Florange : la social-démocratie en action

mis en ligne le 20 décembre 2012
La vraie différence entre la droite et la gauche parlementaire, c’est que l’une assume quand l’autre s’efforce vainement de prétendre que le changement c’est maintenant. L’une est cohérente, l’autre s’enlise dans ses contradictions. Les deux, bien sûr, sont la même saloperie. L’affaire ArcelorMittal est un « bel » exemple des cafouillages et de l’hypocrisie de cette gauche parlementaire.

Histoire d’un enfumage total
Je ne reviendrai pas, dans le présent article, sur les tout débuts de cette histoire (se reporter au Monde libertaire n° 1690 pour cela), mais seulement sur les rebondissement qu’elle a connus depuis le 30 novembre dernier, date à laquelle le Premier ministre, l’infâme Jean-Marc Ayrault, annonce la conclusion d’un accord entre le gros Mittal et le gouvernement. La question de la nationalisation (« audacieusement » évoquée par Arnaud Montebourg quelques jours auparavant) n’est, bien sûr, plus d’actualité (que voulez-vous, la patronne du Medef avait dit : « Non ! ») et le deal passé prévoit le simple versement de 180 millions d’euros d’investissement de la part d’ArcelorMittal, échelonné sur cinq ans. Du fric, donc, mais pas la promesse de redémarrer dans la foulée les hauts-fourneaux à l’arrêt, principale raison de la colère des salariés du site. En outre, sur les millions promis, moins d’un tiers seront réservés aux investissements stratégiques (les deux autres tiers concernant « le flux d’investissements courants, les investissements de pérennité, santé, sécurité et progrès continu, et la maintenance exceptionnelle »), ce qui en dit long sur la volonté de Mittal (et du gouvernement signataire) de préserver le site mosellois. Le mercredi 5 décembre, le Premier ministre invite à l’Élysée les syndicalistes de Florange qui, en sortant, assurent que « la résistance continue, le combat continue ». Et ils ont bien raison puisque, le lendemain, ArcelorMittal annonce l’abandon d’Ulcos, le fameux projet de captage et stockage de CO2 qui, s’il avait été retenu, aurait sans doute permis de sauvegarder le site. En l’apprenant, Édouard Martin, un des leaders CFDT de Florange, déclare alors qu’ArcelorMittal vient de signer « l’arrêt de mort de la filière liquide » du site. Jean-Marc Ayrault, lui, toujours aussi con ou cynique (voire les deux), se contente de dire qu’il n’est pas « défaitiste ».

Les larmes des édiles
Quelques élus PS exprimeront leur désaccord et leur sentiment de s’être fait duper par Mittal (c’est qu’ils ne s’y attendaient sûrement pas, les pauvres bougres !). Certains types de l’UMP, sans doute déboussolés par la crise interne de leur parti, se joindront aussi aux critiques et aux désillusions, quitte à se rapprocher dangereusement des positions syndicalistes. Mais cet étalage d’hypocrisie éminemment spectaculaire ne suffira pas à nous faire croire que tous ces politicards ne se doutaient pas un seul instant que Mittal, premier aciériste du monde, tiendrait des engagements qu’il n’avait même pas signés. Quant aux soutiens de l’accord, à part au sein du gouvernement, il faudra les chercher… à la CFDT ! Pas à la section de Florange, plus en colère que jamais, mais à la tête de la confédération où Laurent Berger, le nouveau secrétaire général, a affirmé que l’accord signé était « acceptable ». Ce n’est pas la première fois que la tête de ce syndicat poignarde dans le dos les plus combatifs de ses adhérents (souvenez-vous des salariés de SeaFrance l’an dernier), et on peut aisément parier qu’avec le PS au pouvoir elle continuera sans relâche à le faire, si désireuse qu’elle est de devenir le partenaire social numéro 1 du gouvernement.

Après Florange, Basse-Indre ?
L’accord conclu entre l’État et Mittal stipule également que les deux premières étapes de production (décapage et laminage des bobines de métal) du site ArcelorMittal de Basse-Indre seront transférées à Florange. Ce qui implique la suppression d’une soixantaine d’emplois, malgré les promesses de reclassement faites par la direction du groupe. Et c’est pourquoi les salariés de Basse-Indre ont cessé le travail pendant vingt-quatre heures lundi 10 décembre dernier. Comme ils le disent eux-mêmes, non seulement ce transfert met en péril l’avenir de leur site, mais il ne sauvera en aucun cas celui de Florange. Frédéric Gautier, délégué syndical CGT, estime que, si ce transfert avait bien lieu, « le pronostic vital de Basse-Indre serait engagé, car on amputerait notre process ». Derrière cette clause de l’accord tant chéri par Jean-Marc Ayrault semble donc dangereusement se dessiner la fermeture d’un autre site ArcelorMittal en France. Rien n’est certes encore joué, mais les premiers signes laissent présager le pire.

Et pendant ce temps…
Eh bien, pendant ce temps, entre deux expulsions de campements de Roms, entre deux extraditions de prisonniers politiques, entre deux discours débilitants du roquet Valls, entre deux coups de pelleteuse à Notre-Dame-des-Landes, le gouvernement Hollande se la joue de gauche avec le droit de vote des étrangers et autres mariages homosexuels. Quelques avancées sociétales – qui n’en restent pas moins timidement promises – qui ne font qu’occulter une politique économique et sociale profondément libérale, dans la continuité des méfaits de la droite au pouvoir. Qu’on se le dise, rien ne change, rien ne bouge, sous les drapeaux roses de la gauche parlementaire, qui ne fait à nouveau que confirmer qu’elle est incapable – et qu’elle ne souhaite pas – trouver de solution au problème social. Alors, certes, les travailleurs gays de Florange pourront désormais se marier devant monsieur le maire, mais il n’empêche qu’ils n’auront bientôt plus de quoi payer leur loyer, leurs factures, leurs crédits. Le mariage plutôt que l’emploi, tel est le deal de la politique globale du Parti socialiste. C’est ça la social-démocratie, et rien d’autre.