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par Jean-Yves le 14 avril 2020

A la caisse malgré le COVID19

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Témoignage

Nous publions, et publierons, des témoignages de personnes qui travaillent malgré le confinement, le covid-19 et le mal être qui en découle. Ces témoignages ont été recueillis par le groupe Graine d’Anar de Lyon. Merci à lui.




A la caisse malgré le COVID19
Après 10 jours d’arrêt pour cause de dos fragile, me voilà de retour au travail, le 24 mars.. Soit 1 semaine après la déclaration de confinement.
Évidement avant d’y retourner une multitude d’émotions, d’idées passent par la tête.
Continuer mon arrêt quitte à simuler ? Peur de chopper le Covid ! Peur de le refiler à mes clients et clientes les plus âgé.es, les plus fragiles…
Retourner au taf parce que les gens, toi, moi, avons besoin de bouffer et donc d’acheter de quoi faire ?!
Oui, je suis vendeur de fruits et légumes dans un petit magasin de quartier (qui fait partie d’une chaîne régionale, avec un bon patron de merde, violent etc… Mais là n’est pas le sujet).
Donc de la bouffe, il en faut. Alors je décide de retourner au taf, avec à l’esprit que s’il manque des dispositions de sécurité sanitaires, je ne ferai pas long feu. Il est clairement hors de question que je me sacrifice pour la nation, la grandeur de la France… Les bénéfices de mon patron.
À ma grande surprise des choses ont été faites (limitation à 5 clients en même temps dans le magasin, masques chirurgicaux (même si leur utilité est minime mais peut-être pas à minimiser), gants, gel hydro alcoolique, tracé tous les 1 mètre près de la caisse.
Malgré cela je décide de tracer tout le magasin, les clients ont aussi le droit d’avoir des repères et pas que moi et ma sécurité. J’établis aussi physiquement un périmètre d’un mètre autour de la caisse.

Quelques jours plus tard, sera aussi fixée une paroi en plexiglas devant la caisse.
Alors super tout va bien!
Malheureusement non. Quand mon taf est d’être proche des gens, de les accompagner dans les rayons, de causer avec eux, d’avoir un vrai rapport de proximité avec eux, faut pas se mentir, tous ces dispositifs bien que « sécuritaires » amènent inconsciemment des sentiments de peur, tout cela est anxiogène.. Et ça tape sur mon système. Sans même que je m’en rende compte !
Ajouter à cela le boulot, la charge de taf en plus et me v’la servi!.
Quid des bénéfices des grandes enseignes ? Quid des bénéfices des petites chaînes régionales ?
Ah oui, parce que s’il y a des perdants, des précarisés par ce virus, d’autres, des patrons, se gavent.

Et pendant ce temps là, moi, dans mon fort intérieur, je flippe… Une part d’irrationnel c’est certain, mais quand même, c’est un fait.
Ai-je mis assez de distance ? Ai-je bien désinfecté mes mains ? Et quand je vais fumer, ma clope, sortie de ma poche, n’est-elle pas infectée ?
Et le masque, vu que chirurgical, il ne me protège pas… Pour autant, je peux protéger les autres… Oui, mais je n’ai aucun symptôme…Oui, mais je peux être asymptomatiques et filer le virus en rendant la monnaie…En tendant les sacs avec les aliments dedans…. Et puis voir des dizaines de clients, gantés, masqués, dans un commerce de proximité, on ne peut pas dire que ce soit apaisant.
Et vas-y que j’essaie moi aussi de rassurer les gens…je tente de mettre de la raison.. parler de la distance avec les clients… Leur rappeler de laver tous leurs fruits et légumes en rentrant chez eux…
Et dans tout cela il y a aussi les clients et clientes qui me remercient d’être là, qui me disent de faire attention à moi. Oui, il y a aussi de la bienveillance que je pense sincère.
Et puis il y a ceux et celles qui me disent, après leur avoir dit qu’on se retrouve avec une charge de travail de dingue, « mais au moins y’a du boulot, c’est positif pour vous »…et je me sens obligé de leur rappeler que c’est mon patron qui va s’en mettre plein les poches, que si on fait 2.5 fois les chiffres d’affaires quotidien hors épidémie, on les fait avec le même effectif ..; et que donc s’il y en a bien un qui se gave, c’est mon patron !
Bref, le salariat, en temps de crise ou non, c’est toujours pareil, il y a ceux et celles qui se tuent à la tâche et il y a le patronat… Il y a les donneurs d’ordres et les exécutants…
Il y a ceux qui se font remplir les poches et ceux et celles qui les leurs remplissent…
PAR : Jean-Yves
Groupe Graine d’Anar Lyon
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