Chers « camarades » socialistes

mis en ligne le 18 avril 2013
1704ManoloProloD’une génération à l’autre de socialistes de raison, il s’est toujours trouvé de belles âmes pour estimer nécessaire de se rallier – par esprit civique, évidement – aux braves républicains de droite qui inspirent une politique jugée nécessaire pour le bien de tous. Sans doute par réalisme et, dans leur réflexion embuée, pour tenter, peut-être, d’atténuer relativement les mesures les plus réactionnaires prises par ceux qui devraient être leurs adversaires. Nulle naïveté dans ce comportement. Il s’agit surtout de cette capacité d’adaptation dont sont capables nos sociaux-démocrates actuels, qui ont oublié que leurs anciens se risquaient encore à chanter L’Internationale en levant le poing pour laisser croire qu’ils n’avaient rien renié de leur passé contestataire – et même antimilitariste (sic). Dernier exemple en date : l’accord emploi imaginé par François Hollande, en accord avec le Medef et certains « partenaires sociaux », qui permet au patronat d’envisager cette « flexibilité sociale » présentée comme le meilleur rempart à la crise.

Un peu d’histoire
C’est dans une France quasiment muette, et peut-être sourdement consentante, qu’allaient être promulguées les premières lois xénophobes, puis racistes, après le 10 juillet 1940. Ce phénomène n’était pas seulement le résultat de la défaite de la France, ponctuée par l’armistice du 22 juin 1940. La victoire des armées nazies, préludant l’arrivée au pouvoir du maréchal fusilleur Philippe Pétain et de Pierre Laval, entourés des éléments les plus réactionnaires que le pays ait jamais connus. Cette horde revancharde, décidée à écraser la « Gueuse », depuis le coup de force manqué du 6 février 1934, était curieusement accompagnée par de tristes humanistes, pacifistes dévoyés, qui faisaient leur sinistre slogan : « Plutôt vivre à genoux que mourir debout ! » Main dans la main, d’authentiques zélateurs de Hitler, Mussolini et Franco se retrouvaient en première ligne au côté de quelques anciens leaders de la CGT réformiste, ralliés à Pétain, persuadés de sauver quelques lambeaux de liberté.
Aux côtés de ces grands esprits, qui estimaient possible un accord avec l’Allemagne nazie, un certain nombre d’hommes de gauche ne manqueront pas de se signaler, tel René Belin, leader de la tendance anticommuniste de la CGT, bientôt ministre du Travail, ou Ludovic Zoretti, secrétaire du syndicat de la SFIO. Par ailleurs, le 10 juillet 1940, lors du vote des assemblées réunies, pour donner les pleins pouvoirs à Pétain, il ne s’était plus trouvé, sur les 649 parlementaires en séance, que 80 élus de la République pour s’opposer – mollement – à la mise en place d’une dictature proto-fasciste et, parmi ceux-là, une minorité d’élus socialistes : soit 29 députés et 7 sénateurs.
Dans le gouvernement formé par Pierre Laval, dès après l’armistice, on trouvait déjà deux ministres, issus de la SFIO, soutenus par d’anciens journalistes du Populaire (quotidien socialiste). Par ailleurs, surtout, prêtant allégeance à Pétain, se trouvait l’ancien secrétaire général de la SFIO Paul Faure. Il convient également de noter qu’en janvier 1941 neuf socialistes faisaient toujours partie du Conseil national inféodé au chef de l’État, alors qu’en octobre 1940, après avoir rencontré Hitler à Montoire, Pétain avait déclaré : « J’entre dans la voie de la collaboration ! » à la même époque, René Belin préparait une Charte du travail avec, comme conseillers, d’anciens responsables de la CGT réformiste (proche de la SFIO), comme Hubert Lagardelle, devenus ardents partisans de l’ordre nouveau.

