Tragédie grecque : la santé des Hellènes en crise

mis en ligne le 24 novembre 2011
1652JhanoLe récent remplacement de Georgios Papandréou par Lucas Papademos au poste de Premier ministre du gouvernement grec illustre de manière éclatante la main mise grandissante de la finance européenne sur les États mauvais élèves de la zone euro. Papadéemos, comme son comparse l’Italien Mario Monti, tous deux anciens employés de la Banque centrale européenne (BCE), est sommé par ses patrons de mener jusqu’à son terme le plan de démantèlement de l’état social grec et de faire payer par le peuple, accusé de tricherie et des pires maux 1, l’ardoise contractée par les gouvernements successifs auprès des marchés rapaces. Baisse des salaires et des retraites (jusqu’à 30 % en moins !), augmentation des taxes (100 % d’augmentation du coût de l’essence et du fioul, 50 % sur l’électricité et le gaz !), avec entre autres conséquences la fermeture de 30 % des quelque 165 000 commerces d’Athènes et l’explosion du chômage : voilà la réalité de ce plan d’austérité, jugé nécessaire, difficile, mais juste par nos éminents commentateurs. La baisse de l’activité commerciale et industrielle due à ces coupes réglées entraîne mécaniquement la diminution des rentrées fiscales escomptées et censées permettre le remboursement de la dette. Le remède est pire que le mal ! Quels sont les conséquences de ce terrible plan d’ajustement structurel pour la santé de la population grecque ? C’est le sujet d’un excellent article paru le 22 octobre dernier dans la revue médicale anglaise The Lancet, une des plus prestigieuses et des plus reconnues dans son domaine : à coté de publications purement scientifiques, cette revue publie régulièrement des articles ayant trait aux aspect sociaux et politiques de la santé, comme par exemple les conséquences pour la population de la guerre en Irak ou la situation sanitaire en Palestine. Les auteurs de cet article 2 ont mené une enquête en 2009, alors que la crise venait de s’installer de manière durable et effective. Ils ont questionné plus de 15 000 Grecs, selon une méthodologie rigoureuse et scientifique, et ont comparé les résultats de cette enquête avec ceux d’une enquête analogue menée en 2007, avant l’éclatement de la crise de la dette. Ils ont aussi consulté les données rapportées par les organisations non gouvernementales, les rapports médicaux grecs et européens et les données de différents observatoires de santé.
Que nous montre cette enquête ? Tout d’abord, une augmentation de 15 %, entre 2007 et 2009, du nombre de Grecs qui renoncent au soins médicaux ou dentaires, pas uniquement pour des raisons de coûts, mais aussi pour des raisons d’allongement des délais d’attente lié à la demande plus élevée et la diminution de l’offre de soins. Les réductions budgétaires, atteignant 40 %, affectent profondément les fonctionnement des hôpitaux, ce qui se traduit par des suppression de postes, et des conditions de prise en charge de plus en plus difficiles. Ces difficultés n’épargnent pas non plus le secteur privé, bien que celui-ci ne soit pas aussi développé qu’en France. Et malgré cela, il y a eu une augmentation des admissions à l’hôpital, qui traduit un état de santé général dégradé, en rapport direct avec la crise économique. À la question « que pensez vous de votre état de santé ? », il y a une augmentation de 14 % des réponses pessimistes entre 2007 et 2009. Le taux de suicide, qui traditionnellement en Grèce est plus bas qu’en Europe du Nord, a bondi et augmenté de plus de 25 % en deux ans, et même plus 40 % au premier semestre 2011 par rapport à la même période en 2010, selon les chiffres du ministère grec de la santé. Ces données, encore une fois, nous rappellent le lien très étroit qui relie l’état de santé d’une population à ses conditions d’existence.
Dans une société en proie à l’accroissement des inégalités, le stress et l’angoisse qui découlent des situations d’incertitude devant l’avenir ont des répercussions directes et importantes sur le bien-être physique et mental des individus. Comme le dit l’épidémiologiste anglais Richard Wilkinson : « L’égalité c’est la santé. 3 »






1. Voir l’article crapuleux de Caroline Fourest, parudans Le Monde du 17 septembre 2011 et disponible sur son blog : « Les Grecs sont-ils des salauds ? »
2. « Health effects of financial crisis : omens of a Greek tragedy », The Lancet du 22 octobre 2011, disponible en accès libre et gratuit (en anglais) sur le site internet : thelancet.com
3. Richard Wilkinson : « L’égalité c’est la santé », éditions Démépolis, 2010.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


julien bézy

le 25 novembre 2011
La manière dont ont été nommé le premier ministre grec et italien est un déni de démocratie. Oui ce que veut les grandes instances financière c'est la mort du social, la mort tout court du petit peuple