La Chute du Mur (partie 2)

mis en ligne le 12 novembre 2009
Les anars en URSS de 1921 à 1937

Après 1921, toute propagande anarchiste est sévèrement réprimée mis à part quelques exceptions tolérées par le régime pour se donner une image « libérale » : les librairies et les éditions « Golos Trouda » de Moscou et Petrograd, la « Croix Noire » et le musée Kropotkine. Mais il y a encore quelques tentatives d’activité clandestine qui seront rapidement découvertes par la Tcheka. Les dernières traces de groupes clandestins ne dépassent pas 1 925. Quelques-uns ont agi en 1922 et en 1923 à Petrograd et Moscou. En 1924 un autre groupe anarchiste assez actif existe encore à Petrograd parmi les ouvriers, mais il doit cesser son activité quand son existence est découverte. Dès 1925, la propagande clandestine est le fait d’individus et non de groupes. Cette très faible propagande semble avoir eu des résultats. La vague de grèves qui secoue Moscou et Petrograd en août et septembre 1923 est due en grande partie aux mencheviks, mais dans plusieurs cas aux anarchistes.
Si les institutions anarchistes tolérées nommées plus haut ont encore une petite activité légale et si elles sont maintenues, c’est que le régime y trouve son intérêt. Elles n’existent qu’à Leningrad et Moscou, vitrines de l’URSS vers l’étranger. En province rien n’est possible, la littérature anarchiste tolérée à Moscou y est interdite. Mais ces institutions légales vont peu à peu, avec l’affermissement du pouvoir de Staline, devenir inutiles. La « Croix Noire » est dissoute en 1925 et ses principaux animateurs sont emprisonnés. Les librairies de Moscou et Leningrad sont fermées en 1929, au cours d’une vague d’arrestations qui frappe les milieux anarchistes. Le musée Kropotkine ferme en 1938, à la mort de sa veuve.
Quand les communistes exploitent l’affaire Sacco et Vanzetti pour leur propagande antiaméricaine, certains anarchistes russes dénoncent cette manœuvre du régime. L’anarchiste Warchavski est emprisonné car il possède des brochures qui dénonçaient cette exploitation. Nicolas Beliaief, anarchiste déporté au Turkestan se retrouve en Sibérie pour avoir protesté parce qu’un camp d’aviation militaire de la région avait été baptisé de leurs noms. Il a dû y avoir de nombreuses autres actions individuelles, comme celle d’Ivan Kologriv, un docker anarchiste condamné en 1930 pour agitation antimilitariste.

Dans les prisons et dans les camps
Du fait du système répressif mis en place par les communistes, la plus grande partie des anarchistes actifs s’est retrouvée en prison, en déportation ou en relégation. Et là ils ont continué à lutter. Ils vont participer, avec les courants socialistes de la Révolution, socialistes révolutionnaires et sociaux-démocrates, à la lutte pour conserver les avantages du statut de prisonnier politique hérité du tsarisme : pas de travail forcé, correspondance libre, circulation libre dans le camp à toute heure du jour et de la nuit.
En décembre 1923, alors que l’archipel des îles Solovki est coupé du reste du monde par l’hiver, quelques avantages sont supprimés : limitation de la correspondance et d’autres petites choses et surtout interdiction de sortir des bâtiments après six heures du soir. En guise de protestation, des volontaires socialistes-révolutionnaires et anarchistes doivent sortit dès le premier jour après six heures. Mais avant même l’heure du couvre-feu, les soldats tirent sur les prisonniers qui se trouvent dehors. Il y a six morts et plusieurs blessés. Mais après cet « incident », le régime politique est maintenu. Fin 1924, de nouvelles menaces pèsent sur le statut politique. Toutes les fractions politiques s’entendent de nouveau pour demander l’évacuation de l’archipel avant l’arrêt de la navigation sinon une grève de la faim collective aura lieu. Moscou repousse l’ultimatum et la grève commence. Toutes les personnes valides la font. Après quinze jours, des dissensions apparaissent. Un vote secret se prononce pour l’arrêt de la grève. Ce n’est pas une victoire, mais ce n’est pas une défaite : le régime politique est maintenu.
Au printemps 1925, les Solovki sont évacuées. Les anciens (délégués) sont internés à l’isolateur de Verkhné-Ouralsk. Les attaques contre leurs « libertés » se font plus précises : la circulation entre les cellules est interdite, les anciens sont réélus mais ils ne peuvent plus entrer en contact avec les autres cellules. Vers 1928, une autre grève de la faim a lieu. Mais l’atmosphère n’est plus la même que pour la précédente, et après un passage à tabac des grévistes par les gardiens, le mouvement s’arrête.
La dernière grève de la faim collective des prisonniers politiques des Solovski aura lieu début janvier 1937 à l’isolateur de Iaroslav. Après 15 jours de grève, ils sont nourris artificiellement. Ils obtiennent quelques avantages qui leur seront repris en quelques mois. C’est la dernière manifestation collective des anarchistes, des socialistes-révolutionnaires et des autres socialistes emprisonnés après la révolution. Les purges staliniennes décimeront ces vétérans.