Le Grand Paris du sport : Arenas et projets territoriaux

mis en ligne le 23 avril 2015

1773OlympicAprès deux défaites de sa candidature à l'organisation des Jeux olympiques (JO) de 2008 et 2012, Paris se prépare à candidater pour accueillir ceux de 2024, cent ans après les avoir organisés pour la dernière fois. Cette fois-ci la candidature sera métropolitaine. Elle nécessite et justifie une politique de construction d'infrastructures sportives au profit de l'économie du sport de haut niveau et qui s'inscrit dans un processus de métropolisation dont les effets nuisibles en sortiront renforcés.
Les grandes manœuvres pour construire une candidature du Grand Paris aux Jeux Olympiques de 2024 ont commencé. L'échéance du dépôt des dossiers auprès du Comité international olympique (CIO) est fixée à septembre 2015. Bien que désapprouvée par Jean-Claude Killy, ancien membre du CIO, la candidature à la candidature a reçu un large soutien. « L'accueil des Jeux olympiques constitue le Graal en matière de grand événement », rappelait la ministre des Sports Najat Vallaud-Belkacem, le 17 avril 2014, lors du conseil d'administration du Comité national olympique et sportif français, représentant du CIO en France.
Dans le cadre de la rivalité entre les « villes-mondes » sur laquelle repose la logique de croissance sans fin des métropoles, le Grand Paris ne pouvait pas faire l'impasse sur la question étant donné que les grandes compétitions sportives internationales sont un élément important de « l'attractivité » des territoires, constamment défendue par les promoteurs de la métropolisation. « Ma quatrième priorité est de faire du sport un outil de rayonnement international et de développement économique », expliquait encore Najat Vallaud-Belkacem. Au-delà du Grand Paris, les promoteurs d'une candidature parisienne à l'organisation des Jeux en étendent même le bénéfice à l'ensemble du territoire national, assurés que cela permettra « de faire venir de nouveaux touristes, de conquérir de nouveaux marchés à l'international et d'attirer davantage d'investisseurs étrangers » en France 1.
De plus, les sports « de salle » ou de « petit terrain » (basket-ball, handball, volley-ball, hockey sur glace, etc.) cherchent à connaître le succès des sports les plus médiatisés (football, rugby, tennis) et renforcer leur professionnalisation en tablant notamment sur des candidatures à l'organisation de championnats européens ou mondiaux. Mais pour pouvoir accueillir de grandes compétitions internationales en nombre croissant et œuvrer pour le développement économique du sport de haut niveau, il faut construire les infrastructures adéquates. Or, dans ce domaine, selon la formule consacrée, « la France est en retard » alors que « toute l'Europe se dote de grandes installations multifonctionnelles » 2. De fait, cela fait déjà quelques années que les professionnels travaillent à convaincre les pouvoirs publics pour que les métropoles, et en particulier celle du Grand Paris, lancent les chantiers de nouveaux équipements.
« En matière de rayonnement international, le Grand Paris doit pouvoir jouer "dans la cour des grands" et son ambition en matière d'équipements sportifs doit être alignée sur celle des métropoles les plus performantes et les plus novatrices du monde » 3, affirme un rapport élaboré par trois agences de consultants, remis au ministre de la ville et à la ministre des sports en juillet 2011. Dès lors, « partant du constat qu'il ne peut y avoir de métropole de rang international sans un rayonnement sportif majeur, [Maurice Leroy, ministre de la Ville, chargé du Grand Paris, et Chantal Jouanno, ministre des Sports] ont affirmé la nécessité de se doter d'une vision stratégique pour le Grand Paris du sport à l'horizon 2030, notamment dans la perspective de futures candidatures du Grand Paris à des grands événements sportifs internationaux, au premier rang desquels les Jeux Olympiques » 4. Si le « Nouveau Grand Paris » présenté en mars 2013 par le gouvernement Ayrault n'aborde pas spécifiquement la question du sport, son ministère de l'Égalité des territoires et du Logement affiche toujours l'ambition de voir la métropole devenir « la capitale mondiale du sport » par le renforcement de « l'excellence des infrastructures sportives » 5.