Mauvaise pioche
À cette époque sombre de l’histoire de France, de trop nombreux pacifistes, qui s’étaient laissés prendre à l’image apaisante de celui qui se présentait comme le père de la patrie souffrante, venaient tranquillement de choisir le camp des puissances totalitaires. Parmi eux d’anciens communistes comme Paul Marion, qui vont rejoindre Jacques Doriot en compagnie d’Angelo Tasca, l’un des fondateurs du parti communiste italien, en 1920. Quant aux ex-socialistes, ceux-là se retrouvaient bien plus nombreux, avec des responsables importants, tel Charles Spinasse ancien ministre du Front populaire. Sans négliger les « néosocialistes », regroupés autour de Marcel Déat, depuis 1933.
En 1943, alors que le vent de l’histoire commençait à tourner, Marcel Déat était devenu l’un des maîtres à penser de la collaboration. À ses côtés, sur les treize membres de la Commission permanente du RNP (Rassemblement national populaire) qu’il a créé, cinq d’entre eux sont issus de la SFIO. Ainsi, Georges Albertini (qui, à partir des années 1950 deviendra le consultant « social » des partis de droite) ou Ludovic Zoretti, ainsi que six autres venant du groupe des « néos ». Il y a beau temps que les pacifistes bêlants se sont divisés en deux groupes : les uns sont retournés chez eux, ayant perdu leurs illusions et leur honneur, les autres étant devenus d’authentiques fascistes.

Les Collabos de Sarkozy
Plus de soixante-dix ans ont passé et, sans qu’il soit possible de comparer les situations, nous avons pu constater, en mai 2007, après une nouvelle défaite de la gauche aux élections présidentielles, qu’un certain nombre de grands esprits socialistes allaient se rallier sans état d’âme à Nicolas Sarkozy. Lequel n’avait pas manqué de marteler, tout au long de la campagne électorale, que c’en serait bientôt terminé du laxisme mettant en cause nos libertés. En clair, il était indispensable d’en finir avec les corps intermédiaires, freins aux relations directes entre le « chef » et la population. Finalement, avec une droite décomplexée au pouvoir, la gauche n’aurait plus aucune raison d’exister, les syndicats n’ayant plus qu’un rôle approximativement consultatif. Nos socialistes ralliés ne réagissant guère.
Dès la formation du premier gouvernement Fillon, nos parrains autoritaires voyaient accourir des forces d’appoint de gauche, permettant de rendre plus crédible le régime instauré par Nicolas Ier. Sans doute pour lui apporter une touche prétendument humaniste. Particulièrement quelques socialistes en rupture de ban, comme Bernard Kouchner, au ministère des Affaires étrangères et Éric Besson à l’économie numérique. Le même devant s’illustrer à la fin de 2009 en accédant au poste prestigieux de ministre gardien de l’Identité nationale. Sans négliger le fait que d’authentiques socialistes se trouvaient chargés de la rédaction de rapports pour le nouveau patron. Ainsi, de Jack Lang, Jacques Attali et même Michel Rocard qui, sans honte, préparaient des dossiers, sur commande de Nicolas Sarkozy. Lequel exhibait triomphalement ses « prises de guerre ». Ces grands esprits, ainsi « mouillés », expliquant qu’il ne s’agissait pas de politique mais que c’était « pour la France » ! Le chef de l’État ne tenant d’ailleurs aucun compte des avis de ces éminentes personnalités.

