Les articles du ML papier > Identités, la bombe à retardement – Jean-Claude Kaufmann
Les articles du ML papier
par Odile le 20 mai 2019

Identités, la bombe à retardement – Jean-Claude Kaufmann

Lien permanent : https://monde-libertaire.net/index.php?articlen=4041

Article extrait du Monde libertaire n°1805 d’avril 2019



Petit livre de 77 pages nous entraînant dans la notion d’identité particulière absconse actuellement.
L’auteur, en préambule, nous avertit sur l’erreur d’assimiler le processus identitaire à des questions religieuses, vestimentaires, régionales ou autre : « C’est le cœur du fondamentalisme identitaire qui est de nature religieuse ( entre autre), quelles que soient les formes qu’il prend.»
En effet, pour l’auteur, il serait illusoire de circonscrire cette notion d’identité à des items conceptuellement inadaptés.
Il décrypte cette adhésion erronée par l’absolu nécessité pour ses thuriféraires de combler un vide existentiel abyssal, de consolider une personnalité, indécise, fragile, en détresse, par des étayages rigides lui permettant provisoirement d’exister.
Il en est de mème pour ces projections égotiques, à laquelle nous assistons dans nos sociétés, dans ces gémellités identificatoires au processus économique national et international. Ce ne sont que pures illusions.
Pour l’auteur, notre construction identitaire ne se limite pas à quelques artefacts. Elle relève de l’Être, d’un long cheminement psychique très complexe.
N’en déplaise aux institutions étatiques .
Notre individualité se façonne, non pas à l’aune de la « carte d’identité », mais d’une vie riche.
L’auteur rappelle que ce document administratif, issue d’un long processus de « modernité » occidental, avec sa cohorte bureaucratique, remontant au 18ième siècle, est fils et frère d’un mouvement historique propre à l’Occident, qui, à son aboutissement, instaura en France - en 1940 sous le régime de Vichy - cette forme de fichage des individus mais aussi aussi le recensement national et les statistiques afférentes.
Depuis, la population homogénéisée, diluée dans une institutionnalisation illusoire, dépourvue de ses individualités, n’existe que sous la forme d’un tout compact, stratifié, rigidifié, en particulier depuis les années 1960 date de sa création ; que sous celle d’un individu social, facilement gérable par les pouvoirs politiques en place.
Cette dilution dans des concepts identificatoires figés, laïques ou pas, ne laisse aucune latitude à nos particularismes, d’où l’émergence de la tentation de la différenciation, particulièrement par les armes et le crime, et son corollaire, à savoir sa visibilité extrême qui répond à un paradoxe immanent de nos sociétés dites modernes : « Chacun fait ce qu’il veut mais...». Langage on ne peut plus clivant qui ne peut qu’impacter les individus démunis personnellement et sociétalement et, à terme, que fragilisé notre toute relative sécurité occidentale.

Or , l’auteur déconstruit ce schème de pensée en définissant les identités comme volatiles et incertaines. Il nous incite à rester vigilant.e.s. face aux 3 erreurs coutumières de l’interprétation de l’identité , à savoir son historicité ancrée dans nos « racines », sa confusion entre des particularités administratives et le sens profond de la vie, et de sa fixité erronée.
Il nous livre une approche du concept de l’identité bien plus proche de notre vécu : « L’identité est ce qui ferme le sens et créé les conditions de l’action. Le processus identitaire est une modalité particulière de la subjectivité à l’œuvre , consistant à fabriquer à chaque instant une totalité significative. »
En clair , l’individu se construit, à partir de son milieu d’origine,et se déconstruit tout au long de sa vie au contact des situations,des rencontres inédites qui jalonnent son existence, l’obligeant à un remodelage de son identité propre, toujours flottante et ouverte à tous les possibles correspondant à son cheminement.
Ce texte, cruellement actuel malgré ces 4 ans d’existence, se veut donc un avertissement quant aux « ismes » qui s’expriment dans nos sociétés moribondes, mortifères, capitalistes qui dépouillent l’individu de son intériorité, la marchandise et le transforme en objet privé de toute substance, incitant certain.e.s, à se la réapproprier, ou se la créer par la violence.

Odile Individuelle Seine et Marne.

Identités, la bombe à retardement (nouvelle édition) Jean-Claude Kaufmann .
77 pages.. Éditions Textuel. Réédition 2015.
PAR : Odile
Individuelle Seine et Marne
SES ARTICLES RÉCENTS :
Coronavirus ou l’autoritarisme hygiéniste
Petites histoires d’amour dans la chaleur de nos foyers
Réagir à cet article
Écrire un commentaire ...
Poster le commentaire
Annuler