Chronique de l'école caserne

mis en ligne le 10 février 2007

Portique de détention d'armes, caméras vidéo de surveillance... l'école va bien ! Demandez aux enseignants de Seine-Saint-Denis, aux élèves, aux collégiens, aux lycéens... Ils ne vous diront pas le contraire : c'est un plaisir d'être scolarisé !

Après Vigipirate aux portes des établissements scolaires, ça va être maintenant Vigipirate intra muros ! Ségolène Royal et Claude Allègre, les mammouths en chefs de l'Éducation nationale, viennent de réclamer à Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, de «mettre en place un dispositif de contrôle approprié» dans les collèges et les lycées (Le Monde du 2 avril 1998). Ségolène Royal qui n'hésite pas à comparer l'école avec un supermarché propose même d'organiser des fouilles : «je ne vois pas pourquoi on fouillerait à l'entrée de certains grands magasins et pas à l'entrée des établissements scolaires où il y a eu des signalements de détention d'armes.» (France 2, le 5 avril 1998)

Dans les Hauts-de-Seine, à Bagneux, au Collège Henri Barbusse, S. Royal a été devancée. Le 24 mars dernier, pour le vol d'une clé, une dizaine d'adolescents se sont retrouvés «totalement nus» pour une fouille, «peut-être un peu virile» a concédé un témoin...

À ce rythme là, dans la hiérarchie carcérale, l'école aura toute sa place entre la caserne et la prison. Mais est-ce bien nouveau ? Quand on y regarde de près, l'école n'a rien à envier à la société dans laquelle elle tente de survivre. Elle n'en est que le triste miroir... Et depuis Jules Ferry... c'est toujours d'actualité !

Comment franchement «former des citoyens avec des pratiques de sécurité et des fouilles systématiques ?» Comment franchement envisager une école de la liberté, de l'égalité et de la fraternité dans un tel contexte ?

Pis : n'y a-t-il pas tromperie sur la marchandise quand certains collaborateurs du ministre de l'Éducation nationale, Philippe Mérieu en tête (le «Monsieur plus» des lycées) en appellent à la pédagogie Freinet ou institutionnelle avec la mise en ordre sécuritaire de lieux déjà bien enrégimentés ?

Si l'école «doit faire sa révolution» (dixit Mérieu) elle ne pourra pas la faire seule ! Violences, drames, exclusions, échecs... l'école n'en a hélas, pas le monopole. Voir s'y installer, comme dans les supermarchés, les prisons, les usines l'intendance sécuritaire n'a rien d'étonnant.

L'État capitaliste a ce qu'il mérite : une école à son image. L'État a ce qu'il désire : une école à sa botte.

Chronique de l'École caserne est le titre d'un ouvrage de Fernand Oury et Jacques Pain.