Des stades et des « grandes salles » à gogo
En mars 2010, la commission « Grandes salles », mandatée par le ministère de la Santé et des Sports et essentiellement composée de professionnels du monde sportif (présidents de clubs ou de ligues) et de quelques élus, avait déjà défriché le sujet dans son rapport « Arenas 2015 ». Les Arenas sont de grandes salles multifonctionnelles (de 5 000 à plus de 20 000 places), aptes à recevoir des compétitions sportives de haut niveau et d'accueillir également concerts et spectacles ; elles suivent en ce sens le modèle du Palais Omnisports Paris-Bercy, construit en 1984 et qui constitue pour la commission « l'arbre qui cache la forêt » du manque d'infrastructures. Il faudrait par conséquent rattraper le « retard français en matière de grandes salles » préjudiciable à « la professionnalisation des sports de salle et leur compétitivité européenne » du fait que les autres pays européens ont tous construits de nombreux équipements de ce type. La commission préconisait notamment la création en France de sept structures (une de plus de 20 000 places, une de 15 000 et cinq de 10 000) 6.
L'objectif est clairement énoncé : il s'agit de « répondre aux attentes légitimes du sport de haut niveau », de bâtir « un réseau d'enceintes capables de répondre aux exigences d'accueil des compétitions internationales et permettant aux clubs professionnels de mener des politiques sportives ambitieuses » (car « l'enceinte est un levier économique indispensable au développement des clubs d'élite »), créer en France « des infrastructures nécessaires à son rayonnement et à son attractivité sur le marché de l'événementiel européen ». Le rapport « Arenas 2015 » permet aux collectivités locales de justifier leur politique de grands travaux d'équipements sportifs de haut niveau, puisqu'à l'instar des promoteurs du Dôme de Sarcelles, elles peuvent ainsi prétendre répondre « à une demande de projets d'infrastructures sportives exprimée dans le rapport Arena 2015 du Ministère de la Jeunesse et des Sports » 7.
Plusieurs grands projets d'équipements sont envisagés, voire déjà engagés, en Île-de-France. Bien avant le processus récent du « Grand Paris », certains avaient été élaborés dans le cadre de la candidature de Paris à l'organisation des jeux olympiques de 2012 et restent aujourd'hui justifiés par la perspective de grandes manifestations d'ampleur internationale comme l'Euro 2016 ou la nouvelle candidature à l'organisation des JO. Soutenus par les pouvoirs étatiques, régionaux et métropolitains, ils sont portés localement par les collectivités publiques (communes et communautés d'agglomération voire conseils généraux) – dans une large unanimité consensuelle – et par les organisations sportives concernées (fédérations ou clubs). Plusieurs projets (à Nanterre, Tremblay, Sarcelles, Cergy, Aubervilliers) sont ainsi repris dans les Contrats de développement territorial (CDT) du Grand Paris 8.

Croissance de l'économie du sport
Ces diverses démarches de construction sont motivées par la recherche d'une croissance renforcée des différents secteurs sportifs de haut niveau ; plusieurs fédérations nationales sont impliquées dans les projets franciliens de nouvelles infrastructures (rugby, handball, natation, cyclisme, hockey sur glace). « La prise de conscience du rôle important que jouent désormais les enceintes sportives dans l'économie du sport et l'attractivité d'un pays est récente » 9 ce qui expliquerait pourquoi « la France est globalement en retard en matière d'équipements performants sur les grandes nations, d'un point de vue quantitatif et qualitatif. Ce retard en matière d'équipement pénalise les candidatures aux grands événements à l'aune des exigences actuelles et futures des organisateurs. Il pénalise aussi le développement de clubs professionnels, l'équipement étant en effet un outil économique essentiel et un lieu symbolique de l'identité du club » 10. Il faudrait donc pousser les collectivités à soutenir – politiquement voire financièrement – la construction de « grandes salles » ou de stades pour que toute entreprise sportive un tant soi peu ambitieuse puisse se développer.
Ainsi le Racing Métro 92 s'installera à Nanterre dans l'Arena 92 ; quant aux centres techniques, où doivent être modelés les athlètes de haut niveau, ils se multiplient : la Fédération française de hockey sur glace aura le sien dans l'Aren'Ice de Cergy comme la Fédération française de cyclisme a maintenant le sien à Velopolis (Saint-Quentin en Yvelines). Dans les projets abandonnés, il y a celui de celui de la Fédération française de handball (stade de Colombes) ; le PSG a aussi du mal à trouver des terres pour élargir son propre centre dans les Yvelines. Le centre technique de la Fédération française de natation, envisagé depuis 2001 à Aubervilliers, est une « arlésienne » qui pourrait cependant voir le jour dans le cadre de la candidature aux Jeux olympiques. Quant au projet démesuré de grand stade à Évry, il est porté par la Fédération française de rugby qui veut en faire sa base.

