Après Kadhafi, la liberté ?

mis en ligne le 27 octobre 2011
Ainsi donc Kadhafi est mort. Les armes à la main ? En s’enfuyant ? Blessé puis lynché ? Difficile de le savoir avec certitude, mais en tout cas, contrairement à d’autres (Franco, Pinochet), pas dans son lit. Dictateur est un métier à risque et 42 ans de cotisations ne suffisent pas à s’assurer une retraite paisible. Nous ne verserons bien entendu pas une larme sur cette disparition violente, qui a dû faire pousser un ouf de soulagement à de nombreuses démocraties occidentales ayant entretenu, surtout ces dernières années, des rapports plus que douteux avec le colonel/guide du peuple autoproclamé. C’est que l’argent n’a pas d’odeur et le pétrole encore moins. Kadhafi pris vivant et son procès ayant lieu, on imagine sans mal les révélations gênantes – sur les livraisons d’armes et de matériel technologique ayant servi à combattre et museler toute opposition en Libye – qu’un avocat type Vergès auraient pu balancer.
À vrai dire l’après-Kadhafi avait déjà commencé avec cette visite éclair de Sarkozy flanqué d’un bataillon de chefs d’entreprises français, alléchés par l’odeur du pétrole et la perspective de tous les marchés qui vont s’ouvrir aux pays ayant soutenu les insurgés.
Toutefois la situation est plus compliquée qu’elle n’en a l’air. Le Conseil National de Transition (CNT) est invité par les occidentaux à s’engager fermement dans la voie de « l’unité et de la réconciliation ». Vaste programme que le CNT voudrait accomplir en formant un « véritable gouvernement », ce qui l’amène à constater qu’il lui faut « argent, pouvoir, organisation et des armes » (rien de nouveau donc sous le ciel libyen), autant de choses qui lui manquent pour offrir un avenir radieux au peuple. On commence à avoir des craintes quant à ce qui constitue le bonheur du peuple. Nous ne partageons pas en effet l’optimisme béat d’un Bernard Henri Lévy qui n’en finit pas de rappeler à la radio et sur les plateaux TV, qu’il a été le premier à…, celui qui a présenté à Sarkozy les opposants à Kadhafi…, celui qui a des contacts directs avec… Bref, après avoir gagné la bataille insurrectionnelle, BHL va gagner la paix. À lui seul ? Ses contacts étant principalement constitués de généraux, on nous permettra d’émettre quelques doutes quant aux priorités que vont se fixer les nouveaux maîtres du pays.
Reste qu’une dictature de 42 ans s’est achevée et que la parole, elle au moins, va se libérer ; avec des excès ? Va pour les excès s’ils restent verbaux et qu’ils tendent vers la construction d’une société autonome ne confondant pas les intérêts privés avec ceux du peuple. Comme dirait l’autre : la route est longue et en pente.