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par Association de Réflexion et d’Information Fernand Pelloutier le 6 janvier 2020

Syndicalisme et laïcité

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Article extrait du Monde libertaire n° 1812 de décembre 2019
Des événements se multiplient qui doivent faire réfléchir les syndicalistes que nous sommes, sur ce qu’est la laïcité dans notre société. Est-il possible encore aujourd’hui de débattre de ce qu’elle incarne sans être traités de « laïcards » sectaires, d’antisémites ou d’islamophobes ?

Quelques exemples

- En janvier 2018, SUD étudiants soutenu par sa fédération et accompagné de l’UNEF censure à la Sorbonne une pièce de théâtre tirée du livre de Charb Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes . Ce n’était pas le contenu de la pièce qu’ils condamnaient mais la crainte du débat qui devait suivre.
- En 2018 toujours, une femme portant le hijab est élue à la tête de la section UNEF de Paris IV à la Sorbonne avec l’assentiment de la direction nationale de ce syndicat étudiant sans que cela ne gêne les adhérents sauf une partie d’entre eux qui ont d’ailleurs démissionné depuis.
- Le Planning familial de l’Isère défend les pro-burkini de Grenoble car selon lui, l’interdire stigmatiserait un groupe de personnes. Il ajoute « Ce serait dans l’intérêt de toutes de porter un maillot de bain selon ses choix, ses envies, son genre, son degré de pudeur ». Il fut un temps où la pudeur était perçue comme une bigoterie relieuse à dénoncer !
- Dernièrement, la dessinatrice allemande Franziska Becker a été accusée d’islamophobie et de racisme par un groupe féministe, sous prétexte d’avoir réalisé des caricatures démontrant son rejet du voile et sa critique acerbe de la misogynie au sein de l’islam et du christianisme.

Chez les cathos

Quant aux catholiques, leurs convictions inébranlables les ont amenés à de multiples exactions au cours des siècles. Les missionnaires chargés d’évangéliser les peuples autochtones en Afrique et en Amérique du Sud ont largement favorisé la colonisation et l’esclavage. Il y a quelques années encore, les curés étaient en charge de colonies de vacances, de clubs de sport. Nous nous sommes aperçus plus tard que certains ont commis des agressions sexuelles aux conséquences irréparables pour les jeunes victimes. A l’époque, les écoles catholiques s’appelaient paradoxalement les « écoles libres », libres d’apprendre le catéchisme et d’imposer la prière… Aujourd’hui, elles sont devenues des écoles sous contrat financées par l’État au même titre que les écoles publiques, ce qui pose question dans un État laïque. Les manifestations organisées par « la manif pour tous » composées d’intégristes, d’homophobes, de rétrogrades, tentent de nous ramener aux siècles passés. La loi Veil du 17 janvier 1975 sur la dépénalisation de l’avortement, obtenue grâce à une forte mobilisation est de plus en plus contestée. Des médecins, pratiquant ces actes deviennent réticents, étant pris à partie régulièrement, d’autres font valoir une clause de conscience pour ne pas appliquer la loi. Le Planning familial se voit réduire régulièrement ses subventions, ce qui ne permet plus de répondre à toutes les femmes désorientées désirant avorter. Il y a bien lieu de craindre que cette loi soit remise en cause si nous ne sommes pas vigilants à la défendre.

Définissons

Avant de poursuivre l’analyse, il est bon de reprendre le sens des termes employés à tort et à travers comme antisémitisme, antisionisme, islamophobie.

- L’antisémitisme : doctrine ou hostilité systématique à l’égard des juifs. Cela nous le condamnons sans ambiguïté, car l’histoire est là pour rappeler ce que les fascistes en ont fait et sont toujours prêts à reproduire.
- L’antisionisme : opposition à un courant mystique devenu politique de nationalité avec expansionnistes et colonialistes auquel se livre l’État d’Israël en Palestine depuis sa création en 1948. La constitution d’un État juif est en réalité plus ancienne puisque dès 1901 elle avait débuté par le rachat de terres aux palestiniens. Nous pouvons être antisionistes sans pour autant être traités d’antisémites, n’en déplaise à monsieur Finkelkraut et à une poignée de commentateurs de presse qui pratiquent allègrement cet amalgame honteux. Dans la polémique antisémitisme – antisionisme on oublie presque tout le temps la voix, les écrits des camarades du BUND [note] ; elles et ils habitaient un pays que l’on peut comparer à l’Atlantide ! Il s’agit du Yiddishland un grand bout de la Pologne, de la Russie, des Pays Baltes et au-delà… Ils parlaient le yiddish, langue qui s’opposait dans les faits à l’hébreu, langue « sacrée » du peuple juif. L’exemple le plus marquant est l’hebdomadaire anarchiste (1890) Freie Arbeiter Stimme (La voix des travailleurs libres) qui existera jusque dans les années 1970. Donc une presse prolifique qui dès le début s’oppose aux thèses sionistes du « retour à la terre promise ». Ils s’opposaient à la droite nationaliste polonaise et au sionisme ayant pignon sur rue. « Mal vus » par les bolcheviques, leurs écrits ont été passés sous silence… Taxés d’anarchisme, de syndicalisme, ils ont par la suite [note] été exterminés par le nazisme. Cette voix discordante est passée aux oubliettes et cela est plus que dommage !
- L’islamophobie : étymologiquement peur ou crainte de l’islam, mais le sens a été déformé vers la notion d’hostilité envers l’islam et les musulmans. La définition de ce terme né dans la 1ère moitié du XXème siècle varie suivant les milieux et les époques.