Un traître de répertoire
Le cas d’Éric Besson, remarquable Judas de la tribu socialiste, mérite qu’on s’y arrête plus longuement. En effet, quelques semaines avant les élections présidentielles d’avril-mai 2007, cet honnête politicien avait été l’auteur d’un violent réquisitoire contre le candidat d’une droite dure, qui n’avait jamais masqué ses intentions liberticides. C’est en janvier 2007 qu’Éric Besson, alors supporter de Ségolène Royal, lançait sa charge contre Nicolas Sarkozy. Florilège : « Ses idées sont celles de Bush, sa méthode celle de Chirac », et puis : « C’est l’homme des fausses promesses. C’est ainsi que le candidat Sarkozy se présente comme un doux agneau, gaulliste social. » On ne pouvait être plus violent.
En ce début d’année 2007, Éric Besson reprochait à Sarkozy d’être un homme «  sectaire, dangereux et inefficace ». Tout comme il se plaisait à avertir les électeurs que le petit Nicolas, « ravive les sentiments communautaires et la religiosité », allant même jusqu’à évoquer le régime de Vichy lorsqu’il l’accusait d’abandonner « les principes de la République, et compter les habitants par race ethniques. » De la même façon, ce socialiste, encore pur et dur, alors secrétaire national du PS, chargé de l’économie, s’attaquait à la dérive sécuritaire « dangereuse et inefficace de Sarkozy, purement basée sur la répression, sans tenir compte de la prévention ». Emporté dans sa stigmatisation du candidat de la droite dure, Éric Besson pointait du doigt « le pouvoir judiciaire inféodé au ministère de l’Intérieur », ayant l’air de s’inquiéter de ce que Nicolas Sarkozy « abuse de la rhétorique des juges qui remettent en liberté les personnes arrêtées par la police. » Pour finir venait la dénonciation du discours sarkozyste sur la « protection assurée des clandestins de gauche. » Enfin, le brave Éric Besson soulignait la volonté affirmée de son adversaire présumé de « rassurer l’électorat de droite et d’extrême droite en prétendant lutter contre l’immigration, quelle soit illégale ou non. »
Grand honnête homme, Éric Besson estimait alors que « la politique de reconduite à la frontière conduit à des situations inextricables et humainement bouleversantes ». On croit rêver, mais les quelques cinquante pages de ce réquisitoire antisarkozyste étaient du même tonneau. Pourtant, à la fin du mois de mars 2007, le même Éric Besson démissionnait du Parti socialiste. Sans perdre de temps, Nicolas Sarkozy sollicitait cet excellent militant, en lui assurant : « Un jour, je peux t’être utile. » En fait, selon certains de ses ex-camarades de parti, le petit Judas aurait été une sorte d’agent double, d’où cette charge antisarkozyste de janvier 2007 ; tout comme sa rupture spectaculaire avec le PS, deux mois plus tard, aurait été mise en scène et organisée suite à une offre de service du traître auprès du candidat Sarkozy. Selon plusieurs sources, quinze jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, Besson était contacté par Sarkozy, et quelques jours avant le 21 avril 2007, notre petit Judas se ralliait publiquement à celui qu’il avait vilipendé quelques semaines plus tôt. Ensuite, entre les deux tours de l’élection présidentielle, les adversaires de la veille faisaient des meetings communs.

Les Roms ont vocation à rester en Roumanie
En janvier 2009, désormais chargé de l’immigration, Éric Besson ferra connaître son sentiment profondément humaniste : « Il n’y a pas de place pour l’immigration clandestine dans notre pays ! » Conviction partagée par notre actuel ministre de l’Intérieur Manuel Valls, qui n’hésite jamais à affirmer que « les Roms ont pour vocation de rester en Roumanie » ! Moralité : dans notre France qui se proclame terre de liberté, ceux qui nous gouvernent, qu’ils soient de droite ou de gauche, n’ont rien contre les étrangers mais les réflexions xénophobes ne sont jamais loin.
Une dernière remarque, indispensable : comme tous ses prédécesseurs, depuis l’adoption de la loi de 1905, sur la séparation de l’Église et de l’État, Manuel Valls n’est pas seulement patron de la police, il est également ministre de tutelle des cultes. À ce titre, il lui faut participer à un certain nombre de cérémonies. C’est ainsi que, récemment, on le voyait parader au 850e anniversaire de la cathédrale Notre-Dame de Paris, tout comme il avait assuré de sa présence la canonisation d’un illustre père de l’Église, à Rome. Expliquant, à cette occasion, qu’il était d’une famille catholique (ce dont nous n’avons rien à foutre). Oubliant qu’il est censé être ministre d’une République une et indivisible, mais néanmoins laïque. Sans doute lui paraît-il nécessaire d’imiter Nicolas Sarkozy lequel, sans la moindre vergogne, ne manquait jamais une occasion pour faire un signe de croix magistral dès que les caméras se braquaient sur lui, en des lieux bien pensants…