Neige en hiver : on aura tout vu !

mis en ligne le 31 janvier 2013
Comment commencer un billet d’humeur enneigé ? Il fait déjà aussi froid dehors qu’à l’intérieur, au point que cette année, même les pointes de stylos bille sont gelées. Évidemment, on n’a jamais vu ça : de la neige en hiver… dix centimètres de neige, quel drame, quelle panique, un avant-goût de fin du monde. Parce que la neige, non seulement c’est chiant pour se déplacer et aller au travail, laisser rouler les TGV, mais en plus par moins zéro elle gèle et elle s’incruste. Il n’y a que les enfants naïfs qui la découvrent pour la trouver drôle. Pour eux, neige égale bonhomme de neige, neige égale boules de neige. Le seul moment où l’on peut se venger des adultes sans qu’ils vous engueulent ! Mais, au fait, la neige c’est fait de quoi ? Et symboliquement, philosophiquement parlant ? Il faudrait mettre le sujet à l’ordre du jour du prochain baccalauréat ! Moi je dirais tout simplement que la neige, ça finit toujours par fondre un jour, alors pourquoi tout ce cirque ? La nature est faite de cycles, tout simplement. Mais, dans ce monde complètement matériel, hystérique de bien-être et de course à la rapidité et la rentabilité, les possédants n’aiment pas que leurs employés aient de bons prétextes pour arriver en retard, voire jouer les absentéistes sous un prétexte fallacieux de difficulté de transports, de risque de chute, etc. Les enfants donc, mais aussi les politiques apprécient le tapis blanc immaculé après une nuit de chute neigeuse. Ben oui, c’est bien pratique et esthétique la neige : d’abord, ça blanchit les trottoirs, mais surtout ça cache la m… Sauf qu’à Paris c’est assez rare la neige. Enfin, en tous cas plus rare qu’il y a deux siècles. Il aurait fallu poser la question à nos camarades communards car, en 1870, il paraît que l’hiver était plus qu’enneigé. À un tel point que Paris n’était plus ravitaillé (encerclé par les Prussiens, puis les Versaillais) et que du coup, très vite, il n’y avait plus de quoi se chauffer et surtout il n’y avait plus rien à bouffer. Les animaux du jardin des Plantes en ont fait les frais et se sont retrouvés au menu des restaurants des Grands Boulevards. La neige a-t-elle eu un rôle politique à jouer dans les événements de la Commune de Paris ? Peut-être un peu. Mais, aujourd’hui, plus de communards, plus de Versaillais à Paris, en revanche, la neige, elle, est bien là. Bon et bien, qu’elle serve alors, au moins d’alibi… Qu’elle recouvre de son beau voile blanc une actualité agressive. Qu’elle paralyse le pays et les baraques en bois des résistants de Notre-Dame-des-Landes, qu’elle recouvre cette guerre au Mali dont déjà on a oublié les tenants, les aboutissants et les dessous sous-jacents… Qu’elle fasse oublier les dizaines de milliers de suppressions d’emplois programmées dans les dernières usines installées en France. Oubliés également les plus de trois millions de chômeurs et précaires. Oubliée la petite vieille qui s’est fait virer (malgré la neige) de sa maison de retraite-mouroir parce que ses enfants n’avaient pas honoré les dernières mensualités. Oubliée cette mère célibataire qui s’est fait elle aussi virer de son « 4 m2 » par un marchand de nuit, parce qu’elle avait deux échéances de retard. Finalement, la neige, dans un pays « paralysé » par les profiteurs de la misère de toute espèce, ça arrange bien des gens, c’est un peu comme la trêve des confiseurs, ça laisse le temps aux dirigeants de trouver comment emberlificoter le bon peuple pour mieux le tenir en laisse ! Et surtout, ça en fait couler de la salive et de l’encre dans les médias : quelle mobilisation, pour le coup ! *










*. Le parti-pris météorologique des médias aux ordres n’a pas échappé non plus à notre excellent confrère Le Canard enchaîné. Ainsi peut-on lire dans les colonnes de son numéro du 23 janvier 2013 : « Manifestement, le Jité de TF1 est entré en guerre contre… les intempéries. Dimanche soir (20/1), Claire Chazal a consacré pas moins de 22 minutes à la neige dans son 20 heures, battant ainsi haut la main l’autre plus grand journal télé de France, celui de Laurent Delahousse sur France 2, qui n’a fait ‘‘que’’ 16 minutes sur la météo. » Et le palmipède de conclure finement : « Il va bien finir par neiger en Algérie et au Mali ».