Projets territoriaux
Mais la défense des intérêts économiques des fédérations sportives ne suffit pas à convaincre automatiquement les habitants concernés par les travaux du bien-fondé de la multiplication des chantiers de stades et de « grandes salles ». Valorisés comme facteurs d'attractivité, les projets sont aussi défendus par leurs promoteurs comme éléments de structuration du territoire « par l'effet d'entraînement économique et de cohésion sociale qu'ils peuvent avoir sur un territoire, à l'image du Stade de France et du développement de la Plaine Saint Denis » 11. Les infrastructures envisagées sont intégrées à des réaménagements de secteurs avec programmes d'immobilier de bureaux, de commerces, de logements, d'amélioration des transports, etc.
Ainsi la création du vélodrome de Saint-Quentin en Yvelines, est accompagnée d'une « opération d'aménagement de l'espace public et de développement immobilier d'environ 40 000 m² qui constitueront, ensemble avec le Vélodrome, un nouveau pôle de vie du territoire » 12. À Tremblay-en-France, « la parcelle réservée à l'opération [de création du Colisée] est insérée dans la future trame urbaine du secteur Central de la ZAC Sud CDG, qui comprendra : des bureaux, commerces, services et activités PME/PMI » 13. À Cergy, Aren'Ice et sa patinoire olympique s'intègrent au cœur de l'aménagement des 57 hectares de la Plaine des Linandes à proximité d'autres infrastructures sportives récemment créées, d'un « pôle commercial autour de la thématique "sport, loisirs, nature" composé d'enseignes attractives (telles Décathlon déjà installé) » 14 et d'un écoquartier de 1 500 logements. À Nanterre, Arena 92 est un projet de salle qui « comprend également 33 000 m² de bureaux, 300 chambres étudiantes, des commerces, dont une boutique du club, une brasserie et un restaurant gastronomique » et dont les promoteurs souhaitent qu'il « régénère le quartier lorsqu'il est inerte (le soir et le week-end) » 15. Autour du Grand stade de rugby, sur un espace de 133 ha, « avec ses rues, ses places conviviales, ses commerces, ses bureaux, ses bistrots et ses restaurants, c'est bien d'un village des sports et des loisirs que l'agglomération [Évry Centre Essonne] entend se doter » 16. « Vecteur d'activité économique, d'emploi et de rénovation urbaine » 17, le Dôme de Sarcelles est quant à lui conditionné au projet du Boulevard intercommunal du Parisis (BIP), une route transversale est-ouest de 2x2 voies devant relier l'A15 à l'A1.
Tout cela ne peut que concourir à l'artificialisation accrue des sols, à la raréfaction des espaces agricoles et naturels et à l'extension de l'aire urbaine du Grand Paris. Ainsi le Dôme de Sarcelles va s'implanter « sur des emprises délaissées devenues des lieux de non-droit », soit un ensemble de parcelles non-construites dont un grand nombre accueille des jardins familiaux et sur une partie du cours du Petit Rosne dans le souci de connecter des zones urbanisées « qui s'ignorent malgré leur proximité géographique » 18. Le grand stade de rugby recouvrira un hippodrome et les bois qui l'entourent, tandis que le Colisée de Tremblay (2,5 hectares d'emprise et 2,5 ha de « mail » d'accès piéton) va s'étendre sur une zone agricole 19. Quant au projet d'extension des terrains de tennis de Roland-Garros, encore fermement soutenu par le premier ministre Valls en mars 2015, il menace toujours les serres des jardins d'Auteuil voisins. Aussi tous ces projets récupèrent-ils préventivement la question écologique dans leurs discours marketing en se parant des plus grandes vertus en matière de défense et de protection de l'environnement : « le Dôme Arena [de Sarcelles] participe au développement durable » 20, de même que l'Arena 92 de Nanterre se veut « un lieu à la pointe du développement durable » 21 et alors que le Colisée de Tremblay-en-France promet « un impact environnemental limité » 22 ; quant au Grand Stade de Rugby, ses promoteurs soutiennent très sérieusement que son existence permettra la « préservation des ressources naturelles », la « lutte contre le réchauffement climatique et la réduction des rejets » ainsi que le « développement de la qualité environnementale du territoire » 23. Mais tous reposent sur un principe d'attractivité (faire venir des milliers de spectateurs et de touristes) dont les perspectives – si elles se réalisent – auront des effets considérables et désastreux sur les territoires.
