Hommes publics, femmes privées

mis en ligne le 19 avril 2012
1669SexismPar la culture, l’éducation, leurs rôles respectifs ont été distribués aux hommes et aux femmes. Depuis l’enfance on peut remarquer que les jouets des filles sont le plus souvent en relation avec la maternité, les tâches ménagères, soit des fonctions qui maintiennent dans la sphère privée, alors que les garçons se voient offrir des armes (factices), des véhicules, tout ce qui peut se voir dans la sphère publique. La fille aura sa panoplie d’infirmière, le garçon sa panoplie de docteur, hiérarchie oblige. Rôle passif pour les unes, actif pour les autres, les cartes sont distribuées de la même façon depuis des millénaires, les différentes sociétés ayant attribué à l’homme sa fonction : la guerre, la technique, la représentation publique de l’espèce humaine. Par contre, la valeur-clé dévolue aux femmes est le silence. Elle doit apprendre très tôt à la boucler, sous peine d’être traitée d’énervée, voire d’hystérique, et ramenée à la raison avec « virulence » s’il le faut.
Certaines statistiques qui circulent sont ahurissantes (et de plus, souvent bien en dessous de la réalité). Il apparaît ainsi que, chaque année, dans le monde :
– Deux millions de filles subissent des mutilations sexuelles.
– Toutes les douze secondes une femme est maltraitée par son mari, son fiancé ou son amant. Maltraitance qui se retrouve dans toutes les cultures, toutes les « ethnies », toutes les nationalités, à tous les âges, et dans toutes les catégories socio-professionnelles et socio-économiques.
– 93 % des victimes de violences conjugales sont des femmes.
– 64 % des femmes ont été maltraitées au moins une fois dans leur vie.
– 60 % des femmes battues le sont durant leur grossesse.
– 81 % des hommes qui maltraitent leur compagne ont eu un père qui maltraitait sa femme.
– 40 % des femmes victimes de tentative d’homicide connaissent leur agresseur.
– 80 % des fillettes abusées sexuellement le sont par des hommes de leur environnement proche (père, parent ou voisin).
– L’administration de raclées est la principale cause des blessures infligées aux femmes (plus que les accidents de la route, agressions et viols réunis). C’est la principale raison de la présence de femmes aux urgences dans les hôpitaux.
– Seulement 1 % des femmes battues porte plainte.
– 40 % des femmes battues par leur compagnon le sont depuis vingt ans de vie commune.
– Au travail, un jour d’absence sur cinq chez les femmes est en rapport avec des violences conjugales subies.
Arrêtons là cette liste (loin d’être exhaustive). Dormir avec « l’ennemi » est une situation que les femmes vivent le plus souvent en silence, et le foyer conjugal, qui en principe devrait être l’espace protecteur, devient le lieu de tous les dangers. Où se réfugier quand de nombreux fonctionnaires les accueillent avec dans l’idée que derrière une agression masculine, il y a toujours une femme provocatrice ? L’Observatoire national de la délinquance (OND) avait recensé pour les années 2005-2006 pas moins de 400 000 femmes victimes de violences physiques. À Paris, en novembre 2011, une importante manifestation avait eu lieu pour protester contre ces violences faites aux femmes. En Espagne, où les chiffres sont sensiblement les mêmes, a eu lieu le 5 mars dernier un rassemblement à l’appel du groupement féministe « Rompons le silence ». Certaines de ses membres s’étaient retrouvées Puerta del Sol à Madrid derrière une banderole « La violence patriarcale nous tue toutes », pendant que d’autres se couchaient par terre pour symboliser les victimes de ces violences, comme des cadavres, portant des étiquettes diverses du genre : « Écrasée par les tâches ménagères », « Torturée, obsédée par la taille 36 » ou encore « Insultée pour avoir tenu en public la main de ma compagne ».
L’espèce humaine a sans doute évolué, mais de même qu’il reste un long chemin à parcourir pour en finir avec l’exploitation de l’homme par l’homme, l’égalité hommes-femmes risque de prendre du temps. L’esclave des esclaves va devoir conquérir sa liberté, seule ou bien aidée par une partie du genre masculin ; en tout cas comme dans les luttes sociales, elle n’aura que ce qu’elle prendra.