Drogues : il n’y a pas de fumée sans pétards

mis en ligne le 14 juin 2012
Don’t Boggart that Joint, my friend !
La semaine dernière, Cécile Duflot, ministre du Logement, a lancé une petite phrase sur RMC et BFM TV qui n’est pas passée inaperçue. Elle a affirmé se ranger du côté des partisans de la dépénalisation du cannabis, une proposition « ancrée dans le marbre » du programme des Verts. La ministre du Logement du nouveau gouvernement a expliqué à l’antenne que la dépénalisation présente un double avantage : celui de faire baisser le trafic, voire de le supprimer, et celui de promouvoir une politique de santé publique : « Il faut considérer que le cannabis, c’est comme l’alcool et le tabac, pour informer les plus jeunes, on doit développer des actions de prévention. » Cécile Duflot se situe donc en contradiction sur ce point avec la position de François Hollande, ce que la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, s’est empressée de rappeler. Cependant, la ministre a tenu à préciser qu’elle avait défendu cette position sur les ondes en tant que toujours « secrétaire nationale d’Europe Ecologie-les Verts ». En effet, elle ne doit céder son poste que le 23 « joint » 2012. Dans la foulée, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a tenté d’arrêter l’hémorragie que la petite phrase a immédiatement déclenchée – surtout à droite (le retour de la Belle-au-bois-dormant), mais également à gauche – en annonçant à la presse que « le gouvernement ne s’était encore pas exprimé sur le sujet », une manière à peine voilée de se démarquer de la nouvelle ministre. Si le gouvernement n’a en effet pas encore tranché la question avant le résultat des législatives, Manuel Valls, le nouveau « couillu » ministre de l’Intérieur, a déjà, à plusieurs reprises, annoncé la couleur en affirmant son opposition à la dépénalisation du cannabis « au nom même des valeurs de la gauche ». D’autres, toujours à gôche, comme le député PS Claude Bartolone, ont mis la petite phrase de Cécile Duflot sur le dos d’une « erreur de jeunesse gouvernementale ». Enfin, le grand manitou, Hollande en personne, a martelé à plusieurs reprises durant la campagne présidentielle : « Je ne veux pas donner le moindre signal de renoncement à une dissuasion par rapport à cette consommation de cannabis. » Je crois que c’est clair ! Pour autant, à gôche, il n’y a pas consensus sur la question. En 2011, Daniel Vaillant, l’ancien ministre de l’Intérieur, avait prôné, pour sa part, une « légalisation contrôlée du cannabis et la reconnaissance d’un usage thérapeutique du cannabis ». Aujourd’hui, il appelle le débat. François Rebsamen, un sénateur proche de Hollande, s’était prononcé, quant à lui, en faveur de la transformation en contravention de la consommation de cannabis, alors qu’elle est considérée à ce jour comme un délit. Selon Le Canard enchaîné, cette position lui aurait coûté le poste de ministre de l’Intérieur, pour lequel il avait été longtemps pressenti. « Dans ce pays, on se voile les yeux et, aujourd’hui, des jeunes qui fument du cannabis dans la rue sont fichés au fichier des empreintes génétiques comme des grands bandits alors qu’en réalité, c’est de soins thérapeutiques et de prévention dont on a besoin », avait-il osé répéter sur une chaîne TV. Une position qui vaut bien un maroquin !

On se calme à droite !
« Pain béni » ! Il n’en fallait pas plus à la droite pour opérer un retour en force avant le second tour des législatives. Le premier à s’engouffrer dans la brèche a été Éric Ciotti, député UMP spécialiste de la sécurité, qui a immédiatement dénoncé le « double langage » de la gauche en ces termes : « Déjà pendant la campagne de l’élection présidentielle, des proches de Monsieur Hollande tels que Monsieur Rebsamen ou encore sa partenaire Madame Joly s’étaient prononcés en faveur d’une dépénalisation du cannabis, lançant un signal destructeur pour l’autorité morale de l’État. » Morale et État, quels deux doux mots aux oreilles des réactionnaires ! On s’y attendait, le second couteau n’était autre que Xavier Bertrand qui est venu prendre le relais sur BFM TV. « En tant qu’ancien ministre de la Santé et aussi en père de famille », il a affirmé, droit dans ses bottes : « Si la gauche l’emporte, il y aura légalisation du cannabis. » Il s’est donc recyclé dans la voyance depuis la défaite de l’UMP ? Et que je t’en ré-étale une couche sur la tartine, Henri Guaino, l’ancien « nègre » de Sarkozy, a qualifié cette position sur LCI de « désastre moral », avant d’ajouter dépité : « Mais comment va-t-on élever nos enfants, si on continue de cette façon ? Cette idée de légaliser le cannabis, les drogues douces comme si elles étaient douces, comme s’il n’y avait pas de rapport entre drogues douces et drogues dures ! » Résultat des courses, selon Jean-Luc Mélanchon, après sa sortie, Cécile Duflot « se serait fait déjà taper sur les doigts ». Il est sans doute bien renseigné. Quant à la ministre du Logement, elle doit bien se mettre dans la tête que faire partie d’un gouvernement, même « dit de gôche », c’est avant tout apprendre à se taire. Le fera-t-elle ? Il y a tout à parier ! Tout le monde ne s’appelle pas Pierre-Joseph Proudhon qui, pour sa part, comprit très vite la tromperie du jeu parlementaire, tandis qu’après avoir été d’extrême gauche, le 31 juillet 1848, il tenait tête à toute l’Assemblée en opposant le prolétariat et la classe bourgeoise, et en affirmant que « le prolétariat instaurerait un ordre nouveau et procéderait à une liquidation en se passant des moyens légaux » ! Scandalisée, l’Assemblée vota un blâme à Proudhon, par 691 voix sur 693. Sa carrière parlementaire ne dura donc guère et lui fit dire, plus tard, une phrase qui, dans la bouche de Louise Michel, se transformera en : « Le pouvoir est maudit et c’est pour ça que je suis anarchiste. »