Quant aux logements, les programmes, essentiellement privés, sont là pour accueillir des habitants-consommateurs solvables, pas pour résoudre la situation de mal-logement des plus précaires, d'autant plus quand les recettes immobilières participent du financement global du projet comme à Saint-Quentin en Yvelines où « un programme de promotion immobilière doit permettre de dégager 12 millions d'euros, qui viendront diminuer le coût global de l'opération » 24. De tels aménagements du territoire sont justifiés par l'augmentation des flux (d'investissements, de spectateurs, de touristes, etc.) dont les retombées sont présentées comme positives pour le territoire. Mais, en encourageant le renchérissement du foncier et de l'immobilier, ils sont surtout synonymes d'opérations de réaménagement urbain dont les habitants les plus fragiles font les frais. Quant à la « cohésion sociale » mise en avant dans les discours de promotion, elle semble se résumer à la déambulation de masses de clients dans les galeries commerçantes des quartiers « revitalisés » ou à la ola des spectateurs dans les tribunes des futures arenas.
Les projets, dont la construction est confiée aux grands groupes du BTP, sont là pour faire briller l'image du territoire, pas pour améliorer le sort des habitants comme en témoignent les propos du premier édile de Sarcelles, rapportés par Le Parisien : « "Est-ce qu'on ne peut pas craindre des problèmes de voisinage quand les gens sortiront [du futur Dôme de Sarcelles, après un match ou un spectacle] ?" interroge une habitante [lors d'une réunion municipale de présentation du projet]. "Je pense que les habitants sont aujourd'hui davantage gênés par leurs voisins actuels, qui font brûler toutes sortes de choses, insiste François Pupponi, député-maire PS de Sarcelles. Je préfère voir à cet endroit-là une belle salle plutôt qu'un bidonville. C'est important pour l'image de Sarcelles" » 25.
Un discours, plus ou moins détaillé selon les projets, sur les bénéfices en terme de créations d'emplois – temporaires et précaires – vient également accompagner les démarches. Il faut d'abord des ouvriers pour construire ces stades et ces salles : l'Arena 92 envisage la création de 2 000 emplois pour son chantier quand le Grand stade d'Évry n'en prévoit que 1 450 pour le sien. Après l'ouverture, l'Arena 92 créerait 500 emplois permanents tandis que le Grand stade en créerait 120 permanents et 4 000 intermittents ; plus petite, l'Aren'Ice ne propose que 25 emplois permanents. Le projet de Dôme à Sarcelles ne donne pas d'information chiffrée mais renseigne sur les types d'emplois : accueil, sécurité, restauration, techniciens scéniques, techniciens de maintenance...

Financements
En période d'austérité économique, il est prudent de mettre en avant l'origine privée des financements de ces grands projets. Certains s'appuient sur des fonds entièrement privés comme l'Arena 92 de Nanterre (200 millions d'euros), le POPB en rénovation (96 millions 26) ou le Grand stade de rugby (600 millions, mais avec un emprunt potentiellement garanti par le conseil général de l'Essonne). Mais la puissance publique (État, région, départements, communautés d'agglomération et/ou communes) est toujours la bienvenue pour mettre la main au portefeuille : la moitié des 42 millions de l'Aren'Ice de Cergy, 53 des 74 millions du vélodrome de Saint-Quentin en Yvelines ou encore 43 des 65,7 millions du pôle d'excellence « kayak et aviron » de Vaires-Torcy ; cela aurait aussi dû être le cas pour 57 des 68 millions du projet suspendu de piscine olympique à Aubervilliers. Mais, comme à Saint-Quentin, une partie des financements est aussi basée sur les recettes de la structure et de la « valorisation » des terrains environnants (logements, bureaux, commerces). Le « naming » est aussi une façon de financer les projets en donnant à l'infrastructure sportive le nom de son plus gros financeur – ce qui est envisagé pour le Grand stade de rugby, l'Arena 92 ou encore le Parc des Princes et le POPB après rénovation.
