Le triple A de la semaine

mis en ligne le 2 février 2012
Antisocial, Altruiste factice, Aberrant : telles sont les « qualités » qu’exhibe le député UMP Paul Salen. En effet, cet élu de la 7e circonscription de la Loire a eu l’idée d’un projet de loi discuté le 25 janvier à l’Assemblée nationale qui fleure bon le foutage de gueule, enrobé, comme il se doit, dans une épaisse couche de bons sentiments et arrosé d’abondants épanchements lacrymaux. De quoi attirer les grands sentimentaux qui sommeillent en tous et faire passer les critiques pour d’odieux butors… Ce député à l’âme généreuse, bon comme du bon pain, et fidèle à la pente christo-libérale de son camp, propose donc, dans un élan de charité – sitôt transformé en élan de solidarité dans les gazettes que j’ai consultées 1 –, qu’au sein d’une entreprise les employés puissent offrir leurs RTT à des collègues qui auraient besoin de s’absenter durablement de leur travail pour… soigner un enfant gravement malade ! L’idée lui est venue après avoir pris connaissance d’un tel cas, quand un salarié d’une usine Badoit, sise dans la Loire, avait pu bénéficier, grâce à la générosité de ses collègues et de la bienveillance de la direction 2, de 170 jours de RTT, temps qu’il a pu passer à veiller sur son enfant cancéreux, avant que la mort ne l’emporte. Le député, bon comme le bon pain, veut donc que ce geste « spontané » soit transformé en loi. La proposition de loi ainsi élaborée a été approuvée par l’UMP et le Nouveau Centre, les socialistes se sont abstenus (courage, fuyons). Seuls les communistes ont voté contre. Le député reconnaît lui-même que les dispositifs actuels sont insuffisants (le congé de présence parentale est de 1 000 euros par mois) ; la solution est donc de faire payer par une pseudo-solidarité locale les salariés, sans participation du patronat, et aux dépens d’une solidarité généralisée. Le déficit des comptes publics est bien entendu invoqué pour justifier que les aides d’État ne puissent garantir un tel soutien aux familles ainsi frappées : « Ma proposition de loi, elle ne va rien coûter à l’État, elle ne va rien coûter aux entreprises pour l’organiser et elle ne va rien coûter aux salariés puisqu’ils ne donnent pas de l’argent mais du temps. » Et l’homme bon comme du bon pain de justifier que sa loi ne concerne que les enfants : « D’après tous les experts que j’ai pu rencontrer, autant la présence affective permanente est indispensable pour les enfants, autant cela n’est pas forcément justifié pour un adulte, qu’il s’agisse d’un conjoint, d’un frère, d’une mère, etc. »
La société à laquelle nous aspirons, faisant du travail un moyen et non une aliénation permanente, sera telle que quiconque pourra veiller sur un proche malade sans avoir à se poser la question de sa propre survie économique.







1. Sur la page du site de TF1/LCI qui relate cette histoire, la photo l’illustrant est ainsi légendée : « La générosité, dans les gênes (double sic) ? » L’orthographe défaillante n’est qu’un des aspects de ce journalisme de pacotille, un autre est le recours extrêmement fréquent aux termes « ADN » et « gènes » pour signifier une nécessité, voire un fatalisme, une inéluctabilité ou encore le fait qu’une chose soit inhérente à une autre. Un autre aspect encore est bien évidemment l’allégeance implicite aux pouvoirs en place et à la doxa standard (autrement dit, la croyance commune). Lorsque internet sera en odorama, ces sites, et tant d’autres, seront tellement nauséabonds qu’il faudra les consulter avec un masque à gaz.
2. Tous ces mots positifs sont évidemment à lire ici avec l’ironie qu’il convient ; cependant, et cela va de soi, aucune ironie quant à la douleur de ces parents meurtris.