Fondamentalismes

Les fondamentalistes politiques, religieux ou scientifiques ont une matrice similaire : ils considèrent leurs interlocuteurs non comme d’indispensables et légitimes contradicteurs mais comme une incarnation du mal.

Fait-on preuve d’islamophobie quand nous sommes en colère après les attentats commis par certains salafistes ou radicaux qui ont décimé l’équipe de Charlie Hebdo en janvier 2015, puis la tuerie du Bataclan, des terrasses parisiennes et celles qui ont suivi partout en Europe et dans le monde ? Le radicalisme gagne du terrain et ce dans toutes les religions. Il fait le bonheur du Rassemblement national et de ses amis qui prônent le culte de la souche, de la pureté de la race, de l’ancêtre gaulois qui n’est ni brun, ni noir, ni sans-papiers. Un rapport parlementaire vient de paraître qui fait état d’un processus de radicalisation dans tous les secteurs mais il oublie les atteintes multiples à la laïcité, le prosélytisme religieux qui se répand. Ce phénomène n’est pas nouveau et ce n’est pas un hasard s’il s’exprime en particulier autour des établissements scolaires afin d’ébranler leurs valeurs universalistes et laïques.

Naïveté, manque de courage, abandon..


Dans leur livre intitulé Inch’Allah, l’islamisation à visage découvert paru en 2018, les journalistes Fabrice L’Homme et Gérard Davet confirment que l’islamisation fait son chemin sans entrave. En Seine-Saint-Denis, SUD éducation organise des réunions dites « racisées » ou non mixtes pour un débat sur le racisme comme si nous n’étions pas capables d’en discuter collectivement. Par naïveté, manque de courage ou électoralisme, les politiciens évitent d’intervenir de manière franche sur ces questions. Certains d’entre eux cèdent à la pression et répondent favorablement aux revendications telles que des repas différents dans les cantines, l’ouverture de salles de prière (dont une à la Sorbonne) ou bien d’admettre le refus des femmes d’une consultation par un médecin de sexe masculin, des horaires différents pour les hommes et les femmes dans certaines piscines, etc.

C’est leur culture, nous dit-on ! Nous avons désormais tendance à confondre culture et culte. La culture c’est la liberté de penser par soi-même, l’ouverture d’esprit à la philosophie, aux arts tels que la peinture, le dessin, la musique…, l’échange, le débat avec ses congénères. Le culte, c’est l’emprisonnement intellectuel, l’asservissement, la dévotion à des textes établis depuis des millénaires, en évitant soigneusement de se poser des questions. Quel contraste avec la situation de toutes ces femmes qui se battent contre l’oppression subie en Afrique du Nord, en Iran, en Afghanistan et ailleurs et pour se débarrasser de toutes les contraintes qu’on leur impose. Nul besoin de tous ces accoutrements (kippa, voile, burqa, croix, soutane, cornette, burkini…) sinon pour faire la démonstration de son appartenance religieuse auprès des autres. A force de propagande et d’autocensure les athées devront bientôt se justifier sur leur incroyance et leur insoumission à tel dieu ou tel maître.

Il est courant d’associer le racisme à la critique des religions. Le racisme est avant tout une théorie de la hiérarchie des races qui conclut à la nécessité de préserver la race dite supérieure et à son droit de dominer les autres. Les actes antireligieux sont commis de manière générale par des individus appartenant à une autre religion. On ne peut donc pas les assimiler à des actes racistes.

La résurgence du phénomène religieux est concomitante avec l’abandon de la lutte des classes par les syndicats. Le syndicalisme réformiste a négocié à la baisse bon nombre d’acquis avec le patronat. Ceux qui sont attachés à la Charte d’Amiens (1906) qui prônait une lutte sans concession vis-à-vis des exploiteurs et la grève générale comme arme indispensable pour obtenir la satisfaction des revendications de la classe ouvrière à travers son émancipation intégrale, doivent s’attacher à reprendre le combat. C’est la seule alternative au désarroi actuel des exploités : un syndicalisme d’action directe. Il n’est pas de sauveur suprême, ni dieu, ni maître, ni tribun.

Extrait de la Charte d’Amiens par Griffuelhes et Pouget au congrès de la CGT juste après le rassemblement des Bourses du travail avec la CGT :

« Le Congrès déclare que (…) tous les travailleurs, quelles que soient leurs opinions ou leurs tendances politiques ou philosophiques, ont un devoir d’appartenir au groupement essentiel qu’est le syndicat. Comme conséquence, en ce qui concerne les individus, le Congrès affirme l’entière liberté pour le syndiqué de participer, en dehors du groupement corporatif, à telles formes de lutte correspondant à sa conception philosophique ou politique, se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le syndicat les opinions qu’il professe au dehors. »

Les religions protégées par tous les pouvoirs politiques quels qu’ils soient ne servent qu’à faire accepter aux peuples leur condition misérable. La laïcité ne se marchande pas !
A bas la calotte, vive la Sociale !

Association de Réflexion et d’Information Fernand Pelloutier
Bordeaux, août 2019


PAR : Association de Réflexion et d’Information Fernand Pelloutier
Bordeaux
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