Ces travaux de constructions de complexes sportifs et d'infrastructures « complémentaires » (transports, zones d'activités, etc.) pèsent aussi énormément sur les finances publiques. Concernant les actuels projets, un récent rapport parlementaire 27 – sans être hostile aux projets – laisse cependant planer le doute : loin de l'image d'un aménagement cohérent et planifié au niveau régional, les territoires font cavalier seul et développent chacun dans leur coin des projets qui se révèlent concurrents.

Des projets concurrents
Le rapport remis au ministère en juillet 2011 pointe notamment la concurrence intra-territoriale de certains équipements sportifs du Grand Paris – notamment les « Arenas de très grande jauge » (comme Arena 92 ou le Dôme de Sarcelles) en concurrence avec le POBP. Le POBP, dont le « bassin d'attraction direct s'étend en fait à quasiment toute l'Ile-de-France et à plus de dix millions d'habitants » 28, a prévu des travaux de rénovation et d'agrandissement pour 2015 pour près de 100 millions d'euros 29. De la même façon, le rapport sénatorial d'octobre 2013 souligne la concurrence entre le projet de Ris-Orangis de la FFR et le Stade de France (propriété de l'État) : si le Grand stade de rugby devait voir le jour, « les deux enceintes entreraient nécessairement dans une compétition farouche afin d'accueillir aussi bien des événements sportifs d'envergure que des spectacles adaptées à une scène de ce type, en nombre nécessairement limité. Une telle concurrence risquerait fort de mettre en péril le modèle économique d'au moins l'un des deux stades – sinon des deux – ce qui entraînerait un dommage financier considérable pour le(s) "perdant(s)" ».
« C'est en premier lieu sur les pouvoirs publics locaux que reposent les pressions du monde sportif. En d'autres termes, un besoin existe et, dans la grande majorité des cas, les collectivités territoriales devront impulser des projets à mener 30. » En matière d'attractivité, chaque collectivité territoriale essaie de tirer la couverture à elle sans trop se préoccuper de ce que peuvent faire ses voisines. Les divers territoires mènent leurs projets dans l'ignorance des autres ; le dossier de présentation du Colisée de Tremblay, publié en avril 2012, ne mentionne absolument pas l'existence du projet voisin de Dôme de Sarcelles et évoque simplement la concurrence plus éloignée du POPB et du projet Arena 92 de Nanterre. Et le rapport d'enquête publique souligne « les projets phares tels que le Dôme-Arena et Europa-City sont confrontés à des projets concurrents au niveau du Grand Roissy et au delà (Colisée face au Dôme, Aérolians Paris face à Europa-City, mais aussi le grand centre commercial Aéroville ouvert à l'automne 2013, les salles polyvalentes de Nanterre...) ; à défaut d'autres arbitrages, ils feront l'objet de celui du marché » 31.
Quant à la ville de Colombes, elle doit subir seule le désengagement de la Fédération française de handball qui provoque l'abandon du projet de centre de handball au stade Yves-du-Manoir.

Arenas et projets d'infrastructures sportives en région parisienne
Avec son « Dôme » labellisé « Grand Paris », la ville de Sarcelles (Val-d'Oise), épaulée par l'entreprise Lagardère Unlimited Stadium Solutions, ambitionne de construire une Arena pour l'organisation de spectacles et de manifestations sportives d'intérieur et pouvant accueillir de 10 000 à 17 000 personnes 32. Occupant 8 hectares, « le Dôme sera la plus grande salle de sport indoor de France et une des plus grandes salles de spectacle dans sa configuration concert » 33. D'un coût annoncé de 141 millions d'euros, sa construction sera financé par des fonds publics et privés 34, même si les infrastructures d'accès le seront sur fonds publics.
Non loin, à Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), la communauté d'agglomération Terres de France envisage également, « sur le modèle de la Lanxess arena de Cologne », la création du Colisée, une salle de 15 000 à 20 000 places destinée à accueillir « des concerts, des spectacles, des compétitions sportives de haut niveau, des salons professionnels » 35. Depuis deux ans, ce projet de nouvelle Arena semblait ajourné, bien qu'il reste mentionné dans le Contrat de développement territorial « Cœur économique Roissy-Terres de France » du Grand Paris, adopté par les différents décideurs institutionnels en novembre 2013. La perspective de candidature parisienne aux Jeux olympiques l'a remis en selle.
