Un bon coup de pied au cul n’a jamais fait de mal à personne !

mis en ligne le 13 novembre 2013
1721AntifaFeu mon pauvre papa, qui ne m’a pas laissé que sa montre, était peintre en bâtiment et n’aimait pas les juifs. Pour une raison, pour lui bien simple et que je comprenais mal, il prétendait, je le cite (puisse-t-il se retourner dans sa tombe) : « Parce que je n’ai jamais vu de peintre en bâtiment juif ! » Sans doute n’avait-il jamais vérifié les circoncisions de près dans la touffeur des vestiaires, mais ces idées préconçues, ces préjugés irrationnels, ces erreurs de jugement ont le cuir épais. Ainsi va se répandre le poison. Ces petites vexations quotidiennes pour rigoler, bien sûr, sous le prétexte qu’on peut rire de tout. Naturellement que l’on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui.
L’actualité d’il y a quelques jours maintenant est parfaitement symptomatique de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Taubira, une pitoyable illustration des mentalités ambiantes, des petites lâchetés quotidiennes, qui, distillées à l’envi, franchissent désormais les portes des écoles laïques et républicaines. Il faut bien admettre que Christiane Taubira cumule à elle seule deux handicaps majeurs : elle est noire et elle est femme.
Tout a commencé par le subtil profil Facebook d’une candidate Front national aux prochaines élections municipales, montrant une photo de Christiane Taubira au côté de celle d’une guenon et invitant le spectateur à la comparaison. Kolossalle finesse ! Non contente de cette grotesque saillie, les journalistes – qui pensaient dur comme fer se choper le prix Pulitzer – ont cru bon d’en rajouter une louche, en faisant prétendre à la fâcheuse qu’au bout du compte la ministre de la Justice serait bien mieux à sa place dans les branches des arbres plutôt que dans son bureau. Et les Arabes ? À la mer ? Et les juifs ? Dans les fours ? Et les supporteurs du PSG ? Où ils veulent et puis merde ! Qu’est-ce qu’on se marre ! La grosse poilade ! Ces gens du FN, et ceux qui leur tournent autour comme le diptère autour de l’étron, ne peuvent pas s’en empêcher. C’est génétique. C’est comme ça. C’est l’inné et l’acquis en même temps. Le fameux concept de philosophie de terminale enfin résolu. L’investiture de cette demeurée lui fut, bien évidemment, retirée. Il faut faire propre, il faut faire clean. Il ne faut pas montrer. Il ne faut pas que ça se sache ! Mais comme ils ont ça dans la peau… Et c’est tous les jours, la technique du rouleau compresseur, on envoie une saloperie et on s’excuse, une claque dans la gueule et une caresse dans le sens du poil. L’ennui avec ces défécations, c’est que, peu à peu, elles pénètrent les esprits les plus vulnérables, les plus dociles, elles tracent leur route et le dérapage se révèle inévitable. C’est Leonarda, ce sont les Roms, ce sont ces 343 minables salauds qui pétitionnent ad nauseam en vomissant « Touche pas à ma pute », c’est Éric Zemour qui se prend pour Garcia-Lorca, mais Éric tu sais : « T’es pas Lorca, t’es sa rature ! » (merci Léo), c’est Dieudonné qui parade sur scène avec le sinistre révisionniste Faurisson, c’est Michel Leeb qui ne fait rire que les petits blancs quand il imite si finement l’accent africain, à mourir de rire, « lol » comme ils disent et en plus « mdr dans ta face », ce sont toutes ces petites médiocrités du monde qui, taraudées et accumulées jour après jour, engendrent une situation explosive. C’est maintenant cette petite gamine qui, en marge d’une visite quelconque de Christiane Taubira à Angers, n’a rien trouvé de plus drôle que d’agiter une peau de banane devant la ministre en criant : « C’est pour qui la banane, c’est pour la guenon ! » Difficile, sans doute, de définir les responsabilités devant une telle abjection et, surtout, de faire mieux. Cette gamine était entourée sans doute de ses parents et de militants inoxydables, ils ont pourtant perdu, pour Une Manif pour tous, drapeaux au vent comme des serpillières. Quand on sait ce que trimbale cette racaille réactionnaire, raciste, homophobe et empêtrée dans ses si courtes et si petites certitudes 1, rien d’étonnant qu’aucun adulte présent n’ait cru bon de piper. Pis encore, les slogans putréfiés ont repris de plus belle du calibre : « Taubira tu pues » : élégance, classe et distinction. Eux non plus ne peuvent pas s’empêcher, ils exsudent la haine, transpirent la médiocrité, et allez, versons dans la provocation, il ne leur manque plus qu’un bonnet rouge.
Mais c’est l’excellentissime François Morel qui, sur France Inter, a le mieux résumé la situation : « Mais qu’est-ce que tu vas faire de ta vie, petite conne ? » Je m’interroge. Déjà si jeune et déjà percluse de ressentiment, de rancœur, de violence larvée, de médiocrité, de bêtise. Qu’est-ce que tu vas faire de ta vie ? Des coups à « rerendre » Philippe Val, directeur nommé par Sarkozy de cette radio, sympathique. Mais n’allons pas si vite et si loin. Le fait est que l’insulte est élevée là au rang des beaux-arts, peu nous importe si la petite conne entend ce qu’on pense d’elle, espérons que oui malgré tout. L’abjection, le laisser-faire dont a fait preuve son entourage sont bien là pour réaffirmer que le racisme, ce n’est pas une opinion, c’est un délit. Et que la liberté de laisser aboyer de telles insanités, c’est voler la liberté des autres. C’est surtout quelque chose d’un peu étrange, d’un peu malsain, quelque chose qui pue.
Laissons l’humoriste finir : « Et puis, à 4 heures, mange une banane. La banane est un fruit très énergétique, très riche en potassium. Elle est facile à digérer, elle est riche en calcium, en vitamines A, B et C. C’est bien que tu en manges régulièrement. C’est pour qui la banane ? C’est pour toi, pauvre petite conne. Pour que tu grandisses. »
Alors, tu as vu, petite fille à la banane, petite fille à la peau si fine et si blanche, petite fille pas éduquée, mais si bien dressée, les journaux ont célébré récemment le centenaire de la naissance d’Albert Camus, né loin, là-bas, si loin, en Algérie. Eh bien, si tu ne dois lire qu’un seul livre dans ta vie – un livre, c’est comme Gala ou Paris-Match, mais en plus petit et sans photos — prend L’Étranger. Et ne t’avise pas de le colorier parce qu’un bon coup de pied au cul n’a jamais fait de mal à personne.





1. Voir Le Monde Libertaire n° 1702 consultable en ligne.



COMMENTAIRES ARCHIVÉS


steph

le 15 février 2014
Bonjour,
le coup de pied au cul est une institution!
Quand je pense qu'aujourd'hui on entend parler les politiques ..."faut-il interdire la fessée..."! mdr
d'ailleurs après en grandissant, ne regrettons pas,de ne pas en avoir assez pris??