L’inégale journée du 14 novembre

mis en ligne le 21 novembre 2012
1688ReveIl est des moments où la lutte permanente entre les classes se durcit, où la confrontation devient plus violente. Nous vivons une de ces périodes. Nous l’avons fréquemment analysé dans les colonnes du Monde Libertaire, le capitalisme, au prétexte d’une crise dont il a le secret, a décidé non seulement de purger son système (éliminer les canards boiteux) mais aussi et surtout de reprendre la quasi-totalité de ce que l’on appelle communément les acquis sociaux, qui n’ont rien d’acquis comme on peut le constater en ce moment.
La brutalité et la rapidité des coups portés aux populations correspondent à l’analyse que font les tenants du pouvoir du rapport de force actuel. Comme le dit Warren Buffet, un des hommes les plus riches au monde, « la lutte de classe existe, ma classe est même en train de la gagner ». Cela annonce la barbarie généralisée, voire la guerre si la pérennité du système en dépend (attention par exemple aux relents nationalistes anti « boches » qu’on voit fleurir sur le terreau de la misère qui s’installe).
Dans ce cadre, les diverses élections ne sont, en France ou ailleurs, que d’aimables péripéties destinées à faire diversion, tant il est vrai que ceux qui gouvernent le monde sont les grands patrons, les gouvernements n’étant que leurs subsidiaires interchangeables selon les circonstances.
C’est dans ce contexte que se situait le 14 novembre, journée de grève générale et de manifestations en Espagne, au Portugal, en Italie notamment. Cette convergence sur le fond (refus des plans d’austérité) et sur la forme (grève le même jour) représentait un danger potentiel de contagion et c’est pour cette raison que la Confédération européenne des syndicats s’est empressée d’inventer un « machin » supposément de solidarité mais qui dans les faits dénaturait totalement le sens du combat des Espagnols, des Portugais, des Italiens. L’intitulé précis de l’appel de la CES pour le 14 novembre était « Journée d’action et de solidarité pour un contrat social européen ». Et ces tristes bureaucrates d’expliquer qu’ils ont soutenu tous les traités européens (notamment celui de Lisbonne), avalé toutes les politiques de régression sociale depuis des années mais qu’aujourd’hui ils ne peuvent plus garantir qu’ils vont pouvoir maintenir longtemps encore les salariés dans ce cadre pourri.
Et il s’est trouvé cinq organisations syndicales en France (CFDT, CGT, Unsa, FSU, Solidaires) pour reprendre à leur compte cet appel. Les mêmes d’ailleurs qui ont organisé la défaite sur la question des retraites en 2010. Un hasard très certainement.
De ce point de vue, il n’y a rien d’inquiétant – bien au contraire – que les cortèges en France aient été maigrelets. Plus ou moins consciemment, nombre de salariés, de jeunes, de chômeurs sentent bien, malgré leur volonté de bouger, qu’il n’y rien à attendre de journées de dupes de cette nature.
Par contre, en Italie, au Portugal et surtout en Espagne où le refus des plans d’austérité était clairement exprimé par les grévistes imposant aux directions syndicales un cadre clair, la mobilisation a été très importante et la volonté d’en découdre tout autant.
Plus que jamais, la responsabilité des militants anarchistes organisés, à commencer par ceux de la Fédération anarchiste, est d’aider à la jonction des luttes : celle des salariés contre les plans de licenciements, les « pactes » interclassistes de compétitivité, la liquidation des services publics, celle des chômeurs, des jeunes contre la précarité, l’appauvrissement général, la répression étatique. Il y a de ce point de vue de nombreuses ZAD, zones à défendre, et pas seulement à Notre-Dame-des-Landes.
Mais, face à la guerre que nous mène le capitalisme, il ne nous faut pas seulement être clairs et déterminés mais aussi organisés. Ne cédons pas au « mouvementisme » attirant certes mais qui constitue une impasse. Construisons des outils efficaces de résistance, bases de reconstruction future sur nos principes, ceux du fédéralisme et des mandats. Ne nous laissons « impuissanter » par rien ni personne.
Bref, soyons à la hauteur des enjeux.