À Nanterre, Arena 92 est un projet en cours de stade et de salle de spectacle qui doit ouvrir en 2016 à proximité de l'Arche de la Défense, vendu comme « un espace citoyen, respectueux de son environnement, à la pointe du développement durable » 36. Entre 10 000 et 40 000 spectateurs pourraient s'y entasser selon la configuration. 33 000 m² de bureaux sont également prévus pour lui servir d'écrin, alors que des dizaines de milliers de m² de bureaux restent inoccupés dans le quartier de la Défense 37. Arena 92 envisage la création de 2 800 emplois sans faire de distinction entre permanents et précaires.
Le projet le plus imposant est prévu à Ris-Orangis (Essonne), où, depuis juin 2012, la Fédération Française de Rugby entend construire un stade gigantesque sur les 133 hectares de terrain d'un hippodrome désaffecté, avec le soutien du conseil général, de la communauté d'agglomération Évry Centre Essonne et des communes de Ris-Orangis et Bondoufle. Avec ses 82 000 places, ce projet surpasserait la capacité du Stade de France (80 000 places). La construction est estimée à 600 millions d'euros et devrait être financée sur fonds privés. Les collectivités locales participeront quant à elles aux infrastructures d'accès pour un montant de plus de 230 millions 38 (travaux routiers, parking, amélioration des capacités des transports publics, etc.). Le projet est vendu avec des promesses de retombées économiques faramineuses et de créations d'emplois (5 670, dont le détail montre qu'ils sont essentiellement précaires et temporaires 39) et autres « objectifs de développement durable », comme la « lutte contre le changement climatique » 40 alors que les promoteurs du stade annoncent vouloir y attirer chaque année 1 420 000 spectateurs.
En 2013, la Ville de Paris a également achevé la rénovation du stade Jean-Bouin dans le 16e arrondissement (20 000 places) pour un coût de 160 millions d'euros et participera d'un montant de 75 millions à celle du Parc des Princes qui devra être achevée pour l'Euro 2016 41. Après l'Euro 2016, sa capacité d'accueil pourrait encore être augmentée 42. En 2014-2015, le POPB va également être rénové et agrandi. Le groupe Bouygues a obtenu le marché de 96 millions d'euros en décembre 2013 43. Malgré l'échec de la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2012, la construction d'un vélodrome, associé à un centre commercial, sur une zone naturelle protégée, à Montigny-le-Bretonneux (Yvelines) pour la fédération française de cyclisme a été confiée au groupe Bouygues à travers un partenariat public-privé et a finalement ouvert en janvier 2014 44.
Cergy Pontoise s'est aussi lancé dans la construction de Aren'Ice, une patinoire pouvant accueillir jusqu'à 4 500 spectateurs, où la Fédération française de hockey sur glace installerait son centre national et capable également d'accueillir d'autres types de compétitions sportives et de spectacles. Le projet coûterait 42 millions d'euros dont la moitié serait apportée par la Région, l'État et la communauté d'agglomération. La ville devrait débourser 3,5 millions d'euros par an à l'UCPA en charge de la construction et de la gestion de la structure. Les travaux ont commencé en décembre 2014. En dehors des Arenas, à Vaires-sur-Marne et Torcy (Seine-et-Marne), la région Île-de-France mène un réaménagement de la base de loisirs intégrant un « pôle d'excellence kayak et aviron » ; d'un coût de 65,7 millions d'euros (la région financerait 43 millions). La Fédération française de tennis pousse aussi à l'extension des terrains du stade Roland-Garros, de 8,5 ha à 13 hectares, au détriment du jardin des serres d'Auteuil.

Sources : Paris-Luttes.info

 


1. Comité français du sport international, Synthèse de l'étude d'opportunité de la candidature à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques 2024, février 2015, p. 24.
2. Arenas 2015, Rapport de la commission Grandes Salles, mars 2010.
3. Agences Kénéo, ISC et Algoé, Équipements sportifs structurants du Grand Paris : état des lieux et propositions de développement, rapport pour le ministère des sports et le ministère de la ville, juillet 2011.
4. « Les sports, sujet majeur dans le Grand Paris », communiqué ministériel, 20 juillet 2011.
5. « Le Grand Paris : le sport », site du ministère de l'égalité des territoires et du Logement, 12 août 2013.
