Quand les mairies communistes expulsent les Roms

mis en ligne le 14 juin 2012
Si l’on en croit les responsables du PCF, « les élus communistes sont aux avant-postes pour le droit des Roms » 1. En voici un exemple, à Bagnolet.
En 2007, la mairie ouvrait un foyer pour héberger des Roms adultes, à condition qu’ils renvoient leurs enfants en Bulgarie ! La création d’un village d’insertion (« des centres de semi-internement interdits d’accès à toute personne extérieure, sous l’œil de vigiles de sociétés privées de sécurité » 2) a permis à la mairie de communiquer sur son action en faveur des Roms, tout en chassant ceux qui n’y avaient pas de place ou n’en voulaient pas. Et puis, plus discrètement, quelques années plus tard, elle décide de fermer ce « village », dont les habitants apprennent, par lettre du 14 juin 2011, que seuls ceux qui auront trouvé un travail au 15 juin (le lendemain) seront (éventuellement) relogés… Une lettre qui leur indique « qu’ils peuvent bénéficier de l’aide au retour humanitaire » 3.
Une lettre que le maire a cosignée avec le sous-préfet, car dénoncer le gouvernement ne l’empêche pas de travailler main dans la main avec lui : quand les CRS saccagent les affaires des vendeurs roms du marché de Bagnolet, ce sont les employés municipaux (nettoiement ou environnement) qui passent derrière faire le ménage 4. D’autant plus que Bagnolet fait partie des villes qui « veulent éradiquer leurs taudis » – ou, plus pudiquement, « résorber les logements insalubres » 5 – et qu’elle a demandé (et obtenu) l’aide de l’État pour cela en se portant candidate pour l’application du Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD).
Ainsi, pendant qu’à la télévision publique, « spécialistes » et « experts » tiennent des « propos qui consistaient en une dénonciation sans appel ni réserve de la communauté rom à travers des affirmations péremptoires et des constats lapidaires et non étayés » 6 – ce qui fut qualifié par la justice dans un premier temps de « provocation à la haine raciale », mais finalement déclaré « question d’intérêt public » dans un dernier verdict 7 –, le maire de Bagnolet déclare qu’« il faut traiter [les Roms] autrement que par la haine et les expulsions » 8. Mais quand des Roms s’installent dans une maison vide de sa commune, rue de l’Avenir, il fait en sorte de leur signifier que l’avenir pour eux est ailleurs.
Pour expulser les squatteurs de sa ville, la mairie voisine et verte de Montreuil « indique [par lettre] au propriétaire qu’elle utilisera ses pouvoirs de police pour se substituer à lui [à ses frais] dans le cas où il ne ferait pas procéder à l’expulsion. Une lettre du préfet invite également le propriétaire à diligenter les procédures judiciaires pour faire expulser les occupants ». Les habitants de « Los Angeles » se sont ainsi fait expulser, leur maison a été détruite de l’intérieur (murs, fenêtres et robinetterie défoncés), toutes les entrées ont été murées, et ce avant que le jugement en appel, qui leur sera favorable, ne soit rendu 9.
Le propriétaire de la maison des Roms, rue de l’Avenir, étant inconnu, c’est sur ses habitants qu’il est fait pression. Les keufs sont venus deux fois, délivrant huit avis d’expulsion du territoire (OQTF) aux personnes présentes puis embarquant un homme pour l’enfermer immédiatement en centre de rétention. S’il a été libéré pour incompatibilité de son état de santé constaté par le médecin du centre, le tribunal n’y avait pas vu d’obstacle, pas plus que la présence de ses enfants ne pouvait empêcher son expulsion : ils n’avaient qu’à le suivre !
La préfecture a prononcé un arrêté d’insalubrité sur leur maison, un de plus dans un département où il y a « un millier d’habitations frappées d’un arrêté d’insalubrité, irrémédiable pour 450 d’entre elles » 10. Arrêtés délivrés sur demande des services d’hygiène municipaux… Et sans aucune proposition de relogement pour les habitants expulsés. « Les gens vivent non seulement dans la peur de se faire expulser de leur maison, mais aussi dans la crainte de se faire arrêter chez eux pour être enfermé en centre de rétention et expulsé. Nous cherchons des moyens de lutter pour qu’ils restent dans notre quartier. »

Nicolas, groupe d’Ivry de la Fédération anarchiste








1. « Quel monde voulons-nous ? », www.pcf.fr
2. « Halte à l’internement des Roms dans les villages d’insertion », La voix des Rroms.
3. « La fin douloureuse du village d’insertion rom », www.leparisien.fr
4. « La répression contre les Roms s’intensifie au Pont de Bagnolet », paris.indymedia.org
5. « Six villes veulent éradiquer leurs taudis », www.leparisien.fr
6 et 7. « Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 juin 2011, “Affaire C dans l’air” », junon.univ-cezanne.fr/u3iredic et « Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 juin 2011, 10-85.179 », legifrance.gouv.fr
8. « Les Roms : une question humaine qu’il faut traiter autrement que par la haine et les expulsions », communiqué du maire de Bagnolet, pcf-bagnolet.over-blog.com
9. « Montreuil : non aux expulsions, même encadrées par la mairie », www.cip-idf.org
10. « Six millions contre l’habitat insalubre », www.leparisien.fr