Espagne : nous ne sommes pas un délit

mis en ligne le 13 novembre 2014
1756EspagnePour faire face au mécontentement de la population espagnole devant la politique antisociale du gouvernement Rajoy, ce dernier, faute de trouver des solutions au chômage et à la précarité grandissante, préfère s’attaquer à ceux et celles qui contestent dans la rue. Nous avions déjà évoqué il y a presque un an dans les colonnes du Monde libertaire le projet de loi dite de « sécurité citoyenne », rebaptisé par toute l’opposition « loi mordaza » (loi bâillon). Une première mouture avait été abandonnée ; une seconde, à peine retoquée, a été acceptée le 11 juin dernier. Il s’agit ni plus ni moins que de tenter de museler les participants de toute manifestation.
Précision : en trois ans de législature de droite, l’Espagne a connu près de 29 000 manifestations (joli score) ; en tout cas, de quoi énerver le señor Rajoy qui compte bien faire voter aux Cortes ce projet de loi début 2015. On pourra toujours manifester, oui mais… plus devant les édifices du pouvoir (Cortes, Sénat, assemblées législatives, etc.) à moins de le déclarer auparavant (c’est évidemment toujours refusé), non plus quand la manif a été convoquée sur les réseaux (donc sans autorisation). Plus question non plus de prendre et diffuser sur le net des photos et vidéos où apparaissent des agents « anti-émeutes », interdiction de proférer des injures à l’adresse de ces derniers ou de la patrie, pas d’offense non plus aux emblèmes de la nation (drapeaux, monuments, etc.). Tous les contrevenants à ces interdictions qui seront arrêtés seront passibles d’amendes allant de 1 000 à… 600 000 euros. De quoi calmer les ardeurs des plus radicaux, du moins c’est ce qu’espère le gouvernement Rajoy.
Malgré tout, la contestation continue et déborde même de la péninsule Ibérique. La dernière vague de l’émigration espagnole, constituée en majorité par les jeunes sans perspective d’avenir professionnel dans leur pays, se regroupe dans le mouvement Marea granate (Marée grenat), couleur de leur passeport. Il s’agit d’un mouvement transnational mis en place par les émigrants espagnols luttant hors d’Espagne contre les causes qui ont provoqué la crise économique et sociale, qui les a conduits à une émigration forcée ; mouvement pratiquant l’auto-organisation et l’horizontalité. Déjà présents dans d’autres pays d’Europe ainsi que dans plusieurs villes de France, certains s’étaient rassemblés samedi 1er novembre à Paris place du Trocadéro, symboliquement bâillonnés ; leur banderole annonçait : « Nous ne sommes pas un délit », affirmant ainsi leur opposition au projet de loi et leur solidarité avec celles et ceux qui manifestent dans les rues espagnoles. Il y avait déjà la Marée blanche (manifs contre les coupes budgétaires dans la santé), la Marée verte (idem dans l’éducation) et maintenant la Marée grenat. Le pouvoir espagnol n’a pas fini d’en voir de toutes les couleurs.