6. Une Arena a été ouverte à Montpellier en 2010 (de 9 000 à 15 000 spectateurs), d'autres « grandes salles » sont en projet à Dunkerque (10 000 places), Brest (4 000 places), Aix-Marseille (9 000 places) ; du côté des plus gros équipements, le stade de Lille (30 000 places) a ouvert en 2012 et celui de Nice (35 000 places) a été inauguré en 2013, des projets de stades sont en cours à Lyon (58 000 places), Bordeaux (42 000 places), au Havre (25 000 places).
7. Icade, Étude de faisabilité : Dôme Arena de Sarcelles, janvier 2013.
8. Les CDT ont été institués par la loi du 3 juin 2010 sur le Grand Paris ; ils planifient, de façon plus ou moins détaillée, le développement d'une vingtaine de territoires stratégiques et sont signés entre l'État et les collectivités territoriales.
9. Daniel Costantini, Arenas 2015, Rapport de la commission Grandes Salles, mars 2010.
10. Équipements sportifs structurants du Grand Paris : état des lieux et propositions de développement, op. cit., p. 4.
11. Ibid.
12. Le Club des PPP, supplément au Cahier n° 16 des PPP, octobre 2010, www.club-ppp.org
13. Communauté d'agglomération « Terres de France », Projet de Colisée, document de travail, avril 2012.
14. www.cergypontoise-decideurs.fr, 4 juillet 2013.
15. Ateliers Ouest Parisien, Une arena pour les Hauts de Seine, 29 janvier 2010.
16. « Le site », grandstaderugby. fr
17. Sarcelles le magazine, n° 39, mars 2012, p.3.
18. Contrat de développement territorial « Val de France Gonesse Bonneuil », p. 71.
19. Communauté d'agglomération Terres de France, Projet de Colisée à Tremblay en France (document de travail), avril 2012.
20. Icade, Étude de faisabilité : Dôme Arena de Sarcelles, janvier 2013.
21. Ateliers Ouest Parisien, Une arena pour les Hauts de Seine, 29 janvier 2010.
22. Communauté d'agglomération Terres de France, Projet de Colisée, document de travail, avril 2012.
23. Site Internet de la communauté d'agglomération Évry Centre Esssone.
24. Mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat (ministère de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi), Comment nouer une relation fructueuse de partenariat ?, septembre 2010.
25. « Le chantier du Dôme Arena doit démarrer en 2015 », Le Parisien, 26 juin 2013. De 2009 à 2011, un vaste bidonville de familles Rroms s'était établi sur une parcelle dédiée au projet de Dôme, avant d'être expulsé.
26. Devenus 140 millions en 2014 (20 minutes, 28 octobre 2014).
27. Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly, Rapport sénatorial d'information sur le financement public des grandes infrastructures sportives, 17 octobre 2013.
28. Présentation du projet de rénovation sur http://projet.bercyarena.paris
29. Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly, Rapport sénatorial d'information sur le financement public des grandes infrastructures sportives, 17 octobre 2013, p.15.
30. Ibid., p. 8.
31. Rapport d'enquête publique sur le CDT de la communauté d'agglomération « Val de France » et des communes de Gonesse et Bonneuil-en-France, octobre 2013, p.23.
32. « Le projet de grande salle Arena entre dans une phase décisive », Plus fort ensemble, journal de la communauté d'agglomération Val de France, n° 30, octobre 2013.
33. Sarcelles le magazine, bulletin municipal, n° 39, mars 2012.
34. « Le Dôme Arena coûtera 141 M€ », Le Parisien, 14 novembre 2013.
35. « Le projet de Colisée se précise », site Internet de Tremblay-en-France, 13 février 2012.
36. http://arena92.sgti.fr/arena92_infogene. html
37. « À la Défense, tours flambant neuves cherchent locataires », Le Monde, 3 décembre 2013.
38. La Voie syndicale, revue bimestrielle de la CGT 91, n°90, septembre-octobre 2013.
39. « Les retombées économiques » sur le site du Grand stade de rugby : http://grandstaderugby.fr
40. Présentation sur le site de la communauté d'agglomération d'Evry-Centre-Essonne.
41. « Le PSG s'offre le Parc et s'ouvre au naming », Le Parisien, 27 novembre 2013.
42. « 60 000 places. C'est très compliqué », Le Parisien, 13 octobre 2013.
43. « Palais omnisport Paris-Bercy : la rénovation confiée à Bouygues », Le Parisien, 26 décembre 2013.
44. « Le vélodrome national ouvre au grand public », Le Parisien, 12 janvier 2014.