de droit. »
Eh oui, c’est cela l’État : la guerre à l’extérieur et… à l’intérieur !

Stef
Groupe Lochu, Vannes












1. Copain : Collectif d’organisations professionnelles agricoles indignées par le projet d’aéroport. (